Je vous ai parlé tout récemment du roman D'or et d'émeraude, écrit par Eric Holstein. Deux échanges de mail plus tard, avec son éditrice comme entremetteuse, et ce charmant touche à tout acceptait de répondre à une sértie de questions. Avec l'apport de l'ami Vladkergan, mogul de vampirisme.com, voici le résultat de nos échanges :
Photo ci-dessous : Patrick Imbert ( http://www.icicommeailleurs.org)
Bonjour Éric, nous allons parler un peu de toi et de tes activités… Tu as commencé ta carrière, si j’ose dire, dans l’univers de la musique, errant dans différents petits boulots… Pourquoi avoir quitté cette vie de bohème ?
Bonjour. Hou la… Vie de bohème ! Moi ! Tu dois te tromper de Éric Holstein. J’ai suivi des études d’ingénieur du son, puis j’ai fait mon service militaire à l’ECPA (le fameux cinéma des armées) et ensuite, je suis entré par la petite porte à OUI FM où je suis resté quinze ans en CDI. Donc plus casanier et moins intermittent que moi tu ne trouveras pas. La vie de bohème, c’est plutôt maintenant. Pas désagréable par certains aspects, mais je ne l’ai pas vraiment choisie.
Parallèlement tu as aidé à lancer le site ActuSF, reflet d’une vieille passion pour l’Imaginaire… Quel était ton rôle ?
Je suis arrivé au début de l’aventure sur le net. Au début, je ne faisais que chroniquer et puis un jour, Jérôme Vincent, qui en avait assez de jouer les pompiers de service sur le site, m’a demandé si je voulais bien prendre en charge le cahier critique et donc superviser les chroniqueurs, lancer des dossiers, des interviews. J’ai accepté et cela a duré cinq ans. Jusqu’à ce que je commence à être publié, en fait. À partir de ce moment, je me suis progressivement désengagé jusqu’à me retirer presque totalement de la vie du site. Je sais que dans notre milieu ça se fait beaucoup d’être auteur ou éditeur et en même temps critique, mais moi, je ne me trouvais plus légitime pour chroniquer. L’exercice est périlleux et lorsque j’y pense, en dehors de Gilles Dumay, je ne vois pas grand monde qui s’en sorte bien.
Aujourd’hui ActuSF c’est aussi une maison d’édition… Y participes-tu toujours ?
Oui, M’sieur ! Ma principale contribution est la direction artistique. J’adore ça. Chercher les idées de couv’, trouver des artistes (souvent à l’autre bout du monde) (comme ça on peut les payer à vil prix, bien entendu). L’idée de base, c’était d’essayer d’amener un peu de sang neuf et un regard différent sur l’approche des couvertures de genre. Dit comme ça, c’est sans doute une peu présomptueux, mais ça sonne plus pro que de dire : « J’ai des goûts bien précis et je choisis qui je veux » (ce qui, dans les faits, est le cas). Ce qui nous a permis de travailler avec des gens comme Diego Tripodi ou Magnus Blomster, qui sont devenus des potes.
Je bidouille un peu de traduction aussi, surtout de la supervision et il y a quelques auteurs dont je m’occupe, notamment Robert Silverberg, parce que je connais bien son œuvre.
Tu collabores aussi à la revue Bifrost… Tu es décidément omniprésent dans la sphère française de l’Imaginaire…
Mmoui… Je ne collabore que très épisodiquement à Bifrost et avec les mêmes réserves concernant la critique. Mes dernières contributions portaient sur les trois classiques fondateurs de la littérature vampirique et avant cela, ça avait été l’interview fleuve de China Miéville (parce que j’adore cet auteur).
