Le niveau de production de Stephen King ne baissant pas du tout ces dernières années, les éditeurs français ont décidé de s'adapter à cette folie, en proposant, directement en poche comme pour Gwendy et la boîte à boutons, la novella Elevation, sortie seulement l'année dernière aux USA.
Dans la petite ville de Castle Rock, les rumeurs circulent vite. Trop vite.
C’est pourquoi Scott Carey ne veut confier son secret à nul autre que son ami le docteur Bob Ellis. Car avec ou sans vêtements, sa balance affiche la même chose, et chaque jour son poids diminue invariablement. Que se passera-t-il quand il ne pèsera plus rien ? Scott doit également faire face à un autre problème : les chiens de ses nouvelles voisines ont décidé que sa pelouse était le lieu idéal pour faire leurs besoins. Entre le couple et Scott, la guerre est déclarée. Mais lorsqu’il comprend que le comportement des habitants de Castle Rock, y compris le sien, envers les deux femmes mariées met en péril le restaurant qu’elles ont ouvert en ville, il décide de mettre son « pouvoir » à contribution pour les aider.
A l'instar de Gwendy, Elevation se classe dans la veine "soft" de l'oeuvre kingienne, dans la mesure où le fantastique est ici relativement ténu, et même s'il sert de moteur au récit, c'est encore une fois les personnages qui en font l'intérêt principal. Scott Carey est un divorcé sans histoire, qui va faire preuve d'une immense gentillesse envers ses voisines. L'histoire est menée sur un rythme léger, pas de violence, même si deux personnages sont à deux doigts d'en venir aux mains à un moment, pas de moment gore, mais plutôt de la poésie, à deux ou trois moments-clés, dont le dénouement, si triste et pourtant teinté d'espoir. Pas d'enfant ou d'adolescent ici, seulement des adultes avec leurs fêlures et leur bonté.
King a écrit une belle fable sur l'acceptation de la différence, délicatement traduite par Michel Pagel.
Edouard J. Kloczko est un traducteur et auteur français, qui s'est fait connaître dans le cercle des amateurs de Tolkien pour ses travaux relatifs aux langues elfiques. Oui, vous avez lu, quelqu'un s'est attaqué à l'étude de certaines des langues inventées par Tolkien. Une tâche dont l'intention inspire le respect, mais Kloczko s'est aussi fait remarquer par une attitude très particulière, un manque de respect d'autres exégètes de l'oeuvre du professeur, qui a amené de nombreux amateurs éclairés à prendre leurs distances avec l'auteur. Mais ne jugeons pas l'homme, attachons-nous à son oeuvre.
Ca part mal. Dans la préface où il fait l'élégie de l'oeuvre de Tolkien, il tire à boulets rouges sur "les compilateurs" de son oeuvre, parmi lesquels -mais il ne le nomme pas- son fils, Christopher. Idem au sujet des traducteurs, au travail approximatif selon lui. Passons.
Kloczko s'attache ensuite à nous raconter les origines des Elfes, du moins dans les écrits de Tolkien. Dès les premières pages, des encarts nous proposent du vocabulaire dans les différentes langues elfiques, regroupé par thématiques. Le tout joyeusement enluminé et illustré par des gens de renom comme Sandrine Gestin ou Ted Nasmith.
la troisième partie explore les us et coutumes elfiques, du langage du corps à l'héraldique, en passant par la religion et la télépathie. Deux sections sont ensuite consacrées aux écritures et langues elfiques, avec maints détails sur les spécifications locutives (oui, il existe plusieurs langues elfiques !).
Au final, c'est un ouvrage très érudit, trop peut-être, que le quidam va vite lâcher. Le/la passionné(e) d'elfes sera nettement plus accroché, même si parfois le ton, un rien hautain pour ses confrères tolkienophiles, n'incite pas forcément à éprouver de la sympathie pour l'auteur.
Paul H. Kocher fut chercheur, essayiste et enseignant en anglais à l'université américaine de Stanford. Spécialiste de Tolkien et de Francis Bacon, il est connu pour son ouvrage Master of Middle-Earth, traduit ici, et A Reader’s Guide to ‘The Silmarillion’, daté de 1980.
