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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Spooky
Publié dans : #Livres

A l'occasion de la sortie en poche de cet ouvrage, remettons en lumlière le livre de Tom Shippey.

Ce titre un brin provocateur, c'est Tom Shippey, spécialiste du médiéval et philologue, tout comme Tolkien, qui l'a utilisé. Comme lui, il a enseigné à Leeds et Oxford, avant de partir enseigner aux Etats-Unis. Cet ouvrage, réalisé en 2000, a l'ambition de passer en revue toute l'oeuvre du professeur sortie jusque-là.

 

On commence par le Hobbit, et l'invention de la Terre du Milieu, au travers de l'inspiration narrative (les contes nordiques), les noms, mais aussi la façon dont l'ouvrage a été reçu par la critique de l'époque. Vient ensuite le Seigneur des Anneaux, gros morceau largement analysé ici. Shippey met l'accent sur le Conseil d'Elrond, moment de révélation des personnages et véritable rampe de lancement de l'histoire. Les différents niveaux de langage (entre Hobbits, ou encore lorsque c'est un roi qui s'exprime, etc.) sont également évoqués, par exemple entre le Rohan et le Gondor. Shippey met par ailleurs l'accent sur la technique de l'entrelacement, que n'a pas inventée Tolkien, mais qu'il a portée à un niveau difficilement atteignable. Pour rappel ou info, cette technique consiste à diviser un récit entre plusieurs fils narratifs, suivant divers groupes de personnages (ou personnages seuls), qui évoluent en parallèle avant de se recroiser ou se rejoindre totalement. On trouve même dans l'ouvrage un schéma indiquant les différentes avancées de l'intrigue, ou plutôt DES intrigues.

 

Tout un chapitre est consacré à la personnification du Mal, incarné par l'Anneau Unique et les Spectres de l'Anneau. Et qui dit Mal dit concepts positifs, pour faire la balance : la chance et le courage. Des valeurs qui amènent le chercheur sur le terrain de l'allégorie, qu'elle soit volontaire ou pas puisque les situations et les dilemmes rencontrés par les personnages du Seigneur des Anneaux rappellent plus ou moins les évènements -parfois tragiques- qui ont jalonné la première moitié du XXème siècle. Shippey évoque ensuite brièvement deux figures secondaires de SdA, à savoir Saruman et Denethor, qu'il qualifie respectivement de technologiste et de fonctionnaire, du fait de leurs caractéristiques et de leurs attributs.

 

L'auteur s'attache ensuite à analyser la poésie, plus présente qu'on ne le croit dans le Seigneur des Anneaux ; il rapproche cette tradition de celle de Shakespeare et de Milton, principalement. In fine, il essaie de placer le roman le plus connu de Tolkien dans une case, en termes de genre. Il convoque pour ce faire l'échelle inventée par le critique Northrop Frye, selon laquelle il y a cinq genres littéraires, définis uniquement par la nature de leurs personnages. Bien évidemment, le Seigneur des Anneaux échappe à toute classification, puisqu'il puise dans de nombreuses caractéristiques.

 

Thomas Alan Shippey s'attaque ensuite au Silmarillion, l'œuvre de cœur de Tolkien. Entre maturation (extrêmement) lente, dimension mythique et complexité presque extrême, Le Simarillion est hors normes. Il passe ensuite en revue les "œuvres courtes", dans lesquelles il classe Feuille, de Niggle, Smith de Grand Wootton, ou encore ses poèmes ; toutes des histoires contenant peu ou prou des éléments d'autobiographie. Un éclairage fort intéressant que j'aurais aimé avoir lorsque j'ai lu ces écrits il y a une bonne vingtaine d'années...

 

Dans une longue postface, Shippey s'intéresse aux suiveurs et aux critiques, mais fait avant tout le parallèle avec James Joyce, considéré lui aussi comme un auteur majeur du XXème siècle. En ce qui concerne les critiques, Shippey réduit leur haine viscérale envers Tolkien à une sorte d'incompréhension crasse, couplée à une méfiance native pour le roman populaire, c'est à dire qui rencontre d'emblée un grand succès en termes de ventes.

 

Tolkien a suscité de multiples vocations littéraires, avec des succès divers. Shippeycite l'Epée de Shannara, de Terry Brooks, Thomas Covenant, de Stephen Donaldson, ou encore the Weirdstone of Brisingamen, d'Alan Garner, œuvre la moins connue du lot, mais qui semble valoir le détour.