Après, tu sais, le milieu de la SF en France est vraiment tout petit. Tout le monde s’y connaît plus ou moins. Ne serait-ce que de vue. Et comme c’est une communauté assez incestueuse aussi, ce n’est vraiment pas difficile de donner l’impression d’être partout. Ce n’est qu’une illusion. N’oublions pas qu’en tant que spécialistes de l’Imaginaire, nous sommes sensés être les maîtres de l’illusion. D’ailleurs, il suffit de voir nos chiffres de vente et le peu de considération que continuent d’avoir pour nous les médias plus mainstream pour s’apercevoir que nous grenouillons dans une toute petite mare à canards et que cela reste avant tout sur nous-mêmes que nous exerçons nos talents d’illusionnistes. M’enfin… ça occupe, c’est déjà ça...
Curieusement tu ne commences à publier des bouquins qu’à 35 ans, avec des petits guides sur la SF. Des commandes d’éditeur ou des envies de combler peut-être un vide éditorial ?
En fait, ces petits guides ont été un moyen de tester la température du bain avant le lancement des éditions ActuSF. C’était le vieux rêve de Jérôme. Avant nous avions publié quelques anthos supervisées par Anne Fakhouri, mais ce n’était pas à cette échelle qu’on envisageait le devenir de notre activité éditoriale. Du coup, le petit guide à trimbaler a été une sorte de ballon-sonde. On s’est bien marré à le faire. Moi, à l’époque, le format me convenait bien. J’avais pas mal de boulot à la radio, pas vraiment le temps ni l’énergie de me coller à l’écriture sur un format fiction en rentrant le soir. Du coup, j’en suis resté là un bon moment, me cantonnant à la critique.
Le Librio, en revanche, c’était bel et bien une commande de Flammarion, qui nous est parvenue par le biais de Thibaud Eliroff qu’on a collé sur le projet avec nous. Là, encore, bonne expérience et bonne poilade. Je me souviens notamment d’une séance de travail autour d’un fantastique cassoulet sur le compte de l’éditeur…
Tu as écrit de nombreuses nouvelles, comme quasiment tous les auteurs du genre. Quel est le format que tu préfères ? Roman ou nouvelle ? D’ailleurs pour toi, où se situe la frontière ?
Oh, pas tant que ça, en fait. C’est Jean Pettigrew, le patron de Solaris et d’Alibis qui, le premier, m’a publié, ce dont je ne le remercierai jamais assez. C’est un exercice difficile que celui de la nouvelle. Je crois que je préfère celui du roman… Non pas que j’y sois plus à l’aise, mais j’ai le sentiment que le format me correspond mieux. Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, ça reste un processus assez douloureux pour moi. Chacun trouve sa justification dans son sujet. J’avoue avoir tendance à utiliser la nouvelle pour des traitements plus légers, voire carrément des pochades du genre d’Enculés !, qui était parue dans Bifrost. L’une des principales motivations, je peux bien le confesser, était d’avoir ce titre dans ma bibliographie. Mais disons qu’il y a tout simplement des sujets qui s’imposent d’évidence dans le format de la nouvelle.
Question sans doute idiote : pourquoi ne publies-tu pas chez ActuSF ?
Keuwwwaaaa ! Pour qu’on m’accuse d’user du copinage ? Ou pire, de m’autopublier ! Es-tu fou ? Tu veux que j’attrape un razzie, ou quoi ! Tu sais comme les gens ont vite fait de se fourrer des idées en tête…
En 2009 sort donc ton premier roman, Petits Arrangements avec l’Éternité, chez Mnémos…
Oui, sous une couverture de Diego Tripodi. Probablement pas la plus vendeuse qui soit, mais j’en suis très fier et je suis heureux qu’il ait accepté.
Dans ce roman, tu as choisi d'utiliser Paris comme toile de fond pour un récit aux dents longues à la verve très san-antonio-esque. Peux-tu nous parler de la genèse de ce premier ouvrage ?
Le roman est né de la conjonction de deux idées. À la base, il y a celle de ces vampires voleurs de souvenirs qui m’était venue il y a longtemps, lorsque je me demandais de quelle manière on pourrait rendre plus crédibles de telles créatures.
