Il n’existait pas de mots pour en parler, puisque les mots étaient une façon de communiquer entre les Hommes et que le Sud était par essence totalement inhumain. Il s’agissait d’une vie étrangère, une vie de glaces, de minéraux et de vents.
C’était un voyage au bout duquel il n’y avait rien. On ne pouvait se risquer dans cet espace que pour un court instant et on savait que l’on marchait non pas dans la mort, car la mort est une action, un fait, mais plus exactement dans un endroit où il était impossible de vivre.
Quand on eut mangé le dernier chien est le septième roman de Justine Niogret, autrice totalement à part dans le paysage de l'imaginaire français. Elle ne s'embarrasse pas de fioritures, de nuances, et propose des récits sans concession, comme Chien du Heaume. Ici elle nous conte une expédition sur le continent antarctique au début du 20ème siècle. Trois hommes au sein de la contrée la plus inhospitalière qui soit, en lutte permanente contre les éléments : le froid, le vent, le réchauffement climatique aussi -déjà-, qui œuvre pour détruire l'unité, la beauté de cette terre australe ultime. Ici les trois hommes et leur douzaine de chiens forment un monde à part entière, qui s'étiole, se rétrécit au fil des jours. d'ailleurs chaque chapitre est désigne par un chiffre, non pas croissant, mais décroissant, puisqu'on imagine qu'il s’agit d'un compte à rebours dont l'issue va être totalement dramatique.
L'écriture de Justine Niogret est sèche, âpre, elle ne laisse pas de place aux atermoiements, à l'instar de ces trois hommes dont le destrin va basculer dans l'inexorable. On sait d'ailleurs très vite que ça va mal finir, malgré l'équipement optimal -pour leur époque- de ces trois hommes. Ils arrivent cependant à penser parfois à autre chose qu'à leur survie, afin justement de tenir face aux éléments extrêmes.
Un (court) roman tétanisant.
Spooky