 

En conclusion, Shippey explique que ce qui a rendu la lecture de l'œuvre de Tolkien aussi aisée est sa dimension métaphorique, entre les personnages fantastiques et les situations qui rappellent des évènements du XXème siècle. Il n'a pas inventé le genre de la fantasy, mais l'a véritablement modernisé, en le formalisant, en le réécrivant pour les lecteurs de son temps. Et c'est ce génie qui en a fait la cible des critiques, eux qui n'arrivaient pas à le mettre dans une case, ou même le voyaient comme une menace face à l'establishment.

 

L'ouvrage se termine sur une dizaine de pages de références bibliographiques, entre œuvres de Tolkien, avec la mention des traductions en français lorsqu'elles existent, et exégèses de son œuvre. A noter qu'en ce qui concerne le Hobbit et le Seigneur des Anneaux, l'éditeur Bragelonne s'est aligné sur la nouvelle traduction réalisée par Daniel Lauzon. Il faut dire que le directeur de la collection Essais est Vincent Ferré, qui a dirigé les traductions de Tolkien chez l'éditeur historique Christian Bourgois. Cela a dû faciliter les passerelles en termes de traduction de l'ouvrage de Shippey.

 

Au final, un ouvrage très intéressant, considéré comme une référence par les tolkienistes, mais qui a un seul défaut, c'est qu'il part un peu dans tous les sens. J'ai parfois eu l'impression que dans un chapitre consacré à un sujet relativement précis, Shippey rajoutait un passage sur tel point de philologie. Une démarche pas inintéressante en soi, mais un peu déstabilisante pour le lecteur.

 

Spooky

 

 

 

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Publié le par Spooky

J'ai déjà eu l'occasion de parler d'Esther Hervy, qui a fait ses débuts d'autrice au sein de ce blog, Mais elle a par la suite diversifié ses écrits, s'orientant nettement, depuis plusieurs années déjà, vers le true crime, cette division de la non-fiction qui s'intéresse aux affaires criminelles hors du commun. L'année dernière j'avais parlé de son ouvrage Tueurs-nés et disparitions inquiétantes, un recueil d'histoire étonnantes, mais surtout effrayantes car vraies. 


Son ouvrage suivant, toujours aux Editions Litos, se concentre sur une seule affaire, celle de Chris Watts, un père de famille qui en août 2018 a massacré toute sa famille. Une histoire qui a choqué les Etats-Unis à l'époque. En effet au printemps de la même année, tout semblait se passer au mieux au sein de la famille Watts. Chris et sa femme, Shanann, semblent aussi amoureux qu'au premier jour, et ont lancé la conception d'un troisième enfant, et le père adore ses deux filles, Bella et Celeste. Mais Chris, qui travaille sur des sites pétroliers près de son domicile dans le Colorado, fait la connaissance d'une nouvelle collègue, Nichol, dite Nikki, qui lui plaît instantanément. Le flirt commence, et les chose deviennent beaucoup plus sérieuses au cours de l'été, alors que Shanann et leurs deux filles partent pendant six semaines en Caroline du Nord, dans la famille de Shanann. En attendant de les rejoindre pour la dernière semaine, Chris accélère les choses avec Nikki, et n'est plus le même quand il retrouve sa famille. Il devient très distant avec son épouse, avec laquelle il n'échange plus que par textos.

Et puis, au mois d'août, le drame survient. Une collègue de Shanann, inquiète de ne pas voir celle-ci honorer un rendez-vous médical important ni répondre à ses messages matinaux habituels, se rend chez elle tout en alertant Chris. La police débarque également, pour constater que la jeune femme et ses deux filles ont totalement disparu, laissant dans la maison téléphone portable, médicaments, sac à main... Chris, faisant référence à une discussion animée datant de la nuit, indique que Shanann lui aurait dit vouloir emmener les enfants chez une amie pour la journée, sans préciser qui. La police locale enquête en compagnie du CBI, la division du FBI au Colorado, et l'image de la famille modèle se craquelle : Shanann est une épouse autoritaire, qui dictait sa conduite à son mari, lequel a certainement accumulé, peut-être sans s'en rendre compte, une rancœur certaine. Avec Nikki, il peut enfin être lui-même, se livrer sans arrière-pensée, sans crainte de se faire rabrouer. Et il s'est probablement mis à rêver, au fil de ces cinq semaines de liberté, à une autre vie. Une autre vie que lui interdisait, selon lui, son mariage avec Shanann. Seule solution donc, de son point de vue malade, éliminer cette famille qu'il aime pourtant. S'il est très certainement fou, Chris Watts n'en est pas pour autant un génie du mal, et quelques jours suffiront aux enquêteurs à démêler le vrai du faux dans ses déclarations, alertés d'ailleurs par son manque d'émotion au moment de parler de la disparition de sa famille.
 