Ensuite, durant mes offices critiques, j’avais lu un roman dont l’auteur avait affublé son personnage princi pal d’un usage particulièrement mal maîtrisé de l’argomuche des fortifs. Il avait tendance à l’évacuer dès qu’il intériorisait son personnage, parce qu’il était gêné par l’aspect très concret de la langue, qu’il réduisait à un moyen un peu facile de son héros. Or, l’argot est vraiment une de mes marottes. J’adore cette langue. C’est le patois pantruchard, je le pratique dans la vie de tous les jours depuis que je suis tout petit. J’ai donc eu envie de créer à mon tour un personnage qui parlerait l’argot. Débiterait le jar, comme on dit. Et c’est là que les deux idées se sont télescopées.
S’est dessiné alors le personnage d’Eugène, quelque part entre Le Voleur de Darien et Arsène Lupin. Du coup, c’est réellement la langue qui l’a forgé. L’argot est une langue qui pue la sueur, un truc de prolo pas trop porté sur la gamberge. Eugène allait être comme ça et fatalement est venu le côté feuilleton du roman. Mais c’est la langue qui a tout cadencé.
Dans le hors série Bifrost sur les vampires, tu as publié une nouvelle vampirique qui rompt avec ton précédent roman, en proposant une trame bien plus actuelle, notamment par sa trame de fond (les camps de réfugiés). Penses-tu que le thème du vampire est un bon vecteur de message ?
Bonne question… J’allais répondre non, mais en fait, tout archétype est nécessairement un vecteur de message intéressant. J’entends message au sens de « propos à défendre ». Le vampire incarne tellement de choses évidentes, que c’est un moyen commode de couper court à l’exposition. Le danger est qu'il est aussi un archétype fourre-tout.
Cela étant, je pense que le propos vient tout naturellement lorsque l'on écrit. De manière plus ou moins consciente, mais il s’impose obligatoirement.
Et en ce début d’année, ton second roman, D’Or et d’émeraude. Comment définirais-tu ce roman ? Une uchronie, un paradoxe temporel ?
Plutôt une uchronie, même si l’approche paradoxe temporel est pertinente. C’est un peu un clin d’œil aux Voies d’Anubis de Tim Powers, qui est un roman qui m’a énormément marqué.
Qu’est-ce qui est venu en premier quand tu as commencé à travailler sur le roman ? Cette forme particulière de narration ou le cadre sud-américain ?
Les deux sont indissociables. Les premiers chapitres me sont venus tout naturellement sous cette forme un peu « carnet de voyage ». Mais le découpage s’est imposé de lui-même à mesure que le projet prenait forme.
Tu t’es largement documenté, comme en témoigne la grosse bibliographie présente en annexe…
Oh que oui ! Et je m’étais pourtant juré de ne jamais m’imposer ça. Mais le truc, c’est que j’y ai pris goût. Je suis un rationnel. Après tout, à la base je suis un technicien… Du coup, je cherche toujours des béquilles fortes à mon écriture. Pour Petits Arrangements, je travaillais en permanence avec le street view de Google Map ouvert, pour chercher les immeubles qui m’intéressaient. Je n’hésitais pas, non plus, à aller voir sur place, pour rendre mes descriptions aussi crédibles que possible.
Là, ça s’est manifesté sous une forme un peu différente, mais qui a pris des proportions un peu maniaques. Par exemple tous les noms des conquistadores cités dans la deuxième partie, sont vraiment ceux des survivants de l’entrada Quesada. J’ai même poussé le luxe jusqu’à chercher (dans certains cas) la région dont ils pouvaient venir en remontant l’origine géographique des noms de famille. Oui… je sais…
Chacun des trois volets de l’histoire a son caractère propre, et l’ambiance est réussie à chaque fois, même si je suis plus réservé sur la troisième…
J’ai vraiment essayé d’adopter trois styles différents et de me couler dedans à chaque fois. Et c’est frappant de voir comment une forme d’écriture impose son propre rythme à la narration.
Il faut savoir que l’idée de me colleter à cette troisième partie m’intimidait tellement que je voulais, dans un premier temps, la réduire à sa plus simple expression. Quelques dizaines de pages, tout au plus. Puis l’évidence s’est imposée (un peu via mon éditrice) et il a bien fallu que je m’y colle. Et au final, je me suis bien amusé à l’écrire.
