Le nouveau film d'Alfonso Cuaron était l'un des plus attendus de l'année, sinon le plus attendu, car précédé d'une réputation dithyrambique, comme rarement on en a vu...
A 600 km au-dessus de la Terre, un groupe de spationautes bricole entre la Station spatiale internationale et la navette spatiale. Parmi eux, le Dr Ryan Stone (Sandra Bullock) et le pilote Matthew Kowalski (George Clooney), qui discutent gentiment. Mais soudain le contrôle de Houston leur ordonne de rentrer à l'abri, car un satellite russe, percuté par un missile... russe, vient d'être réduit en milliers de fragments, et ceux-ci se dirigent à grande vitesse (genre 90 000 km/h) vers eux, en tournant autour de la Terre. Mais il est déjà trop tard, un gros débris vient couper net le bras articulé auquel est accrochée le Dr Stone, qui se retrouve propulsée dans l'espace...
...et je n'irai pas plus loin, ce serait spoiler le film qui réserve de nombreuses surprises, plusieurs retournements de situations et des scènes-choc à foison. Pourtant le rythme n'est pas effréné tout le long. Dans l'espace, il y a des moments de calme. Comme dans cette scène où le Dr Stone se replie en position du foetus (c'est un peu gros, d'ailleurs) ; ou comme quand les deux spationautes discutent tranquillement de la jeunesse du Dr Stone. D'ailleurs le scénario tient en deux lignes, l'intérêt du film n'est pas forcément là.
Il est plutôt dans les prouesses techniques. Le film débute par un plan-séquence d'une durée qui je pense, constitue un record, même s'il y a probablement des raccords numériques. Le film est d'ailleurs constiué de plusieurs de ces plans-séquence, où la caméra se déplace un peu dans tous les sens, et va même plus loin que ce qui existait déjà, en opérant des glissements du plan objectif au plan subjectif. La technique classique du champ/contrechamp est ainsi réinventée... On se retrouve ainsi plusieurs fois à la place du Dr Stone. Et bien sûr, c'est un film à aller voir en 3D. Mais contrairement à d'autres, la technologie 3D est tellement bien gérée qu'on oublie très vite cette spécificité, le réalisme étant d'un niveau jamais atteint. Le résultat est une immersion totale dans le récit, nous sommes dans l'espace avec les spationautes coupés de tout, nous partageons leurs angoisses, leurs peurs primitives, les hallucinations dues au manque d'oxygène, nous subissons nous aussi l'attaque de débris en tous genres (j'ai d'ailleurs sursauté plusieurs fois sur mon siège tellement c'était réaliste...), même si Cuaron n'abuse pas de ces effets, alors qu'un Michael Bay, par exemple, en aurait mis dans tous les coins.
Sur le plan du casting ça va aller vite, étant donné qu'il n'y a que deux personnages, si l'on exclue un troisième larron qui disparaît bien vite. Clooney et Bullock se partagent donc l'affiche, et si le choix de cette dernière peut prêter à débat (allez, je vous mets au défi de trouver dans sa filmographie un film dramatique réussi, sachant que Speed émarge dans une autre catégorie). On connaît la capacité de George Clooney à jouer sur plusieurs registres, sa présence ici n'est donc pas une surprise, d'autant plus que comme d'habitude il joue aussi les charmeurs qui balancent la tête. Et contre toute attente Sandra Bullock s'en sort plutôt bien, le film reposant en grande partie sur ses épaules puisque le réalisateur s'attacher à nous la faire suivre ou à être ses yeux. Bien sûr, elle passe une bonne partie du film en scaphandre, ce qui facilite le jeu d'acteur, mais la peur est tout de même palpable dans ses intonations de voix, par exemple.
Le film est bien sûr bourré d'effets spéciaux, puisque nous sommes dans les couches hautes de l'atmosphère, à proximité de l'ISS et de la station orbitale chinoise. Cuaron pousse le réalisme jusqu'à faire frémir, puis trembler de tous leurs boulons et rivets ces gros joujoux, rendant par exemple très difficiles les diverses tentatives d'arrimage des spationautes en perdition. Idem, il y a pas mal d'effets sonores, mais associés à des vibrations, ce qui les rend d'autant plus angoissants. La musique, réalisée par Steven Price, participe à cette ambiance, les percussions ayant été exclues de la compositions, les deux outils sonores étant souvent liés et mélangés. Avant tout c'est cet hyper-réalisme qui, il me semble, fait la qualité et le succès du film.
Bien sûr, si on prend le film au premier degré, on passe à côté de plusieurs choses, alors que l'intention de la famille Cuaron (Jonas, le fils, a coscénarisé le film) est clairement de nous montrer une renaissance chez le personnage de Ryan Stone, elle qui a perdu un enfant en bas-âge, et se retrouve propulsée dans le néant, et surtout loin de la terre, berceau de la vie.
James Cameron a été dithyrambique à propos du film, déclarant que c'était le meilleur film sur l'espace jamais réalisé. Pour ma part je ne serais pas aussi lapidaire, Appolo 13 et 2001 L'odyssée de l'espace, pour ne prendre que les plus connus, ayant chacun leurs qualités. Mais quoi qu'il en soit, il s'agit sans aucun doute du plus réaliste, son visionnage en salles et en 3D procurant une expérience inédite et inoubliable au spectateur. Courez le voir, mais vérifiez vos niveaux d'oxygène avant.
Spooky