Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
...:::Ansible:::...

...:::Ansible:::...

Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Ansible
Publié dans : #Livres



Christopher Tolkien n’en finit pas de trouver  des brouillons épars, écrits inédits de son père. La Route perdue et autres textes est le cinquième volume de la somme intitulée L’Histoire de la Terre du Milieu. Il présente le monde créé par JRR Tolkien en 1937, au moment où il commence la rédaction du Seigneur des Anneaux. Le lecteur découvrira non seulement le mythe « atlante » décrit dans La Chute de Númenor et dans l’étonnante Route Perdue, mais aussi la Quenta Silmarillion (une nouvelle version du livre repris par Tolkien tout au long de sa vie, accompagnée d’une nouvelle carte), plusieurs poèmes inédits, ainsi que des Annales du Valinor et Annales du Beleriand. Surtout, il pourra comprendre le sens de nombreux noms et mots elfiques grâce aux Etymologies, qui brossent un tableau complet de la création linguistique de Tolkien au moment d'écrire son œuvre maîtresse.

 

Autant vous le dire tout de suite, l’ensemble est un fourre-tout protéiforme, et bien courageux celui qui en lira toutes les lignes. L’ouvrage compte plus de 500 pages, mais ce n’est pas sa longueur qui risque de rebuter le lecteur lambda, ni même le fan que je pense être. Non, c’est la complexité sans nom de tout cela. La pièce maîtresse est la Quenta Silmarillion, une version aussi complète que possible de la partie principale du Silmarillion paru en 1977, première édition posthume réalisée par Christopher.

C'est en fait l'histoire des Silmarils et le récit des événements avant et pendant le Premier Âge, qui forme la plus grande part de l'ouvrage et qui concerne principalement les Elfes, même si les Hommes et les Nains sont aussi présents et jouent un rôle important. Cela se passe entre l'emprisonnement de Morgoth et la chute d'Angband. Après l'emprisonnement de Morgoth, à Aman (Valinor), Fëanor, fils de Finwë, devint le plus grand des orfèvres. Il œuvrait en secret mais finit par montrer son oeuvre, qui finirait par apporter le malheur sur le monde : Les Silmarils. Ces joyaux contenaient la lumière des arbres et consumaient ceux qui les touchaient tant ils étaient puissants. Ils étaient au nombre de trois. Morgoth, voyant les joyaux, se laissa de nouveau envahir d'envie et de haine envers les Elfes et surtout Fëanor. Un jour, aidé de son alliée Ungoliant, il tua les arbres de Valinor, s'empara des Silmarils en tuant Finwë, le père de Fëanor.


Comme à son habitude, Christopher Tolkien annote abondamment son édition, à tel point que parfois sa glose dépasse en volume et en complexité celle de son père, notamment quand il fait part de couches successives de ratures, de biffures et d’ajouts sur les manuscrits du Professeur. Ca en devient un peu fastidieux par moments. Imaginez donc, vous avez une portion de texte, découpée en strophes, avec des astérisques renvoyant à des notes de bas de page, puis, après le gros chapitre, des annotations strophe par strophe, lesquelles se font référence entre elles parfois. Et bien sûr, si vous avez un doute sur un nom, il y a l’Index en fin de volume. Lequel Index fait lui aussi référence à toutes les strates évolutives des noms propres présents dans l’œuvre de Tolkien. La lecture de cette Quenta Silmarillion est du coup assez chaotique, elle demande beaucoup d’attention et d’investissement de la part du lecteur. Le travail de Christopher est celui d’un historien, on pourrait même parfois le taxer d’archéologue tant la tâche semble compliquée, même si le résultat impose le respect. Mais je trouve dommage tout de même que la lecture soit tellement hachée par ce hors texte. Le Silmarillion est un texte qui fourmille de points d’intérêt, mais ce fourmillement même est la source d’une certaine difficulté pour le lecteur. Cet ouvrage, que l’on considère comme central dans l’œuvre de Tolkien, devrait d’ailleurs ressortir prochainement, fort de ces révisions récentes. Mais il faudrait épurer le corps de toutes ces annotations, ou du moins les reléguer en fin de volume, et n’en garder que les principales afin d’éviter que l’on doive de référer aux annexes tous les trois mots. Christopher Tolkien, grâce à ces révisions, a pu établir une nouvelle carte du Beleriand, une région de la Terre du Milieu, qui sombra à la fin du Premier âge à la suite de terribles batailles. Malgré ses recherches, certains éléments présents sur cette carte restent inexpliqués à ce jour.


