[Réédition et remasterisation]
Personnellement, j'ai découvert Stephen King à l'âge de 16 ans, sur les conseils d'un camarade de classe. Très vite, il est devenu l'un de mes auteurs préférés, même si je reconnais que sa plume n'est pas toujours aussi altière que je le souhaiterais. Je vous invite donc à le découvrir...
A l'heure où j'avais écrit la première version de ces lignes (mai 2003), Stephen King a annoncé qu'il allait mettre un point final à sa carrière d'écrivain. Cette déclaration survenait après un accident qui faillit lui ôter la vie en 1999 : un chauffard l'avait en effet violemment percuté sur une petite route du Maine. Cela signifiait alors qu'il faudrait probablement attendre 2006 ou 2007 pour voir apparaître son ultime oeuvre littéraire sur les étals des librairies. Il est vrai que l'"Horrorus Rex" a inondé le marché mondial de ses romans éléphantesques, la plupart du temps caractérisés par des sujets horrifiques (sur une large palette), un langage très argotique parfois et une présence active du sexe. Des éléments qui ont amené les critiques "grand public" à considérer son oeuvre comme de la sous-littérature clinquante, à tel point que les gens se cachent lorsqu'ils lisent du King, même dans le métro !
Parti de rien (King père abandonnera sa femme, aide ménagère, et ses deux fils lorsque Steve a 2 ans), l'écrivain de Bangor, dans le Maine, est devenu, par la force des mots et l'agressivité des couvertures, l'écrivain le plus lu dans le monde. Son style très visuel lui a permis d'être également l'un des auteurs les plus adaptés au cinéma et à la télévision (une trentaine de films, téléfilms et mini-séries à ce jour). Parmi ces adaptations, je citerai Carrie (Brian de Palma, 1977), Shining (Stanley Kubrick, 1980), Misery (1992), Les Evadés (Frank Darabont, 1995), Stand By Me (Rob Reiner, 1987)... King en a profité pour jouer dans certaines de ces adaptations des petits rôles, et même de passer à la réalisation avec le catastrophique Maximum overdrive (1986).
Je l'ai dit, King a annoncé sa retraite artistique. 2 fois même.
Pourtant, chaque année entre février et avril, l’éditeur Albin Michel sort invariablement un Stephen King. En 2006, c’est Cellulaire qui est sorti. En 2007, Histoire de Lisey. En 2009, Duma Key. En 2012 un recueil de nouvelles a vu le jour. Et pour 2013, année où il fête ses 40 ans de carrière (rappelons que Carrie est sorti en 1973 aux Etats-Unis), il frappe fort avec 22/11/63, qui replonge le lecteur dans l'un des évènements les plus sombres de l'histoire des Etats-Unis.
Il faut croire qu'il en a encore sous la semelle, puisque quelques nouveaux textes sont encore annoncés. On remarquera d'ailleurs que la plume de l'auteur a évolué avc le temps, ses thèmes de prédilection aussi. Avant son accident, nombre de ses héros étaient des adolescents, souvent victimes de leurs parents, lesquels étaient rongés par les maux de l'Amérique profonde : le fondamentalisme religieux, la presse à scandale, le port d'armes à feu, l'obscurantisme... Son accident marqua un arrêt, un tournant dans son oeuvre ; les romans qui suivirent ressemblaient à des brouillons recyclés, son essai Ecriture nous montra un homme et un auteur meurtri dans sa chair et dans sa tête. Et puis depuis quelques années la qualité est de nouveau au rendez-vous, les obsessions du King ayant changé : vieillesse, maladie, mort bien sûr sont des motifs récurrents de ses romans écrits à partir de 58 ou 60 ans. Il n'a donc pas fini de nous parler de nos peurs, même les plus intimes...
J'ai eu la chance de le rencontrer pour une dédicace et de l'écouter lors d'une rencontre avec les fans à Paris en novembre 2013. Un grand moment.
Sa carrière n'est pas terminée, mais pour commémorer à mon humble niveau ces 40 ans de carrière, voici une bibliographie commentée puis quelques ressources. Les dates données sont celles de la première édition en France, qui diffère parfois de beaucoup de l'édition originale aux USA.
1976 : Carrie : roman. Adapté au cinéma dans un film très impressionnant par Brian de Palma (1977) ; avec Sissy Spacek dans le rôle-titre. L'histoire d'une jeune fille rudoyée par ses camarades de classe qui prend sa revanche de façon sanglante, grâce à des pouvoirs insoupçonnés... Après une suite un peu honteuse et un téléfilm, une nouvelle adaptation est sortie de l'année 2013, avec Chloe Grace Moretz dans le rôle-titre et Julianne Moore dans celui de sa mère. Un résultat mi-figue mi-raisin.
