Je l'ai sans doute déjà dit une bonne centaine de fois, mais il est bon de le répéter : un truc publié par Nobilis et qu'on trouve dans le coin des soldes, y a de grandes chances pour que ce soit de la daube. Et parfois, non, et c'est pour ça qu'un site comme celui-ci est utile, pour faire le tri dans cette jungle hostile du jeu pas cher. Parfois donc, Nobilis réédite des trucs pas mal mais qui n'ont pas marché, et si je vous dis ça évidemment, c'est parce que j'aime bien tuer le suspense dès le début de mes articles en disant tout de suite si c'est bien ou nul. Et donc là, c'est bien.
Après Earth 2140, après Earth 2150, après The Moon Project, voici donc dans le bac à 10 € (et à seulement $4,95 sur Stream) un nouvel épisode de la saga qui voit s'opposer les Etats Civilisés Unis, la Dynastie Eurasienne et la Corporation Lunaire depuis 20 ans. Cette fois la Terre a été détruite pour de bon et les rares survivants se sont entassés dans des vaisseaux en partance pour Mars. L'arrivée sur cette planète d'accueil est chaotique, la situation désespérée des colons ne les incite pas pour autant à lâcher les armes et à coopérer, et pour couronner le tout, le désordre provoqué par l'arrivée des rescapés a réveillé une race extraterrestre qui surgit des profondeurs de Mars et se révèle pour le moins inhospitalière... Bref, évidemment, la guerre reprend, mais cette fois, il y a 4 factions.
Avec un background comme ça, c'est évidemment à un STR qu'on a affaire, et ses mécanismes de base sont les mêmes que l'on retrouve à peu près partout : on construit son camp, on récolte des ressources, on entraîne/produit des unités, on investit dans la recherche pour les améliorer, et on va noyer l'ennemi sous ses vagues d'assaut. Jusque là, rien de nouveau, c'est comme ça depuis la naissance du genre.
Nouvelle venue dans la série, la race alien du jeu est assez fortement inspirée de Starship Troopers, avec ses insectes géants, ses arachnides shootant du plasma et ses grosses bébêtes-cerveaux.
Bien sûr, histoire de ne pas ressembler à un vulgaire clone de ce qui existe déjà, on a droit à 4 camps aux différences bien marquées : la Dynastie Eurasienne utilise principalement de l'infanterie et des blindés, les Etats Civilisés Unis ont des robots géants, les copines de la Corporation Lunaire ont principalement des véhicules aériens, et enfin les aliens sont les plus originaux du lot, avec leurs techniques de multiplication par mitose et d'upgrade par métamorphose. Mais les factions ne se distinguent pas uniquement les unes des autres par le design de leurs unités puisque les règles de construction de base ou les ressources à récolter diffèrent à chaque fois. Pour être honnête, prise individuellement, aucune des quatre races n'est follement novatrice par rapport à tout ce qu'on a déjà pu voir dans les 850 millions de STR sortis depuis Dune II, mais les contrastes entre les unes et les autres permettent à Earth 2160 d'être un peu plus qu'un énième STR classique.
Assaut de la Dynastie Eurasienne sur une base de la Confédération Lunaire.
Celle-ci se distingue entre autres par ses constructions en piles et ses barrières-laser.
Une autre spécificité de la série par rapport au STR lambda, c'est la possibilité pour le joueur de customiser ses unités comme il le souhaite, tout en restant bien sûr dans la limite des moyens techniques et financiers à disposition. Il y a différents modèles d'engins de base, qu'on peut équiper à sa guise d'armes, systèmes de défense et accessoires divers. Sur le même châssis de tank, vous pourrez ainsi monter une tourelle de canon simple ou double, ou un lance-roquettes, ajouter un générateur de bouclier, un blindage plus robuste, etc. Les recherches sur les nouvelles technologies faites en cours de jeu permettent d'augmenter le nombre de châssis et d'accessoires disponibles, et évidemment, plus vous cumulez de gadgets puissants sur un appareil (sachant que les emplacements d'armes ne sont pas illimités de toutes façons), plus il sera long et coûteux à produire, d'où l'intérêt de ne pas seulement chercher à composer le tank (ou le robot, ou quoi que ce soit) ultime et à le fabriquer en série, mais d'équilibrer un peu la composition de votre armée.
Equiper ses blindés d'armes exclusivement antiaériennes aurait pu être une bonne idée face aux fifilles de la Confédération Lunaire (et encore), malheureusement à la première rencontre avec une escouade de mechs et cyborgs des Etats Civilisés Unis, c'est le drame.
Earth 2160 reprend donc ce principe qui faisait l'intérêt des précédents épisodes mais malheureusement n'innove pas beaucoup avec. Pour tout dire, je crois même me souvenir que le jeu précédent, The Moon Project, offrait plus de liberté à ce niveau. On trouvera quand même une amélioration bien utile, puisqu'il est désormais possible de lancer directement à partir de l'écran de composition des véhicules les recherches sur les équipements que l'on souhaite obtenir. Si je veux un tank moyen avec missile ballistique, plus besoin d'aller chercher un par un les upgrades nécessaires dans l'arborescence de technologie pour lancer la phase de développement, je vais simplement sur l'écran de véhicules, je clique sur le châssis et les options que je veux et les recherches se lancent. Il est même possible de programmer au passage leur attitude par défaut (offensive/défensive, feu à volonté/tir précis...). Ca a ne révolutionne pas vraiment le jeu mais c'est pratique.
