Entre Oblivion, Elysium, World War Z, cet été sent les gros blockbusters de science-fiction, à tendance post-apocalyptiques, ou apocalyptiques tout court.
C'est vers After Earth que s'est porté mon choix, un peu par hasard. Une volonté de se vider la tête, d'en prendre plein les yeux (mais en 2D), mais aussi une certaine curiosité face à ce film de M. Night Shyamalan, réalisateur capable du meilleur (Sixième sens, Incassable) comme du très discutable (La jeune fille de l'eau, Le Village) en passant par le blockbuster (Le Dernier maître de l'air). After Earth semble d'office émarger dans la dernière catégorie. Il s'agit en effet d'une idée originale de Will Smith, inspirée par le visionnage d'une émission sur des personnes en situation extrême avec son beau-frère, également crédité comme co-producteur. L'idée d'un père et son fils coincés en terre hostile après un accident de voiture. Le récit évolue vers une version plus science-fictionnesque, et le script est finalement rédigé par Gary Whitta (Le Livre d'Eli) et Stephen Gaghan notamment.
Nous sommes dans un futur assez lointain ; après que la Terre eût été déclarée inhabitable à cause de la pollution, des catastrophes naturelles, un corps spécial d'agents, baptisés Rangers, est formé pour organiser l'évacuation de l'humanité dans son intégralité. C'est la planète Nova Prime qui accueille les réfugiés, qui doivent se battre avec une race extraterrestre qui utilise les Ursas, des monstres énormes, pour lutter contre les envahisseurs. Aveugles, ces créatures ressentent les phéromones libérées par la peur de leurs proies pour les repérer. Mais au sein des Rangers de nouveaux combattants commencent à apparaître, des hommes qu'on surnomme les Effacés, car ils réussissent à éliminer la peur de leurs pensées. Parmi eux Cypher Raige (Will Smith) s'illustre particulièrement. Quelques années plus tard, en rentrant au foyer, Raige apprend que son fils Kitai (interprété par le vrai fils de l'acteur, Jaden Smith, qui s'est illustré dans le remake de Karaté Kid) n'a pas réussi son examen de Ranger.
Il décide toutefois de lui donner sa chance en lui proposant de l'accompagner sur son ultime mission. Mais l'Hesper, leur vaisseau, rencontre une pluie de météorites, et doit atterrir en catastrophe sur une planète inconnue, qui est en fait la Terre, retournée à l'état sauvage. Seules deux personnes survivent au crash : le père et le fils. Problème : le seul moyen d'appeler du secours est une balise présente dans la queue de vaisseau, laquelle a été séparée du reste de l'Hesper dans la descente sur Terre ; autre problème, Cypher est gravement blessé dans l'accident, et ne peut se déplacer ; et enfin ladite queue du vaisseau pourrait peut-être encore contenir un Ursa, retenu prisonnier pour des raisons de tests militaires. Du coup c'est le néophyte Kitai, 14 ans, qui doit traverser 100 km de terrain hostile, d'autant plus qu'il n'a aucune certitude que l'Ursa est mort dans le crash. C'est donc parti pour un survival doublé d'une course contre la montre dans un univers hostile (bien sûr le métabolisme des Humains a été modifié, et est moins compatible avec l'atmosphère terrienne).
J'étais donc curieux, mais un peu échaudé par des films de Shyamalan récents à la qualité discutable. Ici le film est calibré, en bon blockbuster, pour en mettre plein la vue, mais il y a quand même des petites choses à signaler.
