Alors, vous avez été voir Le Hobbit II ? C'était bien ?
Parce que moi pas... Il est vrai que je n'aime pas trop la fantasy en général, et ne suis pas non plus un gros adepte des blockbusters. Mais que fais-je à écrire un article pour Ansible alors me diriez-vous ?
Bin, le truc que j'aime par contre, c'est la musique psychédélique.
Un petit historique musique rock/genres de l’imaginaire pour commencer ?
L'ami Tolkien a pas mal influencé le monde du rock. Alors bien sûr, cet héritage est très visible si on pioche dans la vague Metal. Déjà parce que le Hard Rock/Heavy Metal des 80's adore l'ambiance heroic-fantasy bien kitsch à la Conan le Barbare (le film), ça va bien avec leurs motos, leur choucroute, leurs tatouages et leurs costumes cuirs SM, comme le montrent nos amis Manowar :
Un peu plus récemment, la vague « Power Metal » qui nous vient principalement du Nord-Est de l’Europe, en digne héritière des stéréotypes du Heavy, utilise l'imagerie et l'univers de tonton John Ronald : comme Blind Guardian, Nightwish et consort...
Le rock progressif, avec ses albums concept/doubles albums/opera rock adore aussi les mondes de l'imaginaire. L'heroic-fantasy, mais aussi et surtout la science fiction furent donc des genres totalement influents sur le prog'. Notamment car les expérimentations sonores (métissage avec le début de la musique électronique, grosses nappes de synthé, etc...) collent bien à une ambiance futuriste.
Mais 5 ans avant l'ère progressive, c'était l'apogée de son « ancêtre » : le rock psychédélique. Les synthés n'existaient pas, on utilisait des sons plus chaleureux d'orgues électriques ou de clavecins. La fusion du blues rock et de la musique folklorique instaura la présence d'instruments comme la flûte traversière dans le rock psyché. Du coup, les musiciens littéraires piochaient plus dans le fantastique (pour le côté sombre, glauque et gothique) et l'heroic-fantasy (pour le côté champêtre, et traditionnel, mais pas vraiment pour le côté épique du genre) pour donner des ambiances à leurs albums. Des groupes comme Glass Prism (et leur album Poe Through the Glass Prism), Gandalf, H.P. Lovecraft, Bram Stoker virent le jour, et aussi, celui qui nous intéresse aujourd'hui : The Hobbit :
Leur album Down to the Middle Earth (1967) est totalement oublié, et s'il ne s'impose pas comme une perle de pop psychédélique injustement méconnue, cela peut-être une bonne découverte pour les amateurs du genre.
Je ne connais pas l'histoire du groupe, leur carrière fut trop obscure et ils n'atteignirent pas la postérité, loin de là.
Mais je peux parler de l'album. 2'50'' en moyenne par chanson, peu de soli mais des petites expérimentations sonores sympathiques (comme dans Treats), l'utilisation d’instruments folk/baroque (orgue, flûte, et surtout le violoncelle qui enrichi l'album tout au long comme dans I'm just a young man ou encore Let Me Run My Fingers Through Your Mind), des mélodies entraînantes et enjouées (Hands and Knees,Out of My Mind) : on est bien en pleine pop psyché.
A part la première chanson (Down to Middle Earth) on ne parle pas vraiment de la Terre du Milieu... Ce n'est pas grave. Les sons hypnotiques propices à la prise d'acides sont bien présents, l'enregistrement est un peu garage, mais les compositions sont assez recherchées, avec des chœurs et des breaks. Le tout fait naïf et très « printanier » (et m'évoque plus la vie tranquille des Hobbits dans la Comté que des aventures dans le Mordor). La chanson Sunny Day Girl étant l'essence même de cette ambiance, on est loin du psychédélisme psychotique d'un Freak Scene, d'un Arzachel ou d'un St. John Green. Non, ici les liens de parenté seraient plus à chercher vers le Pet Sounds des Beach Boys, le Revolver des Beatles, les Moody Blues, les Zombies, Sunforest, etc. En moins bien, certes. Mais c'est de la pop psyché et baroque (il y a même des pizzicato dans Break Away !!!) ; genres malheureusement peu représentés (notamment aujourd'hui, plutôt oubliés même) alors qu'ultra riches.
L'album est assez homogène (et court) ; les 10 pistes ont une ambiance similaire, et il n'y a pas de chansons immondes ni des chefs d’œuvre à découvrir. Certaines, les plus déstructurées (Daffodil Days, Clap Hands Till Daddy Come Home et son harmonica) peuvent un peu agacer à la limite, mais si on est amateur du genre, l'album s'écoute plutôt bien. A part ça, pour dire deux-trois mots sur les instruments rock traditionnels, la guitare se fait discrète, les lignes de basses enrichissent bien chaque piste et la batterie est malheureusement un peu pauvre et répétitive, mais la valeur ajoutée de l'album se trouve vraiment dans ce combo flûte/violoncelle/orgue électrique/chœur.
A suivre, peut-être, dans le second opus de ce groupe dont l' « anonymat » forcé m'attriste un peu : Back From Middle Earth...
Superjé