I AM GROOT
Sacré coup de poker de la part des Studios Marvel que de faire un long-métrage à budget énormissime, peu de stars au casting, sur un comic que personne, ou presque, n'a lu. Et pourtant, le résultat est là : Les Gardiens de la Galaxie affolent le box-office (meilleur mois d'août américain de tous les temps... et j'ai écrit ça le 18 du mois), attire 44% de public féminin, ses répliques les plus drôles sont reprises par tout le monde sur les réseaux sociaux, même ceux qui n'ont pas encore vu le film (oui, je parle de moi, là)...
Les raisons du succès ? Elles sont multiples, et pas forcément toutes explicables. La première, peut-être, c'est la relative indigence des films de l'été : seuls Dragons 2 et La Planète des Singes : l'Affrontement semblent tenir leurs promesses parmi les "grosses" sorties estivales. La deuxième, c'est l'esprit qui baigne dans le film : l'humour est, sinon omniprésent, fortement représenté, avec notamment le duo improbable (je vais y revenir) composé de Groot et Rocket Raccoon. Un tournant important dans l'univers des adaptations Marvel, qui se caractérise par une prise au sérieux de l'ensemble des adaptations jusqu'à présent, Avengers et la franchise Iron Man exceptés, mais de façon plus sporadique. C'est ausssi la richesse du background qui séduit. Les Gardiens de la Galaxie est un PUTAIN de space opera, avec un monde imaginaire qui se tient bien, des décors et des effets spéciaux au poil. C'est un film qui réserve de nombreuses surprises au spectateur, on ne sait jamais si la séquence va être sérieuse ou partir en live. Il y a aussi l'effet "bande de couillons", forcément sujet à plus de dérapages rigolards que dans Avengers, par exemple, même si ça se titille un peu chez les super-héros.
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Cet esprit est la marque de fabrique de James Gunn, auteur de plusieurs films parodiques et geeks. Plutôt que de confier leur nouveau bébé à un yes-man à l'aise avec les effets spéciaux et la baston, Marvel a misé sur un rigolo, et l'a laissé faire joujou avec des figures moins iconiques qu'Iron-Man ou Captain America, pour ne citer que les franchises ciné qui sont encore entre ses mains. Banco !
Marvel a eu l'intelligence de lancer une campagne marketing jouant sur le caractère décalé du film et ses personnages, avec des bandes-annonces à gogo, une fausse agence de voyage virtuelle, et bien sûr la ressortie des comics à l'origine de cet univers foutraque. Peter Quill est un aventurier traqué par tous les chasseurs de primes pour avoir volé un mystérieux globe convoité par le puissant Ronan, dont les agissements menacent l’univers tout entier. Lorsqu’il découvre le véritable pouvoir de ce globe et la menace qui pèse sur la galaxie, il conclut une alliance fragile avec quatre aliens disparates : Rocket, un raton laveur fin tireur, Groot, un humanoïde semblable à un arbre, l’énigmatique et mortelle Gamora, et Drax le Destructeur, qui ne rêve que de vengeance. En les ralliant à sa cause, il les convainc de livrer un ultime combat aussi désespéré soit-il pour sauver ce qui peut encore l’être…
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Le film est donc l'occasion de réunir à l'écran cinq personnages très particuliers, des parias qui ont des histoires somme toute assez dramatiques ; celui-ci a été enlevé, gamin, par des pirates de l'espace ; celle-ci arrachée à sa famille et dressée à devenir une guerrière sanglante ; celui-là a fait l'objet de manipulations génétiques pour devenir un raton-laveur grande gueule et obsédé par les armes à feu... Celui-là encore a perdu sa femme et sa fille et ravage la galaxie afin d'assouvir sa vengeance. Et de ce dernier on ne sait presque rien, sauf que c'est un végétal doué d'intelligence (assez limitée, l'intelligence), capable de changer de forme. Dans l'ordre, Peter Quill, alias Star lord, Gamora, Rocket, Drax et Groot. Un assemblage hétéroclite, composé de pauvres gens déprimés et en colère. Ils sont donc attachants, d'autant plus qu'au moins une séquence est consacrée aux problèmes de chacun. Comme dans chaque groupe, leur interaction les rend plus forts et plus charismatiques. Ils ont d'ailleurs presque tous un petit "truc" bien à eux, comme Quill avec son walkman, ou Groot avec son incapacité à dire autre chose qu'un caverneux "I am Groot". Je rajoute volontiers à ce groupe Yondu Udonta, le Ravageur qui a enlevé Quill jeune et l'a élevé, et qui commande à un stylet-carreau redoutable par le biais de son sifflement.