Parlons de l'histoire. Mon pitch est peut-être un peu laborieux, mais c'était pour vous indiquer les enjeux. Il est à noter que Will Smith est tout de même le maître d'oeuvre de l'ensemble : auteur de l'histoire originale, producteur, et acteur ; mais pas principal, puisqu'il s'efface rapidement derrière son fils Jaden, sur les épaules (encore un peu frêles) duquel repose le film. Le gamin, qui fêtera ses 15 ans début juillet, se révèle un peu tendre. Sur le plan physique, il tient à peu près la route, sa silhouette longiligne se prêtant pas mal à l'exigence de course de sa mission. Lorsqu'il faut jouer une séquence plus intimiste, son jeu d'acteur se révèle assez limité, sans profondeur. Il va fallloir que Papa Will lui donne quelques leçons. Celui-ci est lui aussi monolithique ; mais pour le coup cela se justifie, puisqu'il joue un super-soldat qui a banni la plupart des émotions de son registre, et qui se retrouve derrière une batterie d'écrans dans un vaisseau en miettes ; essentiellement, il doit montrer les stigmates de la douleur auquel il est soumis, ainsi qu'une pointe d'angoisse, puisqu'il est en liaison radio et video permanente avec son fils pendant son trekking.
Après, on peut se demander pourquoi l'histoire se déroule sur Terre, n'importe quelle planète du type terrestre aurait été crédible ; j'imagine que c'est symbolique. Heureusement le script (ou en tout cas le montage final) nous évite l'éventuelle et tentante rencontre avec des vestiges humains. Ici tout n'est que nature, bien qu'au final les distances parcourues soient presque dérisoires. Un bon point, donc.
Le film est donc l'occasion de voir de superbes paysages, l'essentiel du métrage se déroulant en décors naturels (parc naturel californien, paysages désertiques du Costa Rica...) ; film de SF oblige, il y a des effets spéciaux pour nous montrer Nova Prime, le vaisseau dans l'espace ou encore avec les Ursas et certaines créatures rencontrées sur Terre... L'occasion aussi d'une mise en abyme de la relation père-fils, le premier restant dans une posture de supérieur militaire, le second étant prêt à tout pour montrer sa valeur à son géniteur, étant traumatisé par la disparition de sa soeur aînée quelques années auparavant. Beaux décors, beaux sentiments, CGI impeccables, réalisation appliquée mais sans génie, que demander de plus ?
Shyamalan, malgré sa position de mercenaire ou de yes-man, arrive tout de même à placer certains de ses motifs favoris ; comme l'écologie, évoquée massivement (à cause du décor) mais sans forcer le trait. Il y a aussi le jeu habituel sur les couleurs, ici cristallisé par les propriétés textiles intelligentes de la combinaison de Kitai Raige, laquelle change de couleur si un ennemi s'approche, ou si son porteur est sur la voie de la mort. Il y a aussi une séquence subtile, lorsque Jaden Smith court pour échapper au gel de la nuit, où l'on voit celui-ci gagner progressivement les végétaux entourant le jeune aspirant Ranger. Et puis, je ne sais pas à qui on doit l'échange de dialogues final, mais il est surprenant et drôle, alors qu'on s'acheminait vers quelque chose de typiquement américain, patriote et militaire. J'ai aussi ressenti de la surprise à une ou deux reprises dans le film. La patte Shyamalan ? Peut-être.
Par contre le film est un peu long ; bien sûr le périple de Kitai dure plusieurs jours, mais curieusement c'est lors d'échanges verbaux, donc a priori courts, qu'on sent ce problème de rythme. Et il y a, comme souvent dans ce genre de films, des éléments carrément incohérents : il me semble difficile de gravir un flanc de volcan alors qu'il est presque tapissé de lave liquide, ou encore de réaliser un pontage d'artère fémorale sans moyens chirurgicaux.
Au final cet After Earth remplit assez honorablement son contrat : on se vide bien la tête, on voit de beaux paysages, c'est correctement filmé. Pas le film de SF de l'année (enfin, je n'en ai pas vu des masses, sinon aucun pour l'heure), mais j'ai passé un agréable moment, un brin longuet.
Spooky
EDIT : On me dit que le film présente pas mal de choses préceptes à la scientologie. N'y connaissant rien, je ne peux qu'en dire : "Ah bon ? Et alors ?"