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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Spooky
Publié dans : #Livres

 

La Chute de Gondolin est en quelque sorte la première grosse étape de la course au long cours que constitua, à terme, le Silmarillion. Le Légendaire de Tolkien était déjà en gestation, quelques petits textes avaient été rédigés, mais ce récit un peu particulier, dont l’écriture remonte à 1916-17, est le premier de grande ampleur que l’auteur place dans son univers. Loin d’être tranquille, l’écriture de ce récit majeur a subi de nombreux aléas, et au moins deux versions notables, entrecoupées par des évolutions plus ou moins importantes. La version définitive, si l’on peut la qualifier ainsi dans la mesure où elle est… inachevée, date ainsi de 1951. C’est ainsi que trois traducteurs sont crédités sur cet ouvrage : Tina Jolas pour la version définitive présente dans le Silmarillion, Adam tolkien (petit-fils de l’auteur) pour celle qui a été publiée une première fois dans le Livre des Contes Perdus (…), et Daniel Lauzon, retraducteur du Seigneur des Anneaux et du Hobbit, pour les ajouts et les commentaires (abondants) de Christopher Tolkien.

 

Gondolin est une cité elfique construite dans un endroit reculé par le roi elfe Turgon, sur les conseils du Vala (divinité) des eaux Ulmo. Mais le Vala Morgoth, devenu une entité assoiffée de pouvoirs, souhaite éradiquer les Elfes, et menace Gondolin, qu’il cherche en vain. Ulmo, craignant que ce ne soit qu’une question de temps, apparaît devant un humain errant, Tuor, afin qu’il trouve la cité cachée et prévienne Turgon du péril à venir. C’est ainsi que l’on suit les pérégrinations de Tuor dans le Beleriand (le continent qui précède la Terre du Milieu), qui rencontre l’Elfe Voronwë/Bronweg, lequel, ayant déjà été à Gondolin, le guide jusqu’à ses portes. L’accueil de Turgon n’est pas très chaleureux (les hommes ne sont pas bien considérés par les Elfes, c’est le moins que l’on puisse dire), mais Tuor peut néanmoins rester dans la cité cachée, dans un statut de semi-captif. Il épouse la fille de Turgon, Idril, laquelle lui donnera un fils, Eärendil. Mais le cousin de cette dernière, Maeglin, déteste Tuor, et c’est au cours d’une de ses promenades hors des Montagnes Encerclantes (ce qui est pourtant interdit) qu’il est capturé par les séides de Morgoth. Contre sa liberté et la promesse d’épouser Idril, Maeglin donne la position de la cité cachée. S’ensuit une bataille féroce à laquelle pourront échapper Tuor et sa famille, laquelle connaîtra une histoire mouvementée dans d’autres récits du Légendaire.

Mais pourquoi, donc, nous présenter ces différentes versions ? Parce que la première, intitulée Tuor et les exilés de Gondolin, est la seule à contenir l’ensemble de l’histoire, les errances du héros (qui ressemblent fortement à un voyage initiatique mais sont expédiées en quelques pages), sa découverte de la cité perdue, ainsi que l’attaque de celle-ci par les troupes de Morgoth et le destin de celles et ceux qui ont survécu à cette bataille. Le dernier texte, en revanche, est beaucoup plus détaillé en ce qui concerne le voyage de Tuor, et le point culminant est d‘ailleurs l’apparition d’Ulmo qui lui dicte sa mission au milieu d’une mer déchaînée.

Ce récit marque ses lecteurs par l’exubérance de son style, il propose de magnifiques descriptions des décors du Beleriand, jusqu’à l’arrivée de Tuor et son ami Voronwë à Gondolin, étape qui marque la fin, ou plutôt l’interruption de cette version, provoquant une grande frustration chez celui ou celle qui a eu la chance de lire ce récit. Celui-ci ayant été rédigé en 1951, on voit l’influence qu’a eu l’écriture de l’épopée sur le conte, mais aussi, malheureusement, les stigmates du projet avorté du professeur de voir le Silmarillion et le Seigneur des Anneaux publiés ensemble. 

 

Le sentiment général est effectivement le gâchis, car vue la qualité de la langue et la richesse des détails que Tolkien a pu mettre dans son conte, on ne peut qu’imaginer l’ampleur qu’il aurait pu avoir une fois achevé… S’il ne propose pas grand-chose de neuf par rapport au Silmarillion et aux Contes et Légendes inachevés (dans lesquels se trouvent les deux versions), cet ultime opus édité par Christopher Tolkien a le mérite de mettre en perspective les différentes versions d’une même (superbe) histoire.

