Depuis Gladiator, Ridley Scott est redevenu un réalisateur dans le coup. Pourtant en ce qui me concerne je n'ai pas été convaincu outre mesure par le peplum du créateur d'Alien et Blade Runner. La faute à une narration hachée et à un traitement confus des combats, entre autres.
Des combats, Kingdom of Heaven en compte beaucoup, puisqu'il raconte le voyage en Terre sainte d'un jeune seigneur français que son père emmène en croisade. Arrêtons-nous deux minutes sur le début dui film, que je trouve caractéristique des derniers films de Scott. Balian (Orlando Bloom, l'archer elfe du Seigneur des Anneaux), est un forgeron qui vit quelque part en France. Il a perdu le goût de vivre depuis que son enfant a été tué, et que sa femme s'est suicidée par désespoir. L'âme de celle-ci erre donc en enfer, et l'arrivée de son père, jusqu'alors inconnu, tombe à pic, puisqu'il lui propose de guerroyer avec lui vers Jerusalem. Combattre les Infidèles lui permettrait de racheter l'âme de sa femme, d'autant qu'en tuant l'agresseur de sa femme, un prêtre, son âme est damnée. Il part donc avec son père, qui, blessé, ne peut embarquer à Messine, en Italie, avec le reste des Croisés. Balian, adoubé par son père, fait naufrage quelque part en Méditerranée, et là, magie ! se réveille sur une plage pas loin de Jérusalem.
Ces circonstances préliminaires évacuées, Ridley scott peut enfin se concentrer sur le propos central, le parcours de Balian et sa rencontre avec Sybilla, la femme d'un noble français et la soeur du roi de Jérusalem. Lequel roi se meurt lentement de la lèpre, et qui voit d'un mauvais oeil la succession probable de son beau-frère, qui n'a de cesse de rompre la paix fragile conclue avec les Musulmans.
Au bout de quelques semaines la guerre éclate à nouveau, et l'immense armée de Saladin assiège la ville sainte. Les dissensions entre les généraux chrétiens apparaissent au grand jour.
Je reviens sur les défauts du film, parce que ça m'agace. Scott expédie de façon presque infantile la partie introductive, truffant celle-ci d'approximations narratives. On ne ressent que peu les circonstances pénibles du voyage. C'est bien pratique également de faire naufrage juste en face de la côte terminus... On savait que Scott ne s'embarrassait parfois pas de cohérence, ça se confirme. Passons sur le fait qu'un simple forgeron puisse devenir un bretteur émérite et un stratège capable d'organiser la défense d'une ville face à Saladin, qui n'était pas le premier venu... Et puis, tous ces gens qui traversent un continent, une mer, un désert, semblent tous sortir de la douche.
Second gros défaut, et non des moindres, l'acteur principal est une endive. Orlando Bloom n'a, à l'exception d'une séquence, que des scènes avec deux phrases maximum. Ca, pour remuer sa perruque aile-de-corbeau et lancer des oeillades, il y a du monde. Certes, le personnage est censé être renfermé, ténébreux, etc., mais pas de manquer d'expressivité. Une belle gueule d'elfe ne suffit pas. Il passe la première demie-heure du film avec son père, incarné par Liam Neeson, lequel a dix fois plus de présence à l'écran...
Bloom a une belle gueule, mais plus son arc, seulement une épée, qu'on le voit finalement peu manier.
Passons au positif à présent. Scott et ses scénaristes ont songé -et c'est tout à leur honneur- à rétablir quelques vérités historiques. Comme de montrer -de façon succincte mais nettement visible- la supériorité scientifique, culturelle et humaniste des Musulmans à cette époque ; comme de montrer que la Guerre sainte n'est dûe qu'à une suite de provocations (à cause de l'ennui, du goût du sang, par exemple) des Chrétiens. Suggérant par-là même que le conflit israëlo-palestinien repose sur pas grand-chose en définitive. A ce titre la meilleure scène du film est celle où l'on voit les deux ennemis parlementer, et où Balian dit qu'il pourrait raser Jérusalem si cela pouvait permettre de sauver ses habitants et ses défenseurs, et où Saladin lui rétorque que ce ne serait pas une si mauvaise idée... Ce genre de parti-pris n'a pas dû plaire à tous Outre-Atlantique...
Au final Kingdom of Heaven est plutôt un bon film, si l'on passe outre la première demie-heure un peu bâclée et son acteur principal, dont on se serait bien passé. La lecture proposée de l'une des croisades est intéressante, révélant le côté criminellement futile de celle-ci.
Spooky
EDIT : commentaires de Jean-Luc Sala et Tristan Pastier sur facebook : en lisant ta critique je me dis que tu n'as pas vu la version longue qui est excellente puisqu'elle amène tout un pan dramatique zappé dans la version ciné (le fils de Sybille, le mariage et le sacre)... il y a aussi des excellents bonus dans cette version sur les partis pris graphiques de Ridlet Scott... (et si tu voulais voir un film épique raté et mal écrit jette un coup d'oeil a son Robin Hood)...