Voici donc un ouvrage de référence, certes daté et épuisé, sur l'univers de Tolkien. Pour cette traduction française, nous avons droit à une préface de Jean Markale, grand manitou des Celtes. Et du coup, il ne peut s'empêcher de mettre des Celtes dans tout Tolkien. Un vrai catalogue -heureusement limité à quelques pages- de n'importe quoi, de raccourcis et de contre-sens. C'en devient presque risible pour les exégètes modernes du Professeur. Soyons indulgent en précisant qu'en 1981 la recherche relative à Tolkien disponible en langue française devait être balbutiante. Et plongeons-nous dans Kocher.
Celui-ci entame son étude en nous parlant du niveau de réalisme du monde créé par le Professeur, comme le climat, la géographie, et une attention toute particulière est portée sur les langues, clé de voûte de l'Imaginarium tolkienien. Il explore les différences fondamentales entre le Hobbit et le Seigneur des Anneaux, puisqu'on passe, selon lui, du "simple" conte à l'épopée. Même si les intentions furent différentes dans l'esprit de Tolkien, les études ultérieures de son premier roman ont montré que l'aventure de Bilbo était tout sauf simpliste.
Le chapitre suivant s'attache justement au Hobbit (fun fact : le titre est celui de la nouvelle traduction, pas de celle qui fut contemporaine à l'ouvrage de Kocher. J'y reviens plus loin.) Kocher y trouve tout de même des points d'attention, comme le fameux dédoublement de personnalité de Gollum ; cependant l'analyse psychologique ne va pas bien loin, sans doute à cause d'une méconnaissance du personnage ; étrange, pourtant, car hormis les deux premiers romans de Tolkien publiés de son vivant, Gollum n'apparaît quasiment nulle part ailleurs. Mais cela n'empêche pas l'analyste de ramener le Hobbit à la place qu'il doit occuper selon lui : un simple conte.
La deuxième partie aborde la dimension cosmique de l'univers tolkienien. En effet, bien que le nom de Dieu ou d'une divinité ne soit jamais prononcé, il est évident que nombre d'évènements relatés dans le Seigneur des Anneaux sont dus à l'action d'une entité supérieure. Ainsi transpire légèrement la croyance catholique profonde de Tolkien. Kocher l'appelle Providence, et indique qu'elle agit non pas toujours en avantageant le Bien, mais plutôt en faisant coexister Bien et Mal, et en intervenant au final pour faire triompher le Bien. La place toute particulière des Valar est analysée également : pas vraiment des divinités, mais pas de simples créatures non plus, ils tiennent une position originale et un peu difficile à définir dans la création de la Terre du Milieu, tout en en référant à l'Unique pour certaines questions. La question de la mort est rapidement abordée, pour la simple raison que Tolkien y fait de rares allusions, laissant cependant penser qu'il y a une existence après la vie, mais sans aller bien loin.
De la divinité à Sauron il n'y a qu'un pas, que Kocher franchit en entamant un nouveau chapitre. Nous avons donc l'historique du grand méchant de l'histoire, qui n'était pas méchant au départ, mais l'est devenu à la suite de nombreuses déconvenues et mésaventures. Sauron est ainsi devenu au fil du temps l'incarnation du Mal, qui a pu insuffler une grande partie de son pouvoir et de ses mauvaises intentions dans un anneau qu'il a lui-même forgé. Lequel Anneau a ensuite largement -mais pas totalement- corrompu Gollum. Côté malveillant se trouvent également les Nazgûl, mus par la soif inextinguible des âmes de leurs proies. Mais tous ces êtres néfastes, ou presque, possèdent un libre arbitre, et c'est l'action du Seigneur Ténébreux qui leur fait prendre fait et cause pour le côté obscur. Tous ces personnages sont caractérisés par leur besoin de posséder quelque chose ou quelqu'un, et c'est ce besoin qui en a fait des êtres vils ; ce point est le reflet des convictions de Tolkien.
La partie suivante propose un panorama des Peuples Libres : caractéristiques, représentants notables, origines quand on les connaît... Hommes, Elfes, Nains et Hobbits et Ents sont ainsi passés en revue, de façon étonnamment complète. Puis vient un gros focus sur Aragorn, probablement le personnage le plus riche de toute la saga, mais surtout le plus emblématique, alors qu'au départ Tolkien n'avait pas d'idée sur la façon dont il allait évoluer. Abimé par des sentiments et des valeurs chevaleresques, son histoire personnelle, intimement liée aux Elfes, en fait, aux côtés de Frodo et Gandalf, l'un des moteurs de l'action. Un portrait contrasté, Kocher s'attardant sur un épisode passé conté dans le Seigneur des Anneaux, au cours duquel celui qui prendra la tête du Royaume réunifié fit preuve de cruauté envers Gollum. Mais dans le présent du Seigneur des Anneaux, la nature royale d'Aragorn s'affirme, pleine de sagesse, d'habileté et de charisme. Des qualités qui lui permettront de rassembler les Peuples libres pour porter l'estocade à Sauron.