 

Un petit mot sur les conditions d'édition de cet ouvrage. Curieusement, la Chute de Gondolin, qui est chronologiquement le premier des 3 grands contes écrits par Tolkien, est le dernier à recevoir une édition dédiée et détaillée. En effet en 2017, dans la préface de Beren & Lúthien, son fils Christopher annonçait qu’il en avait terminé avec les publications des œuvres de son père. C’est sans compter sur le poids des tolkienophiles, pour lesquels cette annonce annonçait la frustration de ne pas voir sortir en édition séparée le récit par lequel tout, ou presque, a commencé, à savoir celui racontant la chute de Gondolin. L’héritier Tolkien repartit donc pour un baroud d’honneur, et fit sortir l’ouvrage en 2018 (an anglais, en 2019 pour l’édition française), magnifiquement illustré par Alan Lee. Emotion et qualité sont bien sûr au rendez-vous.

 

Spooky

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Publié le par Spooky
Publié dans : #Films

Il aura donc fallu attendre plus de 45 ans après sa mort, six gros films adaptant son oeuvre et plein d'autres choses pour que le cinéma -hollywoodien- s'intéresse à JRR Tolkien, l'homme.


Car oui, derrière les oeuvres magnifiques que sont le Hobbit et le Seigneur des Anneaux, -entre autres-, se cache un homme qui est né dans l'Etat libre d'Orange (Afrique du sud actuelle), a vécu modestement dans la campagne anglaise, a étudié à Oxford, enseigné au même endroit, aimé, fait le con et la guerre, écrit... Tout cela, le réalisateur chyprio-finlandais Dome Karukoski (Tom of Finland) a tenté de le présenter dans un film explorant la jeunesse de l'auteur.


Le film débute dans la Somme, en 1916. Le premier conflit mondial s'enlise, au propre comme au figuré, et le Lieutenant Tolkien essaie de survivre à ce cauchemar éveillé. Il contracte bientôt la fièvre des tranchées, puis est gazé. Au fil de ses errances sur le front, au seuil de la mort, sa vie lui revient par flashes. Sa jeunesse modeste mais joyeuse avec sa mère et son frère Hilary près de Sarehole, dans le Worcestershire. Puis le départ pour Birmingham, grande ville polluée du nord de l'Angleterre, incarnation de l'Enfer pour Tolkien. Viennent la maladie et le décès de sa mère, la prise en charge par le Père Francis Morgan, la rencontre avec sa voisine Edith Bratt qui deviendra sa femme et les études à Oxford, avant le déclenchement de la Première Guerre Mondiale.



Il y a deux façons d'apprécier le film. Aucune n'est complètement la bonne ou la mauvaise. Mais la plupart des spectateurs se placeront d'un côté ou de l'autre, et leur appréciation s'en ressentira forcément.


La première est, je pense majoritaire : celle du grand public, qui ne sait rien de la vie de Tolkien et voudra en apprendre (un peu) plus. Cette portion va assister à un spectacle de qualité, mettant en scène un jeune homme de la société victorienne, courageux, avec plein d'amis, qui tombe amoureux d'une jeune femme charmante. Un jeune homme que la vie n'a pas épargné, mais qui a réussi, à force de témérité et de talent, à s'élever au-dessus de sa condition, et à faire de sa passion sa renommée (ce qui n'était pas forcément son objectif, notons-le). Une histoire pleine de bons sentiments, remarquablement bien filmée, avec des acteurs -de renom pour certains- qui font le job. Une narration rondement menée, centrée cependant sur l'amour et l'amitié. Des ambiances soignées, entre pubs douillets, universités à l'ancienne et champs de bataille. J'ai aimé la scène de l'opéra, même si elle est probablement inventée ou détournée. Les scènes avec ses amis du TCBS, le club secret qu'il forme avec trois autres étudiants de la King Edward's School, lesquels se poussent mutuellement à aller plus loin, à oser transformer leurs rêves en réalité, sont parmi les plus réussies également. J'ai aimé voir Tolkien boire de la bière, alors que ses amis boivent du whisky. j'ai aimé voir ceux-ci le surnommer "Tollers". Des détails, ou clins d'œil qui peuvent faire plaisir ou faire tiquer.



