La planète Mars a nourri l'imaginaire de générations entières d'auteurs de romans, de scénaristes de cinéma, et d'auteurs de bande dessinée, les uns adaptant parfois les autres. Ne serait-ce qu'au cinéma, sur ces 15 dernières années, on pourrait citer Ghosts of Mars, Red Planet, Mission to Mars... Voici donc Seul sur Mars, dernière réalisation en date de Ridley Scott.
Le moins que l'on puisse dire est que j'étais circonspect, pour ne pas dire méfiant. L'imposture artistique que l'on appelle aussi Prometheus (et qui va connaître une suite encore plus proche d'Alien... soupir) m'avait convaincu qu'il n'était plus dans le coup, qu'il sucrait sévèrement les fraises. Rappelons qu'il aura 78 ans dans quelques jours, quand même. Pourtant on ne peut pas oublier le réalisateur "visionnaire" du premier Alien, de Blade Runner, de Legend ou de Thelma et Louise. Du côté des déceptions, citons 1492, Christophe Colomb, G.I. Jane - A armes égales, Gladiator (mais oui !) ou Kingdom of Heaven. Et je ne cite là que les films que j'ai pu voir. Non que son génie filmique soit remis en cause, mais comme le signale un ami, Scott est juste incapable de discerner un bon scénario d'un mauvais, le résultat tient donc de la loterie en termes d'histoire...
Lors d’une expédition sur Mars, l’astronaute Mark Watney (Matt Damon) est laissé pour mort par ses coéquipiers, une tempête les ayant obligés à décoller en urgence. Mais Mark a survécu et il est désormais seul, sans moyen de repartir, sur une planète hostile. Il va devoir faire appel à son intelligence et son ingéniosité pour tenter de survivre et trouver un moyen de contacter la Terre. A 225 millions de kilomètres, la NASA et des scientifiques du monde entier travaillent sans relâche pour le sauver, pendant que ses coéquipiers tentent d’organiser une mission pour le récupérer au péril de leurs vies.
Ma deuxième crainte, en voyant l'affiche (Seul sur l'affiche aussi) et des bouts du synopsis, était qu'on aie une sorte de Seul au monde (avec Tom Hanks) sur Mars, c'est à dire un mec qui est naufragé et finit par discuter avec son ballon de basket qu'il appelle Jean-Louis. Ce n'est pas le cas. Bien sûr, Matt Damon est présent pendant 80% du film, et seul la plupart du temps, mais le script laisse aussi une part non négligeable à son équipe en route pour la Terre, ainsi qu'aux gens de la NASA, qui oeuvrent pour sa récupération. Entre parenthèses il commence à coûter cher à l'administration américaine Matt Damon, après Il faut sauver le soldat Ryan et Interstellar. Ça serait bien qu'il revienne tout seul la prochaine fois, Obama n'a pas que ça à faire. Bref, pour ceux qui aiment bien Jessica Chastain, Jeff Daniels, Chiwetel Ejiofor ou Michael Peña (presque à contre-emploi), on les voit un peu et ils sont aussi choyés que la méga-star qui remplit toute l'affiche. A noter que la NASA a collaboré à la conception des scaphandres spatiaux et à certains décors.
Parlons-en un peu, de la NASA, tiens. Il est intéressant de voir qu'il ne s'agit pas ici d'un organisme totalement dévolu au pouvoir, ni intéressé uniquement par les annonces-choc. La sobriété avec laquelle Jeff Daniels interprète son directeur y est pour beaucoup. Certains comportements de ses cadres, s'ils sont surprenants, n'en seront pas moins suivis de résultats et de sanctions... Et l'agence spatiale américaine ne pourra pas s'en sortir sans un coup de pouce extérieur... En cela j'ai retrouvé le sérieux de certains romans de Stephen Baxter.
Ce côté "cohérent", pour ne pas dire "crédible", on le retrouve un peu partout dans le film : dans le comportement de Watney, absolument seul pendant plus d'un an, qui craque par moments mais essaie de trouver une solution avec ses compétences et ses facultés d'adaptation (une constante chez les astronautes). De même, alors que certains en auraient profité, Scott n'en rajoute pas dans le registre "regardez, c'est bôôôô tous ces paysages et ces vaisseaux dans l'espace" ! On en retrouve pas trop sa patte, mais l'ensemble est très correctement filmé. Bon, bien sûr, il y a, comme dans la plupart des films de SF, des petites incohérences sans lesquelles l'histoire ne tiendrait pas : du chatterton magique, un vent martien qui peut tout casser sauf un cosmonaute en scaphandre, la liste peut être plus longue. Mais le summum ayant été atteint avec Prometheus, je pense qu'on peut parler de film hautement crédible en proportion. :)
The Martian (en VO) est donc l'adaptation du roman éponyme d'Andy Weir. C'est Drew Goddard, scénariste de Cloverfield et World War Z, qui devait le scénariser et en réaliser l'adaptation. Scott est arrivé entre-temps. Le réalisateur a voulu Damon pour le rôle principal, et a posté ses caméras en Jordanie pour les tournages en extérieurs, et en Hongrie pour certains plans intérieurs.
A noter un clin d'oeil amusant au Seigneur des Anneaux, puisque la réunion improvisée à la NASA pour trouver une solution est surnommée le Conseil d'Elrond, et se fait en la présence de Sean Bean, qui rappelons-le a assisté à ce fameux Conseil dans le prmier film de Peter Jackson dans le rôle de Boromir.
Et donc, contre toute attente, Seul sur Mars est un bon film. Pas un chef d'oeuvre, non, Scott en a réalisé deux il y a plus de trente ans, c'est déjà plus que l'immense majorité des réalisateurs. Seul sur Mars est le moins pire qu'il ait fait depuis une vingtaine d'années.
Spooky