Petit gadget sympathique, on peut surveiller une zone de la carte en y plaçant une caméra dont les images s'affichent alors dans un mini-écran en haut à gauche. Un bon moyen par exemple de garder un oeil sur sa base tandis que l'on mène ses troupes à l'assaut
Parmi les autres originalités qui permettent au jeu de ne pas être un simple Command & Conquer dans l'espace, citons la présence de mercenaires vendant leurs services aux divers camps en présence. Aussi bien en mode campagne qu'en mode escarmouche, on voit ainsi divers personnages venir vanter leurs propres mérites ; on peut alors cliquer dessus pour les recruter moyennant une certaine somme et, si aucun adversaire ne surenchérit dans les secondes qui viennent, on obtient ainsi, pour une durée limitée mais renouvelable, une nouvelle unité généralement plus puissante que la moyenne et surtout dotée d'aptitudes spéciales permettant notamment de déléguer un peu de micromanagement à l'IA. Ainsi, certains de ces mercenaires peuvent prendre en charge pour vous la construction de la base, d'autres s'occupent de la recherche ou de la récolte de ressources...
Le cyborg terminatoresque qui s'adresse au joueur dans la fenêtre de dialogue en haut est un mercenaire capable de gérer lui-même le recrutement des troupes.
Autre point appréciable, pour un jeu "budget" d'il y a 3 ans, graphiquement Earth 2160 tient encore plutôt bien la route. Le zoom permet d'admirer de très près des unités et bâtiments bien détaillés, les affrontements donnent lieu à un sympathique déluge d'effets spéciaux réussis, les environnements sont variés puisqu'on se battra dans des canyons, des marécages, des zones volcaniques ou industrielles, des déserts, des plaines enneigées, des vestiges de civilisations anciennes, des bases en ruine, et ce de jour comme de nuit, sous la pluie ou par beau temps... Evidemment, le joueur élitiste rétorquera que "on s'en fout que le jeu soit beau parce que l'important tu vois c'est le gameplay", n'empêche que pour ma part, je suis plutôt content quand un jeu de guerre futuriste s'apparente plus à Star Wars qu'à L'Inspecteur Derrick.
On prend presque plaisir à voir ses propres unités se faire atomiser tant les explosions sont chatoyantes. Pour un jeu des pays de l'Est vendu entre 3 et 10 € (un terme qui en général désigne quelque chose comme ça), Earth 2160 n'en finit d'ailleurs pas de surprendre agréablement puisque la 3D ne sert pas ici qu'à permettre de placer et orienter sa caméra à sa guise : le relief du terrain a son importance, on peut ainsi pousser des rochers du haut d'une pente pour les envoyer s'écraser sur des bâtiments adverses en contrebas, et un tir de roquette visant une unité perchée sur les hauteurs peut finir bêtement sa course dans un flanc de falaise par la faute d'une trajectoire trop basse...
Fidèle à lui-même, le héros inexpressif et ringard de la campagne eurasienne supporte stoïquement les intempéries.
Malgré tous ses bons points, le jeu n'est quand même pas une réussite totale il faut bien le dire. En premier lieu, l'interface de construction des bâtiments est parfois longue à la détente pour ne pas dire carrément pénible. Et c'est d'autant plus agaçant que le mode de construction lié à chaque faction n'est pas forcément super intuitif de prime abord, ni super bien expliqué par les niveaux d'apprentissage des 4 campagnes. C'est vrai qu'il y a un manuel de 70 pages et des poussières sur le CD, mais il n'est pas particulièrement bien fait, sans compter qu'un manuel en .pdf c'est chiant à consulter pendant qu'on est en train de jouer. On est donc un peu livré à soi-même, et même l'habitué des STR risque de ramer un bon moment avant de dompter la bête. Loin de moi l'idée de me plaindre que le contenu offert soit trop riche ou trop complexe, mais disons qu'il n'aurait pas vraiment été du luxe de rendre tout ça un peu moins confus, aride et abrupt. Même si comme moi vous avez joué à The Moon Project, vous serez très certainement dérouté. Toujours au registre des défauts, malgré quelques efforts de mise en scène, les campagnes ne sont vraiment pas bien passionnantes, les objectifs étant sans surprise (va libérer machin au point A puis va raser la base au point B, vus voyez le genre), le doublage français assuré par des stagiaires sous sédatifs et les cinématiques assez plan-plan. Du coup on finit par se rabattre assez vite sur le mode escarmouche, en solo ou en multi.
La Confédération Lunaire n'est constituée que de femmes et dispose d'une infanterie munie de jetpacks. Je ne sais pas pourquoi je vous colle ça ici vu que ça n'a aucun rapport avec le paragraphe qui précède ni avec celui qui suit mais j'avais un dernier screenshot à caser lors bon voilà, me faites pas chier et admirez au passage un nouvel environnement. Et à propos du mode multi, sachez qu'il est recommandé de ne pas se contenter des patchs officiels pour en profiter mieux, mais également de télécharger InsideEarthOperationRebalancing, un rééquilibrage des forces opérés par des passionnés de la saga oeuvrant à cette adresse, et chez qui vous pourrez également trouver des maps et mods pour le jeu. Au bout du compte, le jeu offre suffisamment d'aspects intéressants malgré ses défauts pour séduire les amateurs de stratégie science-fictionnesque qui ont déjà arpenté de long en large l'univers de la saga Dawn of War et sont prêts à s'investir un peu dans l'apprentissage d'un jeu dans lequel les premiers pas peuvent se révéler un peu rébarbatifs. Sans être le STR du siècle, Earth 2160 constitue une alternative honnête aux classiques du genre qui mérite qu'on lui donne sa chance, surtout à ce prix-là.
Toxic.