Pour toi, qui est le véritable héros de l’histoire ? Simon/Simeon, ou Beniño, qui se révèle le pivot du récit au fil de celui-ci ?
Incontestablement, le protagoniste est Beniño. Après, chaque partie a son personnage principal et j’ai réalisé après coup, que chacun d’eux était en fait caractérisé par le sentiment de ne pas être à sa place. Simon, qui se demande qui il est, Quesada qui se sent illégitime et Beniño qui a l’impression d’être né un siècle trop tard.
Un des commentateurs de ma chronique a fait le rapprochement avec la trame du film The Fountain, sur le plan du découpage, et aussi le cadre de l’Amérique latine, l’époque des Conquistadores…
Marrant. Cela étant, je crois que je me suis endormi devant ce film que j’avais trouvé incroyablement boursouflé… Aronofsky reste pour moi le réalisateur de Requiem for a dream, qui m’avait vraiment retourné (en dépit de l’omniprésence de ce plat de nouilles froides de Jared Leto).
L’un des éléments qui ont lancé le bouquin est le thème de l’adoption… Il se trouve que je connais un peu le sujet, et j’ai été carrément bluffé par ton traitement, si loin des images d’Épinal qui sont diffusées partout… Simon n’est pas plus intéressé que ça pour retrouver ses racines, c’est un jeune homme qui a besoin de changer d’air pour réfléchir à sa vie… Et le voyage en Colombie lui offre une belle opportunité…
J’étais assez partagé en écrivant cette partie. Fatalement, il y a un peu de mon fils et de ma fille dans Simon. Est-ce que je ne leur volais pas un peu de leur histoire ? J’ai tenté, le plus honnêtement possible, de projeter une réaction possible parmi d’autres. Mais que l’on soit adopté ou non, la quête de sa propre identité est quelque chose de crucial. Le prisme de l’adoption la rend simplement plus évidente.
Après, en ce qui concerne ce que j’appelle « l’effet Dolto » dans le roman, c’est quelque chose que j’ai d’ores et déjà pu constater. De la même manière que lorsqu’ils savent que tu as adopté, les gens se croient souvent autorisés à te poser des questions vachement indiscrètes, ils se convainquent très facilement de pouvoir lire dans mes enfants à livre ouvert du simple fait de leur adoption (auquel cas ils ont bien de la chance, parce que moi, je n’y arrive pas plus que n’importe quel autre parent). Du coup, j’ai simplement tenté d’imaginer l’effet que cela faisait de grandir comme en étant « sous verre ». Prétendument lisible aux yeux de tous.
De même, j’ai été vraiment convaincu par la Bogota que tu dépeins… J’imagine que tu y es allé ?
Nécessairement. Deux fois, et j’ai tenté de restituer la ville telle que je l’ai vue. J’ai fait lire le manuscrit à une copine colombienne qui s’y est bien reconnue.
L’immersion est aussi « forcée » par l’usage de nombreux noms que j’imagine être d’origine muisca, ou du moins chibcha… Tu n’as pas eu de soucis avec ton éditrice par rapport à ce choix qui pourrait freiner la lecture ?
Muisca. En fait, il existe un projet universitaire dément à Bogotá, où une bande d’enthousiastes indéfectibles se propose de réaliser un dictionnaire muisca en ligne. Il faut savoir que dès les débuts de la colonisation, plusieurs religieux s’y sont essayés et leur interprétation de la langue muisca est largement fautive. C’est donc un long travail auquel se sont attaqués ces universitaires, parce qu’ils partent de ces textes, qu’ils amendent petit à petit.
Quant à leur utilisation, cela n’a pas été un problème. Au fond, ce n’est ni plus ni moins exotique que de l’Elfe ou du Klingon. C’est amusant que ça puisse sembler plus complexe du simple fait que c’est une langue réelle.