1979 : Shining : roman. Intéressante variation sur les maisons hantées et la plongée dans la folie. Le film éponyme de Stanley Kubrick (1980, avec Jack Nicholson), a complètement dénaturé le propos de King. A noter que King écrira une suite en 2013, intitulée Docteur Sleep.
1977 : Salem : roman. Sympathique variation sur le vampirisme.
1980 : Danse Macabre : recueil de nouvelles. Très bon recueil, peut-être le meilleur de King.
1981 : Le Fléau (édition complète et augmentée en 1991) : long roman. Adapté pour la télévision en 1997 par Mick Garris, avec Gary Sinise en vedette. A également connu une adaptation en comics, actuellement en cours de publication en France. Dans un monde ravagé par une pandémie, les survivants se regroupent autour de deux personnages emblématiques et antinomiques. Le mal est à l'oeuvre.
1982 : Cujo : roman. Une terrifiante histoire d'un chien rendu fou par la rage inoculée par une chauve-souris. A été adapté (assez moyennement) au cinéma en 1983 par Lewis Teague.
1983 : Creepshow : recueil de nouvelles et de bandes dessinées. Adapté au cinéma en 1982 par Georges A. Romero, scénariste qu'admire King.
1983 : Dead Zone : roman. Excellent roman d'ambiance, portant sur la montée de l'extrême-droite aux USA. Adapté avec bonheur la même année au cinéma par David Cronenberg, avec Christopher Walken en vedette.
1984 : Christine : roman. Adapté en 1983 au cinéma par John Carpenter. L'histoire d'une Plymouth Fury 1958 hantée. Le roman est nettement plus efficace que le film. Les belles voitures hantées ou dotées de pouvoirs particuliers sont un motif récurrent dans les oeuvres de King. L'une des facettes du rêve américain révélée dans toute son horreur, en quelque sorte.
1983 : Simetierre : roman. Adapté dans un style assez réaliste par Mary Lambert pour le cinéma en 1989. Cette histoire de morts qui reviennent à la vie est proprement terrifiante, car faisant appel aux peurs les plus anciennes, les plus intimes aussi...
1984 : Charlie : roman. Oeuvre intéressante sur la psychokinésie et la pyrokinésie. Adapté au cinéma la même année par Mark L. Lester.
1986 : Différentes saisons : recueil de nouvelles. Regroupe quelques oeuvres de jeunesse de King.
1986 : Peur Bleue / La Nuit du Loup-Garou : scénario. Une histoire de lycanthropie peu réussie.
1986 : Le Talisman : roman coécrit avec Peter Straub. Une vaste saga sans queue ni tête...
1987 : Chantier (sous le nom de Richard Bachman) : roman. Descente vers la folie meurtrière d'un homme seul qu'une expropriation menace de mettre à la rue...
1987 : Brume : recueil de nouvelles. On y retrouve certaines des meilleures productions de l'auteur, plus régulier dans cet exercice que dans celui du roman. A noter que la novella qui donne son titre au recueil a fait l'objet d'une bonne adaptation au cinéma 20 ans plus tard.
1987 : La Peau sur les Os : roman. Ecrit sous le pseudonyme de Richard Bachman, cette histoire de malédiction indienne ne suscite que peu d'intérêt, tout comme son adaptation cinéma, réalisée en 1996 par Tom Holland.
1988 : Ça : roman Adapté en mini-série par Tommy Lee Wallace en 1990, avec Tim Curry. L'histoire d'un groupe de gamins confrontés à des peurs anciennes... Je vous renvoie vers l'excellent article de Shanaa sur ce bouquin qui représente peut-être le sommet de l'oeuvre de King.
1988 : Running Man (sous le nom de Richard Bachman) : roman. Adapté au cinéma par Paul Michael Glaser en 1987, avec Arnold Schwarzenegger. Une oeuvre de science-fiction mineure, très mineure.
1989 : Marche ou crève : roman. L'une des oeuvres méconnues du King, qui se cachait alors derrière le pseudo de Richard Bachman. Pourtant une histoire très efficace, assez prenante, à rapprocher du Prix du danger, d'Yves Boisset.