Au final je place Paul Kocher comme l'un des meilleurs exégètes de Tolkien, même si son analyse, au regard d'autres ouvrages, a un peu vieilli. Il faut dire que depuis plus de 30 ans la recherche a énormément avancé au sujet du Professeur. Mais il a eu le mérite d'analyser de façon convaincante et lucide nombre d'éléments inhérents au Hobbit et au Seigneur des Anneaux. Un jalon à son époque.
Petit bémol au sujet de l'édition française : il faut déplorer une relecture nettement défaillante, qui a provoqué un certain nombre de fautes ou de réécritures plus ou moins heureuses des noms propres : le Mordor est ainsi devenu Mondor à deux reprises, les Guetteurs sont des Gultteurs... Ce qui m'a amené à m'interroger sur la traduction... L'ouvrage ne fait pas mention de la personne concernée, et quelques recherches ne m'ont pas permis d'en trouver l'identité. Par contre, et c'est vraiment dommage, les récits Feuille, de Niggle, Smith de Grand Wootton et Le Fermier Gilles de Ham (rassemblés en français dans Faërie et autres textes avec Le Retour de Beorhtnoth et Les Aventures de Tom Bombadil), ou encore les poèmes Imram et le Lai d’Aotrou et Itroun ne sont pas mentionnés dans cette édition, sans doute parce qu’il aura fallu attendre vingt ou trente ans pour que certains (à l’exception des deux poèmes) soient disponibles en français. Merci à tolkiendil.com pour cette précision.
L'auteur du Hobbit et du Seigneur des Anneaux a déjà fait l'objet de biographies complètes (par Humphrey Carpenter) ou partielles (comme pour Tolkien et la grande guerre, par John Garth) mais jusqu'ici je n'ai pas eu l'occasion de lire un essai qui se consacre à sa jeunesse, à la période qui a lancé l'homme, et l'auteur. C'est désormais chose faite, grâce à Alexandre Sargos, photographe, journaliste et essayiste passionné par l'imaginaire.
Le titre est un peu trompeur, et les deux sous-titres, Prélude au Seigneur des Anneaux et Une Jeunesse au Mordor, sont déjà un peu plus accrocheurs. Car Sargos commence tôt, en nous racontant la vie des parents de celui qu'on appellera John, en Angleterre puis en Afrique du sud, puis le retour au pays de la famille Tolkien lorsque l'aîné John n'a que 3 ans. Son enfance, près de Birmingham, puis ses études, sa découverte de langues vivantes et anciennes, ses lectures, mais aussi la rencontre de celle qui deviendra son épouse, Edith, sa formation comme futur philologue (spécialiste des langues), son engagement -tardif- dans l'armée pendant la première guerre mondiale, sa blessure pendant la bataille de la Somme, et enfin, ses premiers écrits, dont certains composeront son Legendarium. Et tout cela avant ses 30 ans, en 1922.
J'ai beaucoup aimé cette lecture. En tant que passionné de Tolkien et de son oeuvre, j'ai retrouvé beaucoup de choses déjà croisées dans les ouvrages déjà cités. Sargos a décidé de raconter l'histoire de la "genèse" de Tolkien un peu comme un roman, en prenant son temps, en rentrant dans les détails parfois, en comblant les "trous" par un peu de lyrisme, embellissant peut-être certains moments-clés afin de faire couler, de fluidifier son récit. Et ça marche. Le bouquin fait 150 pages, qui se dévorent presque d'une traite, contient de nombreux moments émouvants (la danse d'Edith dans les fleurs, la mort de la mère de Tolkien, le terrible théâtre de la première guerre mondiale...). Loin de déifier son sujet, Sargos a décidé, malgré cette enluminure du langage, d'en faire un portrait assez réaliste, un brin contrasté (lorsqu'il évoque par exemple le fait que Tolkien ait fortement insisté pour que la conversion d'Edith -elle était anglicane, John catholique) se déroule rapidement lors de leurs fiançailles), se basant sur une somme d'écrits assez impressionnante (rappelons que Tolkien a entretenu durant sa vie d'adulte une correspondance impressionnante avec ses amis, son éditeur, sa famille...). On notera aussi de très beaux passages sur la constitution et la destruction du TCBS, ces étudiants avec lesquels Tolkien avait passé une sorte de pacte créatif, avant que leur destinée ne soit brisée par des bombes en France...
