Le protagoniste de ce roman gothique est John Melmoth, un érudit qui a vendu son âme au diable en échange d'un sursis de cent cinquante ans sur la mort. Dans le présent de la narration, 1816, il cherche désespérément un homme qui reprenne le pacte en son nom.
Mais qu'est-ce que le roman gothique ? Mon ami Wikipedia nous dit que :
Le roman gothique se caractérise par la présence d'un certain nombre de lieux communs au genre. Il s'agit d'éléments de décor, ou de personnages mais aussi de situations stéréotypés et de procédés narratifs (récit dans le récit).
- Le décor
L'engouement pour l'histoire et le passé, caractéristique du romantisme, entraîne le retour à des décors populaires du théâtre élisabéthain tels que le château hanté (Macbeth, Hamlet), la crypte (Romeo et Juliette), la prison médiévale (Richard III ou Edward II de Christopher Marlowe), le cimetière (Hamlet). Les décors naturels sont ceux des contes de bonne femme, paysages nocturnes (Macbeth), sabbats de sorcières (Macbeth), orages déchaînés sur la lande (Le Roi Lear), tempêtes en mer (La Tempête, Un conte d'hiver).
Une autre caractéristique du roman gothique est la recherche de l'exotisme : l'Italie pour Le Château d'Otrante, l'Orient pour Vathek, l'Espagne pour le Manuscrit et Le Moine.
- Les personnages : le religieux (l'Inquisition), la femme persécutée, femme fatale, le démon, la belle, la bête, l'ange, l'ange déchu, le maudit, le vampire, le bandit
- Les situations : le pacte infernal, l'incarcération et la torture, le suicide, le vampirisme, les secrets du passé venant hanter le présent
- Les lieux : le château, les ténèbres, le cimetière, une ruine, une église, la nature
Si on lit ces précisions sur le roman gothique et qu'on lit Melmoth (pour peu que l'on ait envie de se farcir 612 pages dans l'édition poche), on peut légitimement se demander en quoi cette oeuvre éléphantesque est gothique... En fait le fait saillant de la narration est le fait que le passé soit révélé par une série de mises en abyme dans la narration de départ, selon le principe du récit dans le récit, l'auteur ayant recours à des lieux communs tels que le paquet de lettres retrouvé dans un grenier. Les éléments gothiques sont une utilisation assez dispendieuse du récit macabre, les morts et les figures morbides jonchant littéralement le récit par endroits. La figure du démon est présente avec ce pauvre Melmoth, qui apsse son temps à essayer d'échanger sa malédiction avec d'autres personnes, mais n'y parvient bien évidemment pas. Certaines choses commises dans le passé le poursuivent toute sa vie... Toutes les thématiques chères au genre sont exploitées et poussées à leur paroxysme : « des cachots de l'inquisition aux jungles impénétrables de l'Inde, de la damnation à l'amour. Sentiments à leurs extrêmes, déchirements cornéliens. » Certains lieux se prêtent à la définition du roman gothique : une longue scène se passe par exemple dans un souterrain humide, confinant à un cachot, sous une abbaye. Et bien sûr le pacte infernal est omniprésent, puisque c'est lui qui procure à Melmoth sa malédiction. Mais à ce sujet, il y a à mon sens un gros manque dans lm'oeuvre de Maturin ; on ne comprend pas vraiment pourquoi Melmoth contracte ce pacte, et on ne comprend pas non plus quelle est sa nature ; ce n'est jamasi explicitement décrit. Il faut lire entre les lignes, voire entre les espaces entre les lignes, pour réellement comprendre. Un jeune lecteur, qui n'aurait pas la possibilité de lire le hors-texte ou les commentaires, ressortirait interloqué de sa lecture, ayant eu l'impression d'avoir lu un long roman d'aventure, teinté d'étrangeté, mais sans plus.
Roman à tiroirs, il s'agit d'un recueil de récits, de témoignages. Six histoires y cohabitent et s'imbriquent : le Songe de l'homme errant, qui place le décor ; l'histoire de Stanton, où le narrateur, cloîtré dans un asile d'aliénés, introduit le thème de la damnation ; le récit de l'espagnol, probablement le plus terrible et dramatique ; l'histoire des indiens, pose l'amour contradictoire de Melmoth et le conflits qui en découlent avec son rôle de tentateur ; l'histoire de Guzman, qui narre l'histoire de sa famille déchirée ; l'histoire des amants, conclusion tragique et désespérée de l'aimée de Melmoth qui ne survivra pas à cet amour.
Le roman de Maturin, considéré généralement comme l'apogée du roman gothique, n'est pas qu'un simple récit fantastique. C'est une critique sociale de l'Angleterre du XIXe siècle, une mise en accusation de l'église catholique (à travers notamment une critique de l'Inquisition, et plus largement de la religion catholique dans sa globalité et au travers de petites figures comme des curés de famille plus intéressés par l'argent ou la dive bouteille que par la dévotion de leurs ouailles), comparée au protestantisme dont l'auteur loue les vertus de réserve et de simplicité.
Le roman a laissé une descendance littéraire assez remarquable, puisqu'on trouve dans Le Portrait de Dorian Gray, d'Oscar Wilde, des éléments inspirés par le roman de son grand oncle, notamment celui du tableau caché dans le grenier. A sa sortie de prison, Oscar Wilde adopta d'ailleurs le pseudonyme de Sébastien Melmoth, s'identifiant au héros maudit créé par son grand-oncle par alliance. Honoré de Balzac et Charles Baudelaire ne cachèrent pas leur estime pour l'œuvre de Maturin ; Honoré de Balzac écrivit une suite au fameux Melmoth, intitulée Melmoth réconcilié.
Le héros de Maturin fut également une des nombreuses sources du roman d'Anne Rice, Memnoch the Devil.
Melmoth est considéré comme l'oeuvre fondatrice du mouvement gothique ; ce n'est pas vrai puisqu'auparavant Horace Walpole va réunir les ingrédients du roman gothique historique dans Le Château d'Otrante paru en 1764 : action située dans le passé mythique des croisades, décor médiéval, présence du surnaturel, personnages contemporains victimes des mystères du passé. Il n'empêche que par son énergie, sa qualité d'écriture (contrée toutefois par une histoire en escaliers et très longue), il marqua et marque toujours un jalon important dans l'histoire du roman fantastique. Un lecteur moderne aurait par contre du mal à le lire sans baîller de plus en plus fréquemment...
Spooky.