1989 : Les Tommyknockers : roman. Oeuvre moyenne sur les extraterrestres, qui donna lieu à un assez bon téléfilm en deux parties (1995, réalisé par John Power).
1989 : Misery : roman. Une histoire d'amour qui conduira à la mort, avec dans l'adaptation de Rob Reiner (1992), une incroyable Kathy Bates.
1990 : Rage : roman. Une oeuvre crépusculaire, pleine de désespoir et d'adolescence en colère... Paradoxalement, bien qu'écrit sous son pseudo de Richard Bachman, peut-être l'une de ses meilleures productions...
1990 : La Part des Ténèbres : roman. Un roman très fort sur le romancier et sa part d'ombre... A fait l'objet d'une adaptation en 1992 par Georges A. Romero.
1991 : Minuit 2 / Minuit 4 : recueils de nouvelles.
1991 : Le Pistolero (La Tour Sombre 1) : recueil de nouvelles formant un roman. Le début d'une longue, très longue saga de fantasy, sorte de fil rouge de l'oeuvre de King. A été adapté en comics, dont la publication est en cours en France.
1991 : Les Trois cartes (la Tour Sombre 2) : roman. Suite de la saga...
1992 : Terres perdues (La Tour Sombre 3) : roman.
1992 : Bazaar : roman. Adapté au cinéma sous le titre Le Bazaar de l'Epouvante en 1993 par Fraser C. Heston, avec Ed Harris. L'histoire d'une petite ville livrée à la zizanie meurtrière sous l'égide d'un étrange boutiquier... Ce roman a une place assez centrale dans l'oeuvre de King, car son personnage principal est en effet la ville de Castle Rock.
1993 : Dolores Claiborne : roman. Adapté au cinéma en 1995 par Taylor Hackford, avec une incroyable Kathy Bates (à nouveau) dans le rôle-titre. L'un des rares récits non-fantastiques de King. A lire en résonance avec Jessie.
1993 : Jessie : roman. Un roman mineur, inadaptable à l'écran (l'héroïne passe les 9 dixièmes du livre en petite culotte, enchaînée à son lit...). A lire en résonance avec Dolores Claiborne.
1994 : Rêves et cauchemars : recueil de nouvelles. Recueil assez bon de quelques oeuvres de jeunesse mêlées de nouvelles plus fraîches...
1994 : Insomnie : roman. Une étonnante histoire portant sur les troubles du sommeil. Un roman méconnu mais un peu long.
1996 : Les Yeux du Dragon : roman. Un incroyable conte, que King a écrit au départ pour sa fille, Naomi. Une oeuvre à part.
1995 : Rose Madder : roman. Une oeuvre mineure.
1995 : Anatomie de l'horreur / Pages Noires : essai. Très intéressant essai sur la littérature fantastique.
1996 : Désolation : roman. Western contemporain écrit en résonance avec Les Régulateurs.
1996 : Les Régulateurs (sous le nom de Richard Bachman) : roman. Western contemporain écrit en résonance avec Désolation.
1996 : La Ligne Verte : roman-feuilleton. Une histoire sur le milieu carcéral (un des motifs récurrents chez King), très bien écrite et haletante. King maîtrise très bien l'exercice difficile du feuilleton. A été adapté avec succès et talent au cinéma (en 1999) par Frank Darabont, avec l'oscarisé Tom Hanks.
1997 : Magie et Cristal (La Tour Sombre 4) : roman.
1999 : La Tempête du Siècle : scénario. A été adapté au cinéma en 1999 par Craig R. Baxley.
1999 : Sac d'Os : roman. Oeuvre difficile d'approche sur l'esclavagisme au 19ème siècle...
2000 : La Petite fille qui aimait Tom Gordon : roman. King traite là l'un de ses sujets favoris, l'enfance. Une curiosité.
2001 : Coeurs perdus en Atlantide : recueil de nouvelles et novellas réunies en ensemble romanesque. La guerre du Vietnam a profondément traumatisé les Américains. Le King de l'horreur donne ici sa vision de ce phénomène (de mode ?). Oeuvre touffue, brouillonne, qui trouve des échos dans La Tour Sombre et Le Talisman. A été adapté en 2001 au cinéma par Scott Hicks, avec Anthony Hopkins.
2001 : Ecriture : essai. A la suite d'un accident de voiture dont il est victime en 1999, l'Horrorus Rex écrit sur sa condition d'écrivain et d'homme. Une oeuvre forte, assez éloignée de sa production habituelle. Incontestablement un tournant dans sa carrière d'homme et d'auteur.
