Certains m'avaient vendu l'oeuvre de Justine Niogret comme étant un bel héritage de Tolkien. Il faut croire que ces mêmes personnes n'ont pas forcément compris Tolkien. Ou Niogret...
Ainsi ce roman, qui fut son premier, nous plonge dans les bas-fonds du Moyen-Âge, dans les pas d'une mercenaire, Chien du heaume donc, essaie de survivre dans une époque obscure. Mais surtout, elle essaie de retrouver son vrai nom, elle qui a vécu dans l'ombre de son père pendant ses premières années avant de faire des armes son métier. Sa quête la mènera dans un château dirigé par un de ses congénères, surnommé le Sanglier, qui s'est entouré d'un groupe singulier : Regehir, forgeron à la gueule cassée, Iynge l'apprenti tueur et une jeune épousée d'à peine dix ans... Une micro-société à l'image de celle qui l'entoure, et qui va faire vivre à Chien du Heaume une forme de descente aux enfers...
Le point commun avec Tolkien ? Je ne l'ai jamais trouvé. Mais j'ai trouvé autre chose ; une autrice avec une voix pleine de rage, qui s'exprime au travers de combats dans la boue, de personnages en quête de rédemption, dans un récit plein de bruit et de fureur. Je vais me pencher sur le reste de sa production...
Spooky.
EDIT : Pour les curieux, j'ai interviewé l'autrice il y a peu.
J'ai pour la première fois entendu parler d'une grande exposition consacrée à Tolkien il y a presque trois ans, lorsqu'avait été organisée une soirée -déjà à la Bibliothèque Nationale de France- sur le Professeur et son oeuvre, à l'occasion d ela nouvelle traduction du Seigneur des Anneaux.
Hier soir donc a eu lieu l'un des trois (!) vernissages consacrés à cette exposition qui s'étale sur plus de 1 000 m². Trois vernissages, oui, sans compter la "journée presse" car les demandes d'invitations ont largement dépassé le volume habituel. J'étais encore une fois en compagnie des amis de l'association Tolkiendil, dans le premier groupe de visiteurs, en compagnie de membres de la Tolkien Society, et même de quelques membres de la famille Tolkien. Nous avons été chaleureusement accueillis par Vincent Ferré, responsable des publications relatives à Tolkien chez Bourgois, Directeur de collection chez Bragelonne, professeur de littérature comparée à l'Université de Créteil, mais surtout présent en qualité de co-commissaire de l'exposition, qui a dû être un véritable casse-tête.
Mais enfin nous y étions, dans ce temple de la culture et de la lecture, dans cette exco expectionnelle, expo exceptionnelle, pardon. Les yeux de Vincent brillaient à l'idée de nous faire découvrir ces pièces, dont certaines nous viennent de l'Université de Marquette, dans le Wisconsin, et d'autres de la Bodleian Library à Oxford. Deux des endroits qui conservent des manuscrits, des cartes de la main même de JRR Tolkien. Je l'avoue, une forte émotion s'est emparée de moi en entrant dans les lieux, et je n'étais pas le seul. Très vite, une évidence s'est fait jour : ce n'était pas ce soir, même entouré de gens aussi passionnés que moi, que j'allais profiter pleinement de l'évènement, visible jusqu'à la mi-février 2020. L'achat d'un pass illimité fut donc décidé dès les premières minutes, avant d'ouvrir les yeux en grand, de voir ma mâchoire tomber à plusieurs reprises.
Car l'exposition, inspirée de celle qui a été organisée deux ans auparavant par la Bodleian Library à Oxford, accompagnée par -tenez-vous bien- France Télévisions, Le Monde, Connaissance des Arts, Télérama et France Culture, propose quelques 180 pièces : des aquarelles, des manuscrits, dont certains sont calligraphiés, d'autres illustrés, des cartes, des photos et des videos de la vie de Tolkien. Des oeuvres de Tolkien, mais aussi des objets avec lesquels elles rentrent en résonance : des estampes, des livres anciens et des objets présents dans le fonds patrimonial de la Bibliothèque Nationale de France. Voilà le facteur X adapté au public français. DES PUTAINS D'ORIGINAUX. DES DIZAINES. Les tapisseries inspirées des illustrations de Tolkien pour le Hobbit et d'autres oeuvres étaient également présente. Un beau mur représentait la porte de la Moria, avec le texte en frontispice, et sa signification en plusieurs langues... J'ai demandé à Vincent Ferré si je pouvais rester dormir dans l'exposition, il m'a rétorqué que ce ne serait probablement pas possible. A l'intérieur de moi-même, j'ai pleuré. Beaucoup.
Mais quelle beauté. Mais quel talent. Les mots me manquent encore, après une nuit d'insomnie, pendant laquelle des dizaines d'images merveilleuses ont tourné dans ma tête.
Bonjour Justine, comment avez-vous découvert l’œuvre de Tolkien ?
J'étais adolescente, et un ami d'un de mes parents m'a prêté le Seigneur des Anneaux, une vieille édition qui, dans mon souvenir, est rose fuchsia. Je n'en jurerais pas, toutefois. Je l'ai lu, j'ai trouvé ça très chiant mais d'une beauté sans commune mesure. Je suis donc tombée amoureuse immédiatement.
Cela vous a donné envie d’écrire, vous aussi, de la fantasy ?
Absolument pas. J'estime n'avoir jamais écrit de fantasy, d'ailleurs, à part le roman sur lequel je travaille depuis à peu près quarante-sept ans, Rouge-Sel, dont je parle à chaque entretien histoire de tenter d'entretenir mon fan-club (mon cousin et son rottweiler, Panpan). Je ne sais pas si Tolkien m'a donné envie d'écrire, puisque j'écrivais déjà. Étant donné ma force d'évocation pour les univers complexes (je bluffe, je n'écris jamais que les états d'âme de deux persos vivant dans la boue), j'aurais été figée par la honte si j'avais voulu écrire « comme l'autre, là-bas, l'anglais avec la pipe ».
Votre premier roman, Chien du Heaume, est souvent présenté comme inspiré par Tolkien. Pas en termes de création d’un monde complet, mais plutôt en termes de personnages, de valeurs… Qu’en pensez-vous ?
Je pense que c'est carrément n'importe quoi. J'ai autant de Tolkien dans mes écrits qu'il y en a dans les trois films du Hobbit. C'est dire. Par contre je ne mets personne avec du guano sur le visage et je n'aurais pas choisi un Beorn en forme de balai à chiottes, peut-être que c'est une tare.
Quels sont, pour vous, les auteurs très influencés par le Professeur ? Pensez-vous que cette influence va finir par s’éteindre ?
Jamais. Tolkien est immortel. Enfin, son héritage. Bref. Non. On raconte des histoires depuis la nuit des temps et il y a tissé de si beaux fils que les trames s'en souviennent, comme on l'entend dans j'ai encore rêvé d'elle.