Nous allons parler aujourd'hui d'un film de 1963, réalisé par Mario Bava, considéré par beaucoup comme un espèce de pionnier dans le film d'angoisse. Je dois avouer, à ma grande honte, n'avoir jamais vu un seul film de ce réalisateur italien, peu porté sur le cinéma transalpin, et encore moins sur les productions de cette époque.
Les trois visages de la peur, I tre volti della paura en VO, est en fait une sorte de film à sketches, puisqu'il est divisé en trois segments d'une demie-heure environ chacun, réalisés dans un décor et avec des acteurs différents. Les trois récits sont adaptés de nouvelles de Tchekhov, Tolstoï et Maupassant.
Le film commence cependant par un "hosting" de Boris Karloff (1887/1969), considéré comme l'un des deux plus grands interpètes de Dracula et icône du cinéma fantastique. Ce cher Bobo nous propose de suivre avec lui ces trois récits. Je vous propose de vous en parler.
Premier de cordée, Le Téléphone voit Michèle Mercier aux prises avec un ancien amant qui la menace de mort au téléphone, un ancien amant qu'elle a envoyé en prison. Elle appelle une ancienne amie à la rescousse. Ce segment est le plus faible des trois. Le film ne compte que trois acteurs, qui ont le talent de jeu d'une huître. Aucune émotion ne transparaît sur leurs visages. Pire, Bava, reconnu il me semble pour ses ambiances, filme très platement cette espèce de longue scène -l'ensemble se déroule quasiment en temps réel- dans une maison sans fenêtres, avec une musique d'ambiance que ne renieraient pas certains ascenseurs. Quant à l'histoire elle-même, une fois passée la surprise concernant le tueur, elle s'avère d'un ennui... mortel, malgré la relation lesbienne à peine suggérée. Le Téléphone, à l'ambiance plus giallo que gothique, ressemble à beaucoup de films récents sur le même sujet (Scream, Terreur sur la ligne...), son seul intérêt est d'avoir été le premier.
Ce segment met en vedette Boris Karloff, visiblement fatigué (il avait plus de 75 ans à l'époque), en chef de famille à la fois très aimant, mais aussi fort rude. Le mythe du vampire est ici mis en scène de façon très simple, la terreur passant dans les irruptions, certains jeux de lumière et le faciès anciennement inquiétant de la star. Il n'y a aucun trucage, si ce n'est l'air parfois surjoué de certains acteurs. Les Wurdalaks sucent le sang de ceux qu'ils aiment le plus au monde, ce qui explique la terreur de cette famille. L'histoire d'amour entre le touriste (on peut l'appeler comme ça, vu l'air absent de l'acteur qui l'incarne) et la fille du patriarche ajoute un peu de rebondissement à l'histoire. Quelques plans bien éclairés et appuyés viennent sauver l'ensemble de la médiocrité.
La Goutte d'eau met en scène Mme Chester, infirmière. On l'appelle pour venir s'occuper d'une vieille spirite de ses clients, décédée au cours d'une séance où elle faisait tourner les tables. En arrivant, elle remarque une superbe bague au doigt de la morte. S'arrangeant pour ne pas être vue, elle subtilise le bijou, puis rentre chez elle. Mais elle remarque des phénomènes étranges, et ressent une drôle de présence...
Ce chapitre final est sans conteste le meilleur des trois. L'ambiance est assez bonne, et deux ou trois scènes démontrent un vrai talent de metteur en scène, avec une volonté affichée de faire peur. Le visage grimaçant de la mamie est assez réussi, on sursaute presque à une ou deux occasions. Et pour une fois Jacqueline Pierreux a l'air réellement terrifiée. La musique ressemble un peu plus à celle d'un film d'horreur. Ce récit aurait peut-être pu être traité un peu plus longuement.
Le film se clot sur une nouvelle "pastille" de Boris Karloff, sur un cheval de pacotille, dans le prolongement d'une scène du second segment, laquelle scène m'avait fait rugir de rire. Le ridicule et l'ironie assumés de la scène m'ont convaincu que le réalisateur l'avait fait exprès.
Globalement je ne garderai pas un grand souvenir de ce triptyque de Mario Bava. Je le trouve assez suranné, sans véritable ambiance, plutôt mal joué dans l'ensemble. Le côté "cheap" a parfois du bon, mais là c'est vraiment trop austère, voire ascétique. Seule la troisième partie me semble digne d'être vue. Probablement une erreur de vieillesse de Boris Karloff...