Vous le savez, je suis un grand fan de l'œuvre de Stephen King. Certains de ses bouquins les plus récents m'ont absorbé au point de me faire rater ma station de métro. C'est un auteur que j'ai découvert à l'âge parfait, c'est à dire à l'adolescence. Et parmi ses romans, Ça est de ceux qui m'ont laissé une des impressions les plus fortes. Parce qu'il est long, très long, mais aussi et surtout parce qu'il convoquait plusieurs peurs irrationnelles, mais tellement répandues, en particulier la coulrophobie, c'et à dire la peur des clowns. Le roman, qui a eu un immense succès, à contribué à répandre cette phobie, et le téléfilm éponyme des années 1990 -qui, s'il n'est pas exempt de défauts, a le mérite d'exister- n'a pas calmé cette tendance.
King a été massivement adapté au cinéma et à la télévision depuis 40 ans, mais il semblerait qu'un revival soit en cours depuis 2016, avec la production de la série à succès Stranger Things (inspirée de l'oeuvre de King entre autres), la sortie au ciné de La Tour sombre (dont je ne saurais vous parler, ne l'ayant pas vu), l'adaptation en téléfilm de The Mist (Brume en VF), celle de Mr Mercedes en série, la série 22.11.63, l'adaptation Netflix de Jessie, et avec ce Ça, qui s'empare de la première partie du roman éponyme de Stephen King.
Il y avait de quoi craindre le pire, le casting ne comprenant que des inconnus, un réalisateur confidentiel aux manettes, et une campagne marketing relativement agressive. Puis les premiers retours sont sortis, carrément positifs, et parfois ils sont venus de personnes connaissant éminemment l'œuvre du King et étant très méfiantes par rapport aux adaptations (un coucou très amical à Mélanie Fazi en passant) ont confirmé cette impression d'ensemble : le film est bon.
C'est donc avec confiance -toute relative, cependant- que je suis sorti de ma grotte pour aller voir le film d'Andy Muschietti. Dès les premières images, je me suis senti chez moi : des préadolescents, une ambiance à la fois angélique et oppressante, une caméra à hauteur des protagonistes, et un personnage à la fois mielleux et terrifiant, j'ai nommé Grippe-Sou (Pennywise en VO), un clown qui hante les égouts de Derry, petite ville du Maine. C'est la poursuite du bateau en papier fabriqué par son grand frère Billy qui amène Georgie, 5 ans, à se pencher vers le caniveau de sa rue. Et à y croiser cet être étrange, qui lui propose de venir flotter avec lui et quelques autres personnes en bas... Ou à récupérer son bateau, que le clown a récupéré. Cette invitation n'est pas innocente, et le pauvre Georgie va disparaître. Inconsolable, Billy (13 ans) va passer tout son temps libre à résoudre ce mystère, avec l'aide de quelques amis de son âge. Bientôt une adolescente, Beverly, et un garçon de ferme, Mike, vont se joindre à eux. Tous ont pour point commun d'avoir des peurs irrationnelles ou rationnelles, et de vivre au quotidien avec, tout en étant persécutés par une bande d'adolescents menés par Bowers, le fils du shérif.
L'un des points forts du roman de King est la psychologie des personnages, tous différents, mais tellement crédibles et touchants. Muschietti et ses scénaristes ont su garder cette tendance, prenant le temps de nous présenter chaque membre de ce club des Ratés, comme ils se surnomment eux-mêmes, laissant l'inquiétude et l'action de Pennywise installer insidieusement le malaise chez les enfants de Derry... et le spectateur. Pour dire les choses crument, j'ai eu la chair de poule à plusieurs occasions, pas seulement parce que le film file les chocottes (je vous conseille d'aller faire pipi AVANT d'entrer dans la salle), mais surtout parce que j'ai trouvé l'ambiance des romans de King, en particulier celui qui était adapté. Nom de dieu, il y a même des passages, pas forcément tristes, où j'ai été ému, vraiment. Les gamins ressemblent physiquement à ceux dont j'avais gardé le souvenir indélébile. Le clown est moins grand guignol que celui du téléfilm. On est dans une chronique adolescente, et on y croit. Parmi les enfants, je citerai le jeune acteur Finn Wolfhard, échappé de Stranger Things (tiens tiens...), qui joue le boute-en-train binoclard Richie Tozier, l'un de mes personnages préférés de tous les temps, et Sophia Lillis, qui incarne Beverly, la seule fille du groupe. Une adolescente lumineuse, qui va faire tourner pas mal de têtes dans les années à venir, et pas seulement pour son physique. Mention spéciale à Nicholas Hamilton, qui joue Henry Bowers, lequel reporte la violence de son père sur ses camarades plus jeunes. Malgré son physique de Mc Gyver adolescent, il mérite d'être revu.
Les effets spéciaux sont bien sûr présents, on est dans un film d'horreur avec un monstre, mais ils ont su rester relativement discrets ; on n'est pas non plus dans la course aux scènes-choc, comme je l'indiquais plus haut on respire pas mal, sauf dans la dernière demi-heure, où les Ratés sont directement en prise avec le danger. En cela, ce Ça se démarque heureusement des productions horrifiques actuelles, et respecte l'esprit de King. Et puis il y a ces clins d'œil -un peu appuyés parfois-, comme le nom de la bicyclette de Billy, les films qui passent au cinéma de Derry (relevant du fantastique ou du thriller). Bref, c'est soigné de bout en bout, ou presque. La réalisation de Muschietti est TRES efficace ; elle fait la part belle à ses jeunes acteurs, évite l'esbroufe en termes de mouvements de caméra, et se montre au diapason avec la musique, signée Benjamin Wallfisch. Les producteurs ont choisi de placer les aventures des enfants en 1989, et non pas en 1962, sans doute pour que l'action du second film demande moins en coûts de production car se déroulant en 2016... Une divergence qui ne me chagrine pas, l'ambiance des années 1980 étant bien rendue.
Les trucs qui ne m'ont pas plu ? Oui, il y en a eu, mais c'est plutôt du chipotage. On ne voit pas assez les Friches -et par extension la ville de Derry- à mon goût, alors qu'elles sont presque un personnage à part entière chez King. Certains bouts de dialogue m'ont semblé sonner faux, dans la bouche de gamins de 13 ans en particulier. Peter Skarsgard frôle le ridicule à une ou deux reprises, mais c'est plutôt dû à son personnage de clown, qui a donc une dimension... pathétique, à côté de ses grimaces et ses dents multiples. Certains personnages secondaires ne sont pas forcément bien interprétés, vous direz que ce n'est pas important, mais au contraire, tout a un sens chez King, même l'évènement le plus anodin. Je ne suis pas fan de l'affiche, mais là je chipote vraiment.
Quelques mots sur le marketing qui a entouré la sortie du film. Dans un certain nombre de grandes villes, des fausses plaques d'égoûts accompagnées de ballons rouges (l'un des signes de la présence de Pennywise) ont été collées sur les trottoirs. Un plan marketing qui a inspiré quelques mauvais plaisantins...
Si je devais vous donner une idée de la qualité et de l'ambiance qui règnent sur ce film, je convoquerais les Goonies, mais surtout le Stand by me, de Rob Reiner (tiens, c'est adapté de... Stephen King). Le film a eu un démarrage canon aux Etats-Unis. Il détient désormais le record pour une sortie en septembre, en automne, et pour un film d'horreur interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d'un parent, selon le site internet Box-office Mojo.
Et vous savez quoi ? En sortant du film, je lisais un Stephen King, qui a failli me faire rater ma station de métro...
Spooky