Esther Hervy raconte en préface avoir été intéressée par cette affaire dès qu'elle a éclaté, et s'être lancée dans un suivi très attentif des évènements. Au point de vouloir écrire un livre sur le sujet sept ans après. C'est donc une enquête minutieuse qui nous est livrée, presque minute par minute par moments, un récit inspiré des minutes du procès (Watts a fini par avouer et être condamné à la réclusion à perpétuité, multipliée par sept chefs d'accusation), des rapports de police, des articles de journaux, tout ce qu'elle a pu glaner comme informations afin de coller au plus près de la vérité, tout en reconnaissant que certains éléments, certains instants du jour J peuvent rester obscurs. 

Si l'issue est connue, le déroulement est assez tétanisant. Certains détails sordides ne nous sont pas épargnés, au nom de cette véracité recherchée. Un ouvrage extrêmement sérieux, à lire si on aime ce genre d'affaire.



Spooky

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Livres

C'est la première fois que je lis un recueil de nouvelles ou novellas du fils, Joe Hill, juste après un recueil de même nature signé du père, Stephen King. Le hasard des achats, des choix de lecture, parfois dus aux circonstances. Et si j'apprécie l'œuvre du père depuis longtemps, comme en témoigne la longue liste de ses bouquins chroniqués ici, je dois dire que j'aime également beaucoup celle du fils. Si King a une écriture viscérale, naturaliste, qui peut vous procurer de nombreuses émotions, celle de Hill est à mon sens plus chirurgicale, plus travaillée, mais non moins prenante. Ou alors il est mieux traduit, mais je penche quand même pour la première possibilité.
 

Ici nous avons un gros livre de poche, contenant quatre novellas très différentes. La première, Instantané, est assez classique dans l'œuvre commune du père et du fils, avec cet homme qui a le pouvoir de voler des souvenirs grâce à un appareil photo particulier, semblable à un Polaroïd. Il s'agit, outre d'une histoire teintée de fantastique, d'une belle parabole sur le temps qui passe, l'importance des souvenirs, qui ne mégote pas sur la poésie et la tendresse envers ses personnages, notamment une vieille dame. 

 

Chargé est un récit ambitieux d'environ deux cents pages, nous emmenant dans un centre commercial, plus précisément une bijouterie, où une employée, rejetée par son patron dont elle fut la maîtresse, décide de le tuer avant de se suicider. Mais l'affaire dérape avec l'intervention d'un vigile qui a la gâchette facile, et tue la jeune femme, mais aussi trois autres personnes, par accident ou pour masquer certaines choses. Il devient ainsi un héros national, avant qu'une journaliste tenace décide d'enquêter sur son compte, guidée par un drame familial survenu vingt ans plus tôt.
Il s'agit là d'une des meilleures histoires que j'aie jamais lues. Joe Hill y brasse beaucoup de choses essentielles, comme les violences policières aux Etats-Unis au sujet de la population noire, l'hypocrisie de cette même police américaine, le stress post-traumatique, la peur du terrorisme, le droit de porter une arme, ou encore la société de consommation. Tout cela dans une ambiance un peu apocalyptique, avec ce feu de forêt géant qui menace cette ville de Californie. Le récit est dense, implacable, et la fin est plus noire que noire. Rien que pour cette histoire, le recueil vaut l'achat.

 

La troisième récit, Là-haut, est assez sympa. Aubrey est un étudiant qui accompagne un groupe d'amis dans un saut en parachute pour accomplir les dernières volontés d'une amie décédée prématurément d'un cancer. Mais à peine sorti de l'avion, Aubrey se retrouve... sur un nuage. Littéralement. Sur un objet non identifié qui navigue entre les nuages, et qui semble se remodeler pour correspondre aux moindres désirs de son hôte, à part pour qu'il en descende ou qu'il meure. Le jeune homme va devoir trouver une astuce pour s'en sortir. Un récit qui recèle une grande part de mystère, mais comporte quelques longueurs. 

 

Je suis nettement plus réservé sur le dernier récit, La Pluie. Une journée chaude à Boulder, au Colorado, est endeuillée par une pluie soudaine, non pas d'eau, mais d'aiguilles coupantes comme des rasoirs. Une jeune femme ayant assisté à la mort subite de sa compagne et de la mère de cette dernière se donne comme mission d'aller prévenir leur père et mari à Denver, à une cinquantaine de kilomètres. Commence alors une petite odyssée qui donne un aperçu de comment pourrait commencer la fin du monde, entre pillages, mesquineries et meurtres de masse. Si l'idée de base est intéressante, j'ai trouvé qu'il y avait pas mal de maladresses dans les actions des personnages, nonobstant l'intention louable de défendre la cause LGBTQIA+ et de taper sur Trump. 