Car il y a de quoi tiquer, et même plus, pour peu qu'on connaisse l'histoire véritable de JRR Tolkien. Ce qui n'est tout de même pas difficile, tant les ouvrages biographiques de qualité (Tolkien, une biographie, par Humphrey Carpenter, Tolkien et la grande guerre, J. R. R. Tolkien à 20 ans...) sont sortis ces dernières années. Si le film propose deux passages iconiques de la vie du Professeur (la danse d'Edith qui lui inspire le personnage de Lúthien, les quelques mots jetés au verso d'une copie à corriger qui donneront naissance au Hobbit), ils sont mal amenés, ou plutôt chronologiquement mal placés. Le film joue d'ailleurs sur le flou artistique en ne proposant pas de repères historiques, hormis la bataille de la Somme, en 1916. Alors que l'action se situe grosso modo entre 1900 et 1930. Seul un "quelques années plus tard, à Oxford", placé dans la toute dernière partie du film, complète ces précisions, pour un saut dans le temps quelque peu surprenant, tant les années précédant la guerre ont été largement traitées. A cet égard le film aurait pu s'appeler "Young Tolkien" pour être plus proche de la vérité.

 

Quelques mots au sujet du casting. Le rôle-titre est tenu par Nicholas Hoult, acteur britannique connu principalement pour avoir incarné le Fauve dans la dernière génération des X-Men, enfin celle qui a pris le pouvoir dans First Class, puis dans Mad Max Fury Road. C'est donc ici son premier vrai premier rôle, et je dois dire que je l'ai trouvé plutôt convaincant. A ses côtés, Lily Collins occupe bien l'écran. Jolie, expressive, sensible comme l'était Edith, la fiancée de Ronald. Autour d'eux, une pléiade d'acteurs au diapason, avec une mention spéciale pour Anthony Boyle (alias Geoffrey Bache Smith, l'un des meilleurs amis de Tolkien), Colm Meaney, l'acteur irlandais qui a joué dans de nombreuses comédies sociales, ou encore Sir Derek Jacobi, acteur shakespearien qu'on a pu voir dans Gladiator, Le Discours d'un roi ou encore Cadfael. Un casting classieux.



Comme dans toute adaptation ou tout biopic, les scénaristes se permettent donc de tordre, de malmener l'ordre chronologique des choses pour donner une narration plus fluide, et probablement un peu plus glamour que la vérité. Mais ces largesses sont parfois très gênantes. Comme lorsque Ronald et Edith peuvent sortir et se balader dans Birmingham, alors que lui n'est pas majeur, et elle célibataire. Impensable à l'époque. Ou quand on adjoint au sous-officier Tolkien une enseigne totalement fictive, qui l'appelle Monsieur tout le temps et s'appelle Sam. (vous le voyez le GROS clin d'œil ?) Lorsque, pris de délire, Ronald croit voir des guerriers à cheval faucher ses camarades sur le Front (alors que Tolkien a toujours clamé haut et fort que le Mordor et ses personnages belliqueux n'avaient rien à voir avec la guerre)... Qu'un mur de sa chambre d'étudiant est couverte de dessins, de runes qui vont nourrir son Légendaire... Qu'on invente un trait  particulier dans le caractère de son ami Geoffrey Bache Smith... Des assertions qui biaisent totalement son rapport à la création... D'ailleurs, lorsque son imagination est la plus "visible", à savoir dans les tranchées, j'ai trouvé les scènes moins réussies... Il manque aussi des passages qui à mon sens, auraient tout à fait eu leur place dans ce biopic, comme le voyage qu'il fit avec une de ses tantes et son frère en 1911 en Suisse, qui lui a fortement inspiré Rivendell... Les passages avec Edith sont drôles ou émouvants, mais presque toujours faux, au regard de la réalité. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais cela ne vous intéresserait pas plus que cela. Retenez cependant le GROS défaut du contenu. On ne voit Tolkien écrire et créer -littéralement- qu'à une reprise. Alors que cela aurait dû être l'un des principaux arguments du film. Lequel s'achève donc

SPOILER

sur l'idée de la création du Hobbit. On a l'impression qu'il n'a pas fait grand-chose auparavant à ce niveau. Alors que lorsque le roman sort en 1937, Tolkien travaillait déjà sur son univers depuis 20 ans...

 

Fun fact : L'un des arrière-petit-fils de Tolkien, Kallum, joue un petit rôle dans le film, l'un des tout premiers à apparaître à l'écran. Par contre la famille Tolkien a fait publiquement savoir qu'elle n'avait rien à voir, et même qu'elle désapprouvait le film.


En résumé, un long métrage qui sur le plan artistique est plutôt bon. Si vous voulez en savoir plus, vraiment plus sur le vrai Tolkien, lisez les biographies déjà citées.

 

Spooky

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