Et si l'état de zombie n'était pas... définitif ? Et si un zombie pouvait... réfléchir ? Parler. Aimer. C'est le point de départ du roman d'Isaac Marion. Il nous fait entrer dans l'esprit (si j'ose écrire) de R. (lui-même ne se souvenant plus de son prénom), un mort-vivant qui un jour, lors d'une attaque "banale" sur un groupe de Vivants, décide, après avoir croqué un bout de cerveau d'un jeune homme, d'épargner la vie d'une jeune femme. Par quelques subterfuges, il parvient à l'emmener, vivante, dans son repaire, un 747 cloué au sol (car le lieu de regroupent des zombies est un aéroport). Bientôt une étrange relation s'établit entre eux deux, elle, Julie, curieuse de comprendre pourquoi elle a été épargnée, et lui, sentant peu à peu se rallumer des choses dans son corps et son esprit.
L'une des "cautions morales" du roman est Stephenie Meyer, l'auteur de Twilight. Je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée, malgré la relation sentimentale qui sous-tend la métamorphose de R. Mais il faut bien attirer la midinette avide de sensations fortes tout en évitant l'étiquette bit-lit. Le principal atout du roman d'Isaac Marion, outre son pitch original, est justement d'éviter un certain nombre d'écueils d'écriture cucul, comme on en trouve parfois dans cette fameuse bt-lit. Isaac Marion fait preuve d'une certaine puissance dans son écriture, son personnage principal redécouvrant l'introspection au fil de sa transformation mentale et physique. Une transformation qui commence donc lorsqu'il ronge le cerveau de Perry, l'ex petit ami de Julie, celle par qui tout va arriver. Peu à peu Perry, ou plutôt son esprit, va intervenir dans la conscience de R., et lui montrer, par petites touches, comment évoluer. Ce qui est étonnant c'est que cette intrusion mentale ne va pas se faire systématiquement, R. gardant, ou plutôt acquérant de plus en plus de sensations de son propre chef.
J'évoquais la qualité d'écriture d'Isaac Marion, qui permet de ne pas lâcher la lecture d'une semelle, malgré, parfois, des petits soucis narratifs. Il y a des sous-entendus, ou plutôt des non-dits, qui auraient mérité un peu plus d'éclaircissement.
La description du "camp" de Morts est intéressante ; contrairement à la plupart des canons zombies, il n'est pas caractérisé par le chaos, mais par un ensemble de règles, ou plutôt de rituels, avec deux castes définies par l'apparence physique, les Charnus et les Osseux, les seconds étant une sorte d'autorité spirituelle (mais oui !). Du côté des Vivants, ce sont les militaires qui ont pris les choses en main. Dans le stade qui leur sert de refuge, une véritable ville, avec ses rues, ses autorités et ses règles, se sont développés. Et puis la venue de Julie, d'abord incognito, en leur sein, va changer les choses. Va LES changer.
Alors bien sûr, si vous avez lu entre les lignes, vous avez compris ce qu'il va se passer. On s'achemine vers une conclusion un peu romantique. Mais encore une fois Isaac Marion évite le fleur-bleue pour nous livrer une histoire qui, si elle ne manque pas de menus défauts, se lit sans problème, c'est une parenthèse vraiment intéressante.
Spooky.
NB : Vivants sortira le 21 octobre.
NBbis : le roman est déjà en production pour une adaptation au cinéma.