Au début de l'été, Philip Hastings, son épouse Gloria, sa fille Gabbie et leurs jumeaux Sean et Patrick emménagent dans une maison un peu paumée de l'Etat de New York, à Pittsville. L'endroit est surnommé "la Colline du Roi des Elfes", sans que l'on sache vraiment pourquoi. Mais très vite des évènements étranges affectent la famille Hastings : Gabbie rencontre des jeunes hommes à la beauté surréelle dans la forêt qui jouxte la propriété, l'un des jumeaux, surpris par la crue de la rivière voisine, manque de se faire attraper par une créature mi-singe mi-araignée qui occupe le pont sous lequel elle passe, et le chat de la famille se fait éviscérer par une créature inconnue dans la cave. Tout cela alors que l'ancien propriétaire de la maison, un entrepreneur venu de Prusse, semble avoir été mêlé à des évènements surnaturels dans son pays d'origine...
Au début de sa carrière, dans les années 1980, Raymond Elias Feist était catalogué comme un héritier de Tolkien, avec ses Chroniques de Krondor notamment. Il a écrit d'autres cycles relevant de la fantasy, et un seul roman est indépendant au sein de sa riche production. Ce Faërie, qui est sorti au début de l'année 1988, et se place dans un genre différent. Il s'agit en effet d'une (la seule ?) incursion de l'auteur dans un récit mêlant légendes d'inspiration celtique et horreur pure. Il s'y montre particulièrement efficace? Et ce, dès les premières pages, ou presque, instillant une atmosphère très inquiétante, avec ces yeux qui scrutent les moindres faits et gestes des Hastings, que ce soit dans le voisinage ou à l'intérieur de leur propre maison. Des créatures qui semblent sortis tout droit de livres de folklore irlandais ou de nos pire cauchemars tournent autour de cette gentille famille pour l'amener à dévoiler le secret de cette maison isolée...
Malgré des conditions de lecture pas simples, j'ai été très vite happé par celle-ci, ayant des frissons aux moments les plus inquiétants, ressentant de la compassion pour les Hastings et leurs amis. Je me sentais un peu revenu à mes plus belles heures de lectures des romans de Graham Masterton, autre auteur du genre qui s'appuie sur les mythes (essentiellement nord-américains, mais pas seulement). J'ai par exemple vibré dans une séquence où l'on voit, où l'on vit, la détresse des deux parents, leur impuissance face à la maladie étrange d'un de leurs enfants... Très vite happé, et tenu en haleine jusqu'au dernier gros tronçon. Car le récit bascule alors dans une quête initiatique, ou un parcours dans les mythes celtiques, avec une mise à l'épreuve de l'un des jumeaux. Le rythme se ralentit, devient presque lénifiant, et surtout Feist commence à se répéter, à se paraphraser. Si le changement de rythme peut se justifier (après tout, on est à ce moment-là dans une sorte de dimension parallèle), les répétitions, pas vraiment. L'auteur semble d'ailleurs avoir réellement du mal avec la gestion du temps sur cette fin de roman, car la séquence suivante se passe pendant que le carillon d'une église voisine sonne les douze coups de minuit, une séquence qui semble durer... Une demie-heure ou une heure.
En définitive il s'agit d'un roman qui commence très bien, qui tient son lecteur ou sa lectrice jusqu'à ses deux tiers, et qui se crashe sur la fin du parcours. Je citais Masterton en référence, et je persiste, car la plupart des romans que j'ai pu lire de cet auteur (mais je sais que ce n'est pas la majorité) souffraient de ce défaut majeur. Dommage.
Spooky