 

Au final un recueil pas inintéressant, mais des histoires allant de passable à excellente.


Spooky

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Livres

Avant d’être connu sous le nom du Loup Blanc ou du Boucher de Blaviken, Geralt de Riv était un jeune sorceleur formé à Kaer Morhen, faisant ses premiers pas dans un monde incapable de comprendre ni d’accepter ceux de son espèce. Lorsqu’un acte d’héroïsme naïf tourne mal, Geralt n’est sauvé de la corde que par Preston Holt, un sorceleur au mystérieux passé et aux motivations secrètes. Sous son aile, Geralt apprend peu à peu ce que signifie réellement s’engager sur la Voie, protéger les humains qui le craignent et survivre dans un environnement hostile en adoptant ses propres règles. Mais alors que la frontière entre le bien et le mal s’estompe, Geralt doit faire un choix : devenir le monstre que tous imaginent, ou un être totalement différent.

Ce roman est un évènement dans le petit monde de la fantasy européenne. En effet la série littéraire Wiedźmin, initiée en 1990 par le Polonais Andrzej Sapkowski, a connu un succès phénoménal dans son pays, et a contaminé le monde occidental, Netflix l'adaptant notamment en une série qui compte trois saisons et qui est toujours en cours. Une série de jeux video à succès est également venue enrichir l'univers créée par l'auteur polonais. Mais le dernier avatar du Sorceleur date de 2013, avec La Saison des Orages, une histoire hors de la série principale. Mais alors qu'on pensait Sapkowski profitant de sa retraite en allant pêcher près de chez lui, il crée la surprise en publiant, après une dizaine d'année de silence, ce nouveau roman, La Croisée des Corbeaux, qui revient sur les premières aventures de Geralt, et prenant presque directement la suite de La Route d'où l'on ne revient pas, une nouvelle qui a été publiée tardivement en français par les Editions Bragelonne. 

Instant auto-promo : votre serviteur a eu le plaisir de commettre un ouvrage consacré à l'histoire du Sorceleur (The Witcher en anglais) aux Editions Ynnis il y a quelques années.

 

Refermons la parenthèse pour revenir à nos moutons monstrueux. Ce roman ressemble à un assemblage de plusieurs nouvelles aux intérêts divers, puisqu'on y voit Geralt accepter divers contrats ou voler au secours de personnes en difficulté. On le voit apprendre à se battre sous la houlette de Preston Holt, et accompagner ce dernier à la rencontre de son destin. Le point nodal de cette histoire est un évènement aux contours flous, une bataille ayant eu lieu trente ans auparavant à Kaer Morhen, auquel Holt est lié. Au fil de ses rencontres, Geralt va démêler l'écheveau et en savoir plus sur cette sombre histoire. Plusieurs clins d'oeil émaillent cette enquête, comme la "rencontre" entre le jeune sorceleur et sa monture Ablette, quelques précisions sur les Signes, ces rituels cabalistiques qui permettent aux sorceleurs d'utiliser des pouvoirs spéciaux, ou encore les premiers "dysfonctionnements" de notre héros, qui se met à ressentir de la peur face à certains monstres, ou de l'empathie face à certains humains en mauvaise posture. des sentiments qu'il est censé ne jamais éprouver du fait de sa mutation... L'occasion d'ailleurs pour lui de discuter des origines de sa caste avec son mentor. 

La lecture de ce nouvel (et ultime ?) opus s'est avérée plutôt plaisante en plus d'être intéressante. L'écriture de Sapkowski s'est nettement améliorée depuis ses débuts il y a 35 ans, et les enchaînements entre les différents segments sont plutôt bien réalisés. Un opus qui fera bien plaisir, je pense, aux nombreux fans de la première heure des aventures de Geralt and co, qui tient ici seul le aut du pavé.

 

Spooky.