2002 : Dreamcatcher : roman (adapté au cinéma en 2002 par Lawrence Kasdan, avec Morgan Freeman en vedette). Une histoire d'extraterrestres très pessimiste reprenant certains des thèmes privilégiés de King : traumatisme enfantin, communauté d'amis, horreur viscérale (à tous points de vue). Un roman mineur cependant.
2002 : Territoires (avec Peter Straub) : roman plutôt long, où les écritures des deux auteurs s'entrechoquent et s'annihilent. Suite de Talisman.
2003 : Tout est Fatal : recueil de nouvelles. Un ensemble assez plaisant regroupant des nouvelles écrites par King depuis 10 à 15 ans.
2004 : Roadmaster : roman. Des Buick, il y en a partout... Celle-ci sera votre pire cauchemar. Cela ressemble un peu à Christine.
2004 : Les Loups de la Calla (La Tour Sombre t.5) : roman.
2005 : Le Chant de Susannah (La Tour Sombre t.6) : roman.
2005 : La Tour Sombre (La Tour Sombre t.7) : roman. Une adaptation de son cycle (en fait, un prequel) en bandes dessinées a été réalisée pour les Editions Marvel.
2006 : Cellulaire : Roman. Si votre portable sonne, surtout ne répondez plus. L'enfer est au bout de la ligne. Un roman mineur très mal adapté pour la télévision par King lui-même.
2006 : Colorado Kid : roman.
2007 : Histoire de Lisey : roman. Curieuse évocation de la création littéraire et des peurs de l'enfance, souvent intimement liées. Un peu verbeux cependant.
2008 : Blaze : roman. un fond de tiroir nerveux, mais à l'intrigue assez pauvre, contant l'histoire d'un simple d'esprit décicant de faire un dernier "coup" avec le fantôme de son complice...
2009 : Duma Key : roman. Très verbeux, ce roman reprend cependant des motifs qui caractérisent l'oeuvre actuelle de King : l'art pictural, la Floride et le pouvoir des rêves.
2010 : Juste avant le crépuscule : recueil de nouvelles. Ce recueil marque le retour de King à l'un des exercices qu'il préfère, le format court.
2011 : Dôme : Un énorme roman en deux parties. Très très prenant, du grand King.
2012 : Nuit noire, étoiles mortes : un recueil de longues nouvelles assez réussies.
2012 : La Clé des Vents (La Tour Sombre t.8) : roman. King donne un nouveau chapitre à son cycle de la Tour sombre, que l'on croyait achevé au tome 7.
2013 : 22/11/63 : roman. King s'attaque à l'un des évènements majeurs de l'histoire des Etats-Unis, l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Un grand, très grand roman.
2013 : Docteur Sleep. Une suite à Shining, un peu décevante cependant.
2014 : Joyland. On est dans la veine non horrifique de l'oeuvre kingienne. Excellente écriture.
2014 : La nouvelle Plein Gaz, coécrite avec son fils aîné Joe Hill, se place dans son oeuvre "cylindrée".
2015 : Mr Mercedes. L'amorce d'une trilogie orientée polar.
2015 : Revival. Un roman mineur, qui démarre très fort cependant. Très légèrement fantastique.
2016 : Carnets noirs. La suite du réjouissant Mr Mercedes, dans une veine très polar. Tout aussi bon.
2016 : Le Bazar des mauvais rêves. Un recueil de nouvelles, plutôt bon.
2017 : Fin de ronde. Avec ce troisième opus King boucle sa série policière légèrement teintée de fantastique consacrée au Commissaire Hodges.
2018 : Sleeping Beauties est un roman écrit à quatre mains avec son fils cadet Owen. On sent qu'il y a encore du boulot pour rejoindre le paternel...
2018 : Gwendy et la boîte à boutons est une nouvelle co-écrite avec son ami Richard Chizmar. Sympathique sans être inoubliable.
2019 : L'Outsider est un roman mineur sur un personnage étrange.
2019 : La nouvelle Laurie, disponible gratuitement en ligne, témoigne de la meilleure verve de l'auteur. La même année Elévation perpétue ce niveau d'écriture.
2020 : Le roman l'Institut ramène King sur les terres de l'enfance, pour un résultat mitigé.
2021 : Si ça saigne : Quatre novellas d'un très bon niveau, dont une avec Holly Gibney, découverte dans la trilogie Hodges.
Spooky.
Pour aller plus loin :
Un autre site intéressant, bien qu'un peu fouillis.
Le club Stephen King