Si je dois pinailler je dirais que la future carrière d'enseignant de Tolkien est un peu moins bien traitée que les autres aspects (la vie de famille, la passion et l'apprentissage des langues, l'écriture, la mobilisation...). En 150 pages dans un format poche, Alexandre Sargos réussit à rendre la jeunesse de Tolkien presqu'aussi passionnante que ses romans.
Alors que deux jumelles viennent au monde, l’une d’elles a été génétiquement modifiée pour ne plus avoir besoin de sommeil. Chaque jour, elle dispose de huit à dix heures en plus pour vivre et découvrir le monde... Des heures qui feront aussi d’elle un être à part.
Dès lors, comment trouver sa place dans une société qui n’est plus la vôtre ?
Je n'avais jamais lu de roman de Nancy Kress. Bon, techniquement nous sommes plutôt en présence d'une novella, mais sa lecture donne, je trouve, une bonne introduction à son oeuvre, car elle en représente, sinon la quintessence, du moins un bon concentré de celle-ci, si j'en crois divers commentaires piochés ici et là.
En effet nous sommes face à un récit d'anticipation un peu à l'ancienne, mais qui grâce à un ancrage temporel très flou (il y a une mention à... 2019 à un moment, mais c'est à peu près tout...), parvient à une forme d'universalité, même si on sent qu'au niveau des technologies, notamment les communications, Internet n'était pas encore passé par là. L'une rêve, l'autre pas (Beggars in Spain en VO) date en effet de 1991. Bref, c'est plutôt sur les neurosciences que se base le postulat de départ, et la possibilité de choisir certaines caractéristiques de son enfant à naître. Bien sûr, l'eugénisme est très présent, mais Nancy Kress se projette très vite sur les implications morales, sociétales et politiques de ces enfants qui n'ont plus besoin de dormir. Plus du tout... Et elle a même le temps d'aller très loin dans la prospective, de lancer de nombreuses pistes de réflexion pour le lecteur... Acceptation de l'être différent, inanité des lois locales aux Etats-Unis, auto-déterminisme, les thèmes sont légion. Si l'écriture, traduite par Claire Michel, est lumineuse, elle n'en est pas loin un brin verbeuse par moments. Il n'empêche que ce roman est marquant, et qu'il a été remarqué :il a obtenu le prix Hugo, le prix Nebula, le prix Asimov des lecteurs, le Grand Prix de l’Imaginaire et le prix décerné par Science Fiction Chronicle. Excusez du peu.
Bref, une belle découverte. Oui je sais, je suis à la bourre, mais on doit toutes et tous l'être, non ?
Le corps martyrisé d’un garçon de onze ans est retrouvé dans le parc de Flint City. Témoins et empreintes digitales désignent aussitôt le coupable : Terry Maitland, l’un des habitants les plus respectés de la ville, entraîneur de l’équipe locale de baseball, professeur d’anglais, marié et père de deux fillettes. Et les résultats des analyses ADN ne laissent aucune place au doute.
Pourtant, malgré l’évidence, Terry Maitland affirme qu’il est innocent.
Et si c’était vrai ?
Après la trilogie policière (avec des bouts de fantastique dedans) consacrée à l'Inspecteur Hodges, Stephen King semble prendre goût au genre, et nous revient avec cet Outsider, qui bénéficie d'une couverture marketing tout à fait soutenue. La dernière fois que les Editions Albin Michel avaient mis le paquet sur un de ses bouquins, c'était pour Dr Sleep. Pas super bon signe.