Je précise que tous les noms sont des mots-valises en muisca de cuisine que j’ai concocté moi-même. Donc s’il y a bel et bien une signification à tous ces mots ou noms, elle relève largement du bricolage sémantique.
Quelle part de vérité y a-t-il dans la partie consacrée aux Conquistadores ?
Tout est rigoureusement exact jusqu’à la bataille qui précède la mort de Cespédes. C’est là, le vrai point de départ de l’uchronie. Je me suis seulement autorisé quelques insertions dramaturgiques. Même les détails de la remontée de la vallée du Magdalena sont authentiques.
Tu dis sur le site que la violence inhérente à l’histoire de la Colombie est au cœur de ton roman. Mais au fil de l’écriture, n’as-tu pas senti ton récit t’échapper, pour raconter d’autres choses en plus de cette violence ?
Un récit t’échappe toujours un peu (voire beaucoup). Il en dit souvent plus que ce que tu as originellement voulu y mettre. Mais en l’occurrence, ici, la violence n’est qu’un raccourci dramaturgique pour parler de la nature humaine. C’est un symptôme que j’ai placé au cœur du récit pour laisser au lecteur le soin de la diagnostiquer la maladie.
Si on lit ton témoignage, l’écriture du roman a été un processus pénible et long pour toi… pourtant tu ressentais un besoin viscéral d’écrire sur la Colombie…
L’écriture en général, du moins l’écriture de fiction, est pour moi un processus douloureux. En l’occurrence, D’or et d’émeraude a été un roman complexe à structurer, qui a nécessité beaucoup de documentation et qui a été long, très long à écrire. Je l’ai terminé totalement vidé, sans recul. C’était un tour du monde en solitaire et il a fallu que je me reconnecte avec lui. Ça m’a demandé deux mois. Je ne sais pas si c’était un besoin viscéral, mais le fait est que, une fois les vannes ouvertes, il n’était plus question que je m’arrête.
Mnémos – à moins que ce ne soit toi – a mis le paquet sur le roman, avec un joli site bien documenté, et un blog associé que tu alimentes assez régulièrement me semble-t-il… Tu continues à écrire encore et encore autour de la Colombie, pays de contraste et de passions…
Mnémos m’a soutenu en tout, mais c’est moi qui ai fait ce site. Je n’en avais jamais fait avant, mais je voulais donner toutes ses chances à mon roman. J’avoue que là, je suis un peu trop occupé pour alimenter régulièrement le blog, mais si j’écris sur la Colombie, c’est désormais plus par nécessité que par envie. Au fond, j’ai dit ce que j’avais à en dire. Mais le business étant aujourd’hui ce qu’il est, il faut entretenir le buzz. Tant bien que mal.
Quel a été l’accueil public et critique du roman ?
Le public, c’est encore un peu tôt. Je constate que selon leur profil, les gens préfèrent l’une ou l’autre partie. Les lecteurs d’imaginaire accrochent globalement bien à la partie uchronique, mais ont du mal avec la première. C’est l’inverse pour les lecteurs de blanche. La seconde partie, en revanche, semble réconcilier tout le monde.
Côté critique, je tombe un peu dans un ventre mou et peu de sites, finalement, s’en sont fait l’écho. En revanche, ceux qui l’ont fait ont eu l’air de bien l’aimer. Et je suis vraiment heureux d’avoir pu lire quelques papiers (comme le tien) racontant une belle rencontre avec l’histoire. C’est très gratifiant.
À l'aube du livre numérique, toi qui trempes dans le monde de l'édition depuis de très nombreuses années, quel regard portes-tu sur ce sujet ?
On est dessus en ce moment-même. Une coédition avec les éditions Walrus, qui ne fait que du numérique, et justement avec mon background éditorial et dans l’audiovisuel, je me suis beaucoup investi. J’ai fédéré quelques bonnes volontés et sollicité des potes, on est passé en studio pour enregistrer quelques voix, je suis sur les mix, je maquette un cahier photo et quelques petits bonus rigolos.