Tous ces personnages sont incrnés par un casting hétéroclite, mais particulièrement soigné. Pour Groot et Rocket, réalisés en images de synthèse et en motion-capture, on a fait appel aux voix de Vin Diesel (au timbre caverneux caractéristique) et Bradley Cooper. Le personnage de Peter Quill est interprété par Chris Pratt, acteur connu surtout pour son rôle dans la série Parks and Recreation, où il avait 20 kilos de plus. Ici il a un côté beau gosse qui va affoler ces dames, et un jeu au second degré qui va lui permettre de faire décoller sa carrière (d'ailleurs on va le retrouver dans le futur Jurassic World). A ses côtés Zoé Saldana troque sa peau bleue d'Avatar pour une peau verte (eh oui) à la fois scarifiée et très fine, celle de la fille adoptive de Thanos. Dave Bautista, ancien catcheur, se retrouve quant à lui dans la peau de Drax le Destructeur, personnage qui ne comprend pas le second degré -l'occasion pour les scénaristes de glisser deux-trois saynètes drôlatiques. C'est toujours mieux que son rôle presque figuratif dans le pâle Riddick. Yondu est quant à lui incarné prodigieusement par Michael Rooker, que l'on a vu récemment dans la série Walking Dead en psychopathe manchot. Les acteurs les plus connus, comme Glenn Close, John C. Reilly, Benicio del Toro ou Djimon Hounsou occupent les seconds rôles. Sans oublier le traditionnel caméo de Stan Lee, ici en dragueur sur une lointaine planète.
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La révélation du film est le duo composé de Groot et Rocket. Un homme-arbre et un raton-laveur. Oui oui. D'un côté une force de la nature, capable d'embrocher des tas de méchants aliens et de faire un sourire désarmant de candeur dans la foulée. De l'autre un pauvre petit animal qui a subi bien des modifications génétiques, et qui est à la fois une grande gueule et un barbouze de première. Des présences énormes à l'écran, auxquelles l'interprétation des voix par Diesel et Cooper apportent une dimension surprenante. Pour l'anecdote, Vin Diesel aurait enregistré plus de 1000 fois sa réplique-culte, mais en plusieurs langues, dont la française. Autre surprise, Dave Bautista, qui ne se contente pas d'imposer sa stature physique, mais sait jouer sur les émotions. Le parent pauvre de la bande est Gamora, dont le personnage, ou plutôt le background, est le moins développé pour l'heure. Mais Les Gardiens de la Galaxie 2 (déjà annoncé pour 2016), ou éventuellement Star Wars Episode VII (mais oui ! rappelons que tous ces univers sont dorénavant la propriété de Disney) pourraient alimenter son histoire personnelle. Et puis la question qui se pose au début du long métrage, et est alimentée par une révélation "scientifique" en cours de route : qui est le père de Peter Quill ?
Le décalage et la loufoquerie du réalisateur se retrouvent dans la bande-son, presque entièrement repiquée sur la cassette "Awesome Mix volume 1" qu'écoute Peter Quill en boucle. On commence donc par I'm not in love, par 10CC, et on finit par un autre monument de la pop, en passant par Marvin Gaye et David Bowie. Pas de grandes envolées symphoniques à la John Williams, ni de basses ultra-modernes et répétées ad nauseam. Et les références aux années 80 sont légion, à commencer par celle-là. Atypique, encore.
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Le film fait partie de la Phase deux de l'univers qui tourne autour des Avengers, mais le lien qui les unit est ténu. Il tient en fait à deux personnages, qui n'ont droit qu'à deux séquences très courtes (dont une post-générique) : le Collectionneur, incarné par Benicio del Toro, et Thanos, entité cosmique malveillante, qui tire les ficelles de nombre de complots interplanétaires. Il y a aussi un Orbe contenant une pierre mystérieuse, après laquelle courent les Gardiens, le super-méchant Conan l'Accusateur (et donc Thanos), et d'autres encore. L'équipe des Gardiens du film est celle du reboot de 2008, dû à Dan Abnett, après qu'une première génération (dans laquelle figurait Yondu) eut été créée dans les années 1960 par Arnold Drake et Gene Colan. La réussite exemplaire du film a mis en lumière, s'il le fallait, la situation des créateurs de comics, comme l'explique de façon un peu courte, mais non dénuée d'intérêt, cet article du Monde.fr.
Les Gardiens de la Galaxie détonne également par rapport au reste de l'univers Marvel, car il sort du cadre habituel des super-héros, et atteint en cela un côté plus universel dans son propos. Les grincheux et les intégristes argueront que les enjeux de fond du film, à savoir la quête des pierres d'infini, cela n'avance guère, sauf en arrière-plan avec le Collectionneur.
Les Gardiens de la Galaxie n'était peut-être pas la plus attendue des productions Marvel, mais elle est -et de loin- la plus drôle... La meilleure ? Certains le pensent...
Spooky