Mais il n’y a pas que la Quenta silmarillion dans ce volume. Les deux premiers récits, La Chute de Numenor et La Route perdue, raccrochent le monde d’Arda au mythe de l’Atlantide ; La Route perdue nous met dans la peau d’un père et de son fils, en train de développer une nouvelle langue, ou plutôt le vocabulaire d’une langue qui se construit par strates grâce à ce vocabulaire. D’une poésie inattendue, ce texte est en quelque sorte un testament de Tolkien, une manière romancée de la façon dont il a commencé à construire son monde. Certains passages sont très émouvants. D’autres récits, tels que Les Annales du Valinor et Les Annales du Beleriand, reviennent également sur des évènements qui secouèrent la Terre du Milieu au cours du Premier âge.

S’inspirant toujours des notes éparses (et parfois à la limite du lisible) de son père, Christopher livre en fin d’ouvrage des écrits d’une importance différente : d’une part les Etymologies, qui comme leur nom l’indique, contiennent des centaines d’entrées reprenant les racines et terminaisons des différentes langues elfiques. Oui, vous avez bien lu, différentes langues elfiques… Tolkien ne s’est pas contenté d’en élaborer une, mais plusieurs, et même de prévoir leurs évolutions, leurs disparitions, leurs fusions ! Seul un philologue aussi acharné que le propre fils de l’original aurait pu démêler une telle pelote… Enfin, en annexes, on trouve la Généalogie, un court manuscrit dont Christopher n’extrait que des personnages qui n’apparaissent nulle part ailleurs. Il est probable que si le Professeur avait pu reprendre ses écrits, il leur aurait prêté vie dans l’un ou l’autre de ses récits inachevés. Ensuite vient la Liste de noms, une ébauche de l’ensemble des noms propres apparaissant dans toute l’œuvre, avec les sources de chaque nom. Un travail titanesque, vite abandonné apparemment, et dont son fils ne reproduit qu’une partie de « morceaux choisis ». La seconde carte du Silmarillion suit ces extraits. Enfin, et c’est, me semble-t-il, le seul écrit entièrement de Christopher Tolkien lui-même, un Index indique toutes les occurrences des nom propres dans le présent volume.

Si vous avez eu le courage de lire ma note jusqu’ici, je vous offre enfin la récompense : mon avis sur cet ouvrage.

Globalement je me suis plus ennuyé qu’à la lecture des Enfants de Hurin, pour prendre une lecture récente. J’aurais aimé lire des épopées, des récits fluides, notamment concernant l’histoire de Morgoth. Hélas, comme je l’ai indiqué, le parti pris de placer les annotations explicatives hache complètement le rythme de lecture. Et sur des récits de 150 pages, comme la Quenta Silmarillion, c’est dommageable. Mais il n’est pas certain que débarrassé de ce hors texte, le récit fût réellement fluide. Rappelons que tous ces récits ont été composés avant Le Seigneur des Anneaux, qui est un modèle de fluidité (toutes proportions gardées, cependant), et que par conséquent ces histoires (inachevées, je le rappelle aussi) souffriraient de la comparaison. Sur l’ensemble du volume, La Route perdue m’a interpellé par son côté autobiographique masqué, et certains passages des différents récits sont plutôt intéressants (notamment ceux où Sauron apparaît). Après, les différents « à côtés », tels que les Etymologies, la Liste de noms, sont des tables à consulter en cas de besoin, pour connaître l’origine de tel ou tel nom d’essence elfique. C’est un volume destiné aux complétistes, qui pourra peut-être ravir ceux qui s’intéressent à l’histoire des langues, qu’elles soient elfiques ou pas. Les autres pousseront des ronflements dès la troisième page de commentaires de ce bon vieux Christopher. J’espère pour lui qu’il verra de son vivant la publication des inédits de son père, car il est né en 1924…

 

Spooky.


 

EDIT : On ne peut pas parler des oeuvres de Tolkien sans se faire rattraper par la Patrouille ;) Je ne modifie pas - ou si peu que ça ne se verra pas - ma note initiale par respect pour ceux qui l'auraient lue jusqu'au bout, mais je précise qu'aucune nouvelle édition du Silmarillion n'est à l'ordre du jour. Pour ceux que cela intéresserait, Vincent Ferré, éditeur en charge de tout ce qui touche Tolkien chez Christian Bourgois, précise les priorités dans ce domaine ici.

Merci à Zelphalya ;)

Voir les commentaires

Archives

Articles récents

Hébergé par Overblog