Mais c'est toutefois sans appréhension particulière que je me suis plongé dans cet Outsider. Et très vite, comme souvent, j'ai été happé. Happé par cette enquête menée à la fois par la police de Flint City, et par l'avocat de Terry Maitland. Il faut dire que la scène d'ouverture a de quoi interpeller. Imaginez que vous êtes l'entraîneur d'une équipe de base-ball de gamins, que vous êtes sur le point de gagner une demie-finale qui vous ouvrirait les portes d'une compétition au niveau de l'Etat (l'Oklahoma, en l'occurrence). Et là, au moment le plus critique, les flics débarquent et vous passent les menottes, disant vous arrêter pour le meurtre dégueulasse d'un enfant, connu de toute la ville. Devant 2 500 personnes. Imaginez le traumatisme pour tous. C'est ce que fait King ; il nous met à la place de Terry Maitland, de sa femme, de ses filles, des flics... Place à l'enquête, aux découvertes, aux doutes, aux soupçons, comme ces faisceaux de preuves qui accusent Terry de façon indubitable, ou presque. Et cet autre faisceau de preuves qui prouvent absolument le contraire.
Et puis, page 151, un nouveau drame, votre coeur se serre. Page 190, un coup de théâtre qui met fin, ou presque, à l'enquête. Mais rien n'est résolu, en fait, le doute subsiste, d'autant plus que d'autres affaires, dans d'autres lieux, présentent des similitudes troublantes.
Ahah, l'enfoiré.
Et puis là, paf ! La Trilogie Hodges ressurgit, avec l'arrivée d'un personnage survivant, qui va devenir le moteur du récit, et apporter de la fantaisie, mais aussi son expérience du surnaturel. Car la suite va le confirmer : Ralph Anderson et ses amis sont bel et bien en présence d'une créature meurtrière non humaine. La deuxième moitié du roman comporte quelques passages de flottement. Ca ronronne un peu, ça n'avance pas beaucoup. Et la fin, ou plutôt la scène de confrontation des enquêteurs avec la créature, m'a déçu : si sa durée est satisfaisante, sa résolution m'a semblé quelque peu ratée, d'autant plus qu'au final le modus operandi est laissé complètement de côté, même si l'on est en présence d'une sorte de vampire, à la fois physique et psychique. J'ai un peu eu l'impression d'un soufflé, alors que le début du roman était vraiment prenant, bien que pas très représentatif du style kingien. Il y a en effet des similitudes entre cet Outsider et la créature surnaturelle de son chef-d'oeuvre Ça. De là à en faire un congénère, dans l'idée kingienne de lier l'ensemble de son oeuvre, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement.
Un petit mot sur le titre, qui me semble assez mal choisi. Si the Outsider est le titre original de King et son éditeur, Albin Michel a choisi de le garder tel quel, sans tenir compte de son sens réel, primaire, différent en français de l'anglais... Car en français, outsider est plutôt un terme utilisé dans le sport, ou plus rarement en politique, lorsqu'un concurrent, que l'on n'attendait pas, se révèle un client sérieux pour la victoire finale. En anglais cela désigne plutôt... quelqu'un(e) qui vient d'ailleurs, d'autre part, et c'est une bonne désignation, bien que floue, de la créature après laquelle court Ralph Anderson. L'homme qui vient d'ailleurs aurait fait une bonne traduction ; hélas Jean Esch, le traducteur, utilise ce terme d'outsider tout du long... Mauvais choix à mon avis.
Bref, un King mineur. Chronique à lire en miroir avec celle réalisée pour vampirisme.com, qui s'intéresse à l'aspect vampirique du personnage-titre.
Avant de participer en 2016 au Salon du Vampire, 4ème édition, je ne savais pas du tout qui était Vincent Tassy. Et puis sur place, en discutant avec lui, j'ai été charmé, au sens où il s'agissait d'un jeune homme dont la gentillesse et l'érudition contrastaient avec son apparence gothique. J'ai donc acquis son premier roman, Apostasie, et j'ai mis -bien malgré moi- plus de deux ans à débuter sa lecture.
Anthelme croit en la magie des livres qu’il dévore. Étudiant désabusé et sans attaches, il décide de vivre en ermite et de s’offrir un destin à la mesure de ses rêves. Sur son chemin, il découvre une étrange forêt d’arbres écarlates, qu’il ne quitte plus que pour se ravitailler en romans dans la bibliothèque la plus proche.
Un jour, au hasard des étagères, il tombe sur un ouvrage qui semble décrire les particularités du lieu où il s’est installé. Il comprend alors que le moment est venu pour lui de percer les secrets de son refuge. Mais lorsque le maître de la Sylve Rouge, beau comme la mort et avide de sang, l’invite dans son donjon pour lui conter l’ensorcelante légende de la princesse Apostasie, comment différencier le rêve du cauchemar ?
