Ils sont sept. Sept survivants d'une terrible catastrophe, probablement nucléaire (on ne le saura peut-être pas, et finalement peu importe), qui se trouvaient dans la cave du château de Malevil lorsque c'est arrivé.
Le château de Malevil, dans les ruines duquel Emmanuel et ses amis venaient jouer étant enfants. Un château qu'il a pu acheter et restaurer pour mieux faire fructifier ses terres alentour. Un château dans les caves duquel il se trouvait donc avec ses amis d'enfance et sa gouvernante (et son fils mentalement retardé) lorsque l'onde de chameur insoutenable a littéralement rasé tout le pays, voire la Terre entière. Protégé par une falaise et un creux, Malevil a survécu avec ses occupants humains, et quelques bêtes, dont certaines sur le point de mettre bas (ce qui est bien pratique). La survie s'organise bientôt, entre labours et embouteillage (de vin). Un semblant d'ordre, où Emmanuel, plus ou moins élu chef, s'efforce de composer avec les caractères des uns et des autres. Jusqu'au jour où la découverte d'autres survivants amène Muette à Malevil, une jeune et jolie femme...
Robert Merle n'est pas un auteur de genre. Enfin disons qu'il a exercé dans plusieurs genres. Enseignant, il a reçu le prix Goncourt en 1949 avec Week-end à Zuydcooote, puis la gloire avec Fortune de France, qui narre les heurs et malheurs des rois de France. L'élément de genre, la destruction presque totale de la vie sur Terre suite à une guerre nucléaire, vite évacué, l'auteur s'attache à nous narrer le quotidien ordinaire -si tant est qu'il puisse l'être dans de telles circonstances- de personnages ordinaires. Nous sommes clairement dans l'étude de moeurs, dans un cadre post-apocalyptique combinant le huis-clos à une chronique rurale, provinciale (on insiste bien sur le fait que certains personnages s'expriment en patois). Le château de Malevil, devenu le refuge de ces derniers représentants de l'humanité, est traité presque comme un personnage à part entière. Son caractère d'inexpugnabilité lui confère une aura toute particulière. De plus Merle, visiblement très au fait des techniques de défense médiévales, insiste bien sur ce point.
Le récit est écrit à la première personne, sous forme de journal d'Emmanuel (sans repères temporels cependant) mais est parfois interrompu par son ami Thomas, qui apporte des précisions ou des corrections. Ce procédé ajoute une dimension d'authenticité au récit, déjà très prenant. Plusieurs éléments sociétaux sot présents en toile de fond : la démocratie, la religion, la morale -surtout sexuelle... Merle découpe son récit en longs chapitres, très denses, au cours desquels il se passe beaucoup de choses. La langue est assez claire, le français étant entrecoupé d'un peu de patois du sud-ouest et d'un chouia d'argot.
Quelques petites choses m'ont gêné. Le comportement de certains personnages, le narrateur en tête, qui m'a semblé décalé, inadéquat. Mais comment savoir comment nous réagirions dans cette situation ? Egalement, l'aisance avec laquelle la communauté surmonte toutes les difficultés, notamment techniques. Quelle chance d'avoir un ingénieur, un tireur émérite,et un chef charismatique dans ses rangs ! Et enfin, une conclusion qui n'en est pas une, et qui laissera de nombreux lecteurs sur leur faim.
En résumé, je dirais que Malevil est une curiosité dans le sous-genre post-apocalyptique. Comme souvent dans ce sous-genre, il permet de faire une étude de moeurs, mais ici c'est poussé plus loin, le cadre post-apocalyptique n'étant qu'un alibi. Ma lecture fut intéressante, enrichissante même, mais attention car elle sort des sentiers battus de la littérature de genre.
Un gros merci à Erwelyn pour m'avoir permis de lire ce pavé (plus de 600 pages tout de même).
Spooky