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Films

Le rythme des adaptations de Stephen King a repris du poil de la bête ces derniers temps, et plutôt dans le sens des "bonnes" adaptations. On a eu Le Singe au printemps, La Vie de Chuck cet été, et bientôt Running Man. Voilà pour les films, sachant que It: Welcome to Derry, qui sort bientôt sur Prime Video, est une série déclinant l'histoire de Ça. Petit rappel historique pour l'histoire qui nous intéresse aujourd'hui : The Long Walk a été écrit dans les années 1960 par King, alors étudiant, qui en a eu l'idée en faisant de l'auto-stop pour rentrer chez lui. C'est le premier roman qu'il termine, mais il est refusé par plusieurs éditeurs. L'auteur du Maine rencontre le succès en 1973 avec Carrie, ce qui lui permet de ressortir cette première histoire, remaniée, en 1979, sous le pseudonyme de Richard Bachman. 
 

L'histoire ressemble grandement à une descente aux enfers, avec ces jeunes gens pleins d'entrain et de vigueur qui prennent ce défi à la rigolade, à savoir marcher le plus longtemps possible de la frontière canadienne vers le sud, à travers l'Etat du Maine entre autres. Les profondeurs des limites humaines sont explorées : la noirceur, la solitude, la peur, la compassion, sans parler bien sûr de l'épuisement physique et mental des marcheurs. Dans une Amérique ultra-libérale où l'esprit de compétition, la surconsommation et l'individualisme montent en puissance, Marche ou crève est une histoire coup de poing que je vous incite (au même titre que quasiment tous les titres initialement signés Bachman) à découvrir.

Alors bien sûr, le scénario (signé JT Mollner) diverge quelque peu de l'histoire, sur des points de détail et... sur la fin. Il faut noter que Frank Darabont (l'un des meilleurs adaptateurs de l'auteur avec les magnifiques Les Evadés et La Ligne verte, entre autres) a longtemps été attaché au projet, avant que cela n'arrive entre les mains de Francis Lawrence (Hunger Games, Je suis une légende). Les décors, les designs des véhicules, maintiennent le récit dans les années 1960, contemporaines de l'écriture du roman. Le groupe des marcheurs est réduit de moitié, de 100 à 50, sans doute pour des questions de rythme. Le film a nécessité de longues séquences de marche des acteurs (environ 15 km par jour, parfois sous une chaleur accablante sur les routes du Manitoba, au Canada), mais aussi de l'équipe technique, qui devait, la plupart du temps, avancer à la même vitesse qu'eux.

 

Francis Lawrence a opté pour une prise de vues sans effets racoleurs, montrant l'horreur croissante que traversent les marcheurs parfois dans ce qu'ils ont de plus trivial : le besoin urgent d'uriner, de déféquer, les crânes traversés par les balles des fusils lorsque les marcheurs ont reçu plus de trois avertissements...

Le film se concentre sur l'amitié naissante entre Ray Garraty et Peter Mc Vries (Cooper Hoffmann et David Jonsson, très bons même si un peu âgés pour les rôles), deux jeunes gens que tout ou presque oppose, mais qui vont décider de s'entraider pour aller le plus loin possible, avec une demi-douzaine d'autres marcheurs mis en avant. Face à eux, le Commandant, organisateur de la Longue Marche, une figure dictatoriale qui se complaît dans la violence. Un personnage que Mark Hamill (le Luke Skywalker de Star Wars) a pris un malin plaisir à incarner, contrefaisant notamment sa voix pour en faire un gueulard au timbre proche de celui d'une certain Donald Trump.

Et... C'est tout. On a des personnages intéressants, sans atteindre la profondeur de ceux du roman, probablement inspirés par des copains de lycée ou de fac de King. Exit la charge sociopolitique qui en faisait sa force, la rage qui transpirait de ces pages, une rage commune à presque tous les Bachman, une rage qui serait salvatrice dans les Etats-Unis d'aujourd'hui, qui s'enfoncent dans le consumérisme, l'impérialisme et l'obscurantisme. Un des meilleurs bouquins de l'auteur aujourd'hui le plus censuré dans son propre pays. Les personnages changent trop vite, on ne voit pas bien les conflits intérieurs et extérieurs qui les minent...

Si j'ai passé un bon moment de cinéma, je ne peux qu'être déçu par la frilosité des scénaristes et producteurs qui avaient l'occasion de taper un peu sur leurs propres dirigeants. Mais la peur de la censure a sans doute joué, sans parler du fait que le film dure moins de 110 minutes, ce qui est trop court pour développer un propos politique un tant soit peu étayé... A noter cependant que certains supports physiques sont annoncés avec 40 minutes de plus ainsi qu'une ou plusieurs fins alternatives.

Ce Marche ou crève rejoint donc la cohorte (pas si fournie cependant) des "bons films, mais pas plus" adaptant l'œuvre du King. Vraiment dommage. 

 

Spooky

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