D'entré de jeu j'ai été subjugué par la délicatesse, l'érudition et la noblesse de la langue de Vincent Tassy. Son style, loin d'être empesé, est très élégant, riche, longuement élaboré. Il s'est attaqué, pour son premier roman, à un exercice difficile, à savoir le récit enchâssé dans un autre. Le conte mettant en scène -entre autres- Apostasie, occupe la moitié du roman, avant que la narration ne revienne sur Anthelme, jusqu'à la conclusion de son cheminement en compagnie de ces étranges personnages.
Tassy s'en sort relativement bien, on est parfois perdu dans les méandres de l'imagination tassienne, et la transition entre les deux récits n'est pas toujours fluide. De même, certains passages, notamment ceux à connotation sexuelle, ne sont pas toujours très lisibles, dans leur construction mais aussi dans leur utilité au sein du récit. C'est dommage, on sent que Tassy en a sous la pédale, et on se dit qu'il va sans doute faire mieux la fois suivante.
Le bilan, s'il n'est pas totalement positif, est quand même bon, eu égard à la beauté du texte, et au potentiel de l'acteur, qui fait donc un premier roman remarquable.
Personne ne sait exactement quand et où tout a commencé. Sur le corps des individus contaminés apparaissent des tatouages mordorés qui s’embrasent, causant la mort par combustion. Boston, Detroit, Seattle ont déjà basculé dans le chaos. Il n’existe aucun antidote. Lorsque Harper, infirmière dévouée et bienveillante, découvre les premières marques sombres sur sa peau, elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Paniqué, son mari fuit.
Dans un monde en ruine, où de petites communautés se forment et des milices traquent les malades pour les exterminer, Harper est secourue par un homme capable de contrôler ce feu intérieur. Mais l’infirmière ne dispose que de peu de temps pour percer le secret de l’homme-feu, avant qu’elle et son enfant ne soient réduits en cendres...
Je suis un grand fan de Stephen King, et je suis également la carrière de son fils aîné, lui aussi auteur de romans fantastiques. Après Le Costume du Mort et Cornes, l'Homme-feu est son troisième roman en solo, un roman déjà remarquable par sa pagination : près de 1 000 pages en édition de poche...
Si l'on regarde le roman dans son ensemble, l'argument fantastique est assez ténu : dans un monde en pleine déliquescence, pour ne pas dire apocalypse, Harper croit trouver un refuge au sein d'une micro-société aux règles bienveillantes. Mais de la bienveillance à la dictature, la distance est courte, et elle sera vite franchie lorsque le patriarche de la communauté se retrouve dans l'impossibilité d'assumer ses prérogatives. Et l'infirmière va se retrouver au coeur des dissensions au sein du camp Wyndham. Seul John, un pompier un peu bravache, peut peut-être la sortir de là, lui qui semble être le seul -ou l'un des rares- à pouvoir maîtriser l'Ecaille, cette étrange maladie qui ronge puis consume -littéralement- celles et ceux qui en sont atteint(e)s...
Comme je l'ai déjà constaté dans ses romans précédents, Hill a un style d'écriture beaucoup plus conventionnel que son père, moins aguicheur. Mais il sait cependant faire preuve de pas mal d'imagination, lui permettant de mener à bien des pitchs intrigants. Par contre il semble avoir hérité de la fibre paternelle en ce qui concerne les longueurs, des longueurs qui au final me semblent ici justifiées. Il n'y a au final pas trop de scories, de bla-bla ou de passages inutiles. Le récit s'étire sur 9 à 10 mois, et il se passe beaucoup de choses. Hill m'a surpris : certains passages sont très bien écrits, plutôt émouvants. Ce fut une oeuvre de longue haleine ; 4 années pour réaliser ces 1000 pages. Il y fait preuve également d'une belle érudition : j'ai relevé, parmi beaucoup de références, Sur la route, de Cormac Mc Carthy, Le Seigneur des Anneaux, Harper Lee, Les Garennes de Watership Down ou encore La Servante écarlate.
Avec l'Homme-Feu, Joe Hill est devenu un grand écrivain.
Et hop, lecture d'une nouvelle jusque-là inédite en français du King.