Il est évident que le livre numérique va exploser. Pour l’instant c’est marginal, mais les possibilités offertes sont incroyables. On peut voir ça comme les bonus des DVD, un moyen de rendre la lecture plus ludique et plus riche. Cela étant, je crois que pour l’instant, les éditeurs papier n’ont pas cette culture multimédia et qu’ils n’ont pas encore pris la mesure de ce qui s’offre à eux. Par certains côtés, j’ai la sensation qu’ils ne savent pas par quel bout prendre la chose. Cela demande un œil et des compétences croisées qu’ils n’ont pas forcément.
Toi qui es un vrai touche-à-tout, notamment graphiste, est-ce que cette ouverture sur de multiples supports intervient dans tes créations littéraires ?
Pas encore. Disons que l’opportunité s’est offerte à moi après coup. En revanche, ayant une vision plus claire de ce que l’on peut faire en numérique, je pense qu’à l’avenir je m’autoriserai plus de choses. Cela étant, un livre doit rester un livre. Ce n’est ni un film ni un dessin animé. Le contenu enrichi doit servir la narration, l’accompagner. Cela doit aider le lecteur à atteindre une immersion plus totale dans la lecture et non pas le sortir du récit. C’est une question de dosage.
Peux-tu nous expliquer ce que tu as fait chez Ouï FM, et au sein de Marche à l’onde ?
Toi, tu es allé farfouiller sur mon C.V ! Bon, au moins ça veut dire qu’il est référencé…
À OUI FM, j’étais directeur de la production. C'est-à-dire que, pour faire simple, tout ce qui n’était pas en direct passait d’une manière ou d’une autre par mes studios. Pubs, promos, génériques, émissions enregistrées, jingles, habillages etc. C’est donc un poste très technique à la base. Tu passes tes journées derrière une console et devant un Pro Tools. Mais sur une petite radio comme OUI FM, il fallait savoir tout faire : conception rédaction, réalisation, direction de comédiens et même un peu de juridique et d’administratif. C’était assez marrant. J’ai passé quelques super années là-bas, rencontré des personnalités assez fortes et marginales et je m’y suis fait quelques bons potes. J’ai ramené des souvenirs croquignolets aussi : Willy Deville, en manque, qui gerbe dans une poubelle du studio d’antenne, Miossec, ivre mort, qui devait enregistrer une promo pour son
émission, Bashung (Monsieur Bashung !), pétard au bec en train de répondre pendant trois quarts d’heure à une interview de deux questions, Iggy Pop qui reprend Down On The Street à la folk ou Kirk Hammett et James Hetfield en train de faire gouzi-gouzi au poisson rouge de l’assistante commerciale. Je m’y suis bien amusé.
Marche à l’Onde, c’est moins rock n’roll. C’est une boîte montée par deux ex-OUI FM (enfin, un ex et un actuel) et qui fait de la radio évènementielle. Des mini-radios, essentiellement destinées à des fins de com’ interne (du bitoubi, comme on dit dans les métiers respectables où on gagne des sous). Et je fais pour eux ce que je faisais à OUI FM : la production. C’est du ponctuel, mais ça se fait dans la bonne humeur et dans la confiance, avec de vieux potes.
Toutefois, jusqu’à présent, personne n’a encore vomi dans une poubelle pendant un direct. Mais ça viendra peut-être.
Quels sont tes projets, notamment sur le plan de l’écriture, à présent ?
J’étais sur une commande jeunesse qui s’est brutalement interrompue. Du coup je me consacre à la sortie de D’or et d’émeraude. Je travaille aussi beaucoup sur l’édition numérique du livre. J’ai deux ou trois idées en ligne de mire, mais ma priorité est ailleurs pour l’instant, donc ce n’est pas pour tout de suite. Et puis j’ai toujours un projet de BD sur le gaz, avec Diego Tripodi aux crayons, mais qui, pour l’heure, n’a pas encore trouvé d’éditeur.
Éric, merci.
Mais de rien, ce fut un plaisir.
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