Trois chemins permettent de gagner Castle View depuis la ville de Castle Rock : la Route 117, Pleasant Road et les Marches des suicidés. Comme tous les jours de cet été 1974, la jeune Gwendy Peterson a choisi les marches maintenues par des barres de fer solides qui font en zigzag l’ascension du flanc de la falaise. Lorsqu’elle arrive au sommet, un inconnu affublé d’un petit chapeau noir l’interpelle puis lui offre un drôle de cadeau : une boîte munie de deux manettes et sur laquelle sont disposés huit boutons de différentes couleurs.
La vie de Gwendy va changer. Mais le veut-elle vraiment ? Et, surtout, sera-t-elle prête, le moment venu, à en payer le prix ? Tout cadeau n'a-t-il pas sa contrepartie ?
Bon, je savais que King appréciait beaucoup Chizmar, qu'il citait de temps en temps dans ses préfaces, et qu'il avait sauté le pas il y a peu pour écrire un texte avec lui. Sa (mini) notice sur le site du Livre de Poche (qui publie la présente nouvelle) le présente comme l'un des éditeurs de... King, mais aussi comme un auteur de fantastique traduit dans le monde entier. En France, c'est une première, et il a fallu que King y soit associé pour que cela arrive. Pour l'anecdote c'est d'ailleurs l'écrivain de SF Michel Pagel qui s'y est collé.
Bref, pour en revenir à cette nouvelle, elle s'inscrit bien dans la veine de l'oeuvre de King, une fraction qui prend pied dans sa ville fictive de Castle Rock (qu'on a toujours plaisir à retrouver), et qui a surtout comme sujet le temps qui passe (oui bon, comme 80% des oeuvres de fictions), ou plutôt de la possibilité d'influer sur les conséquences de celui-ci. En effet Gwendy, jusqu'au moment où elle reçoit la boîte à boutons, est une préadolescente boulotte, à la peau ingrate, et un peu mal dans sa peau. De ce jour, tout s'améliore : elle devient jolie, très jolie, connaît une cursus puis une carrière accomplis... Elle a même la possibilité de s'enrichir grâce à cet objet si particulier. Mais elle a toujours cette crainte que, comme il le lui a dit, l'homme au petit chapeau noir ressurgisse et réclame la boîte. Celle-ci est donc devenue, au fil du temps, autant un trésor qu'un fardeau. Et la vie de Gwendy, du fait de cette dualité mortifère, va un jour basculer dans le pire des cauchemars, de la manière la plus cruelle possible...
Il ne s'agit pas, et de très loin, de la meilleure nouvelle de King. Elle n'est pas désagréable à lire, loin de là même, mais constitue, visiblement une sorte de cadeau fait à l'un de ses vrais amis, une collaboration un peu "fond de tiroir" (quand on pense que certains de ses "fonds de tiroir" sont devenus des bouquins énormes...) qui constitue une variation sympathique sur un de ses thèmes favoris.
Tiens, ça faisait un moment que je n'avais lu un texte de Stephen King en VO. Le dernier ce devait être Guns.
On est dans un tout registre ici, puisqu'il s'agit d'une nouvelle, qui plus est récente et disponible gratuitement en ligne, qui nous raconte la mésaventure de Lloyd, un "jeune" retraité floridien à qui sa soeur offre un chien après le décès de sa femme, pour lui tenir compagnie, et pour qu'il ait quelqu'un à s'occuper. Or il s'avère que c'est Laurie, ce chien, puisqu'il va ainsi prénommer ce croisement de Colley et de Mudi, qui va, en quelque sorte, s'occuper de lui, et lui sauver la vie, quelque part.
Car c'est au cours d'une de ses promenades quoridiennes avec Laurie que Lloyd apprend la disparition toute récente d'un de ses voisins, et qu'il va le retrouver... Dans une situation pour le moins inattendue...
Je n'en dirai pas plus, mais sachez que comme souvent avec King, qui plus est avec le King nouvelliste, je n'ai pas pu décrocher de ma lecture, malgré ses 32 pages, avant d'aller jusqu'au bout. L'auteur, on le sait, décrit admirablement l'adolescence ; désormais, alors qu'il a fêté ses 70 ans en fin d'année dernière, il se met à parler du grand âge de façon sereine, décomplexée, mais aussi sans fard. Et encore une fois, c'est super efficace.
Et King m'a fait, cette fois, prendre le métro dans le mauvais sens...