“La Punition commence le 19 avril 2004” menaçait l’affiche américaine de cette nouvelle adaptation cinématographique de The Punisher, un comic book Marvel qui avait déjà fait l’objet d’un film en 1989, avec Dolph Lundgren dans la peau du justicier de New York. Pour Avi Arad, producteur de ce nouveau Punisher, la punition fut douloureuse : après un démarrage correct, les entrées du film s’effondrent, et il ne totalise finalement que 32 millions de dollars de recettes au box-office US, pour un budget de 33 millions. Et de notre côté de l’Atlantique, la sanction fut plus rude encore, puisque le film a quitté la majorité des écrans au bout d’une semaine d’exploitation à peine. Punition sévère, mais juste : disons-le tout de suite, The Punisher est un film raté. Sur le papier pourtant, il y avait quelques raisons d’espérer : le film prétendait s’inspirer de la dernière série en date des aventures du Punisher, celle du scénariste Garth Ennis, qui n’est pas le plus mauvais dans son genre ; pas de tête de veau célèbre comme Ben Affleck dans le rôle-titre ; quelques noms intéressants au casting, comme John Travolta dans le rôle du méchant, Roy Scheider (Les Dents de la Mer), la gracieuse Rebecca Romijn-Stamos (Femme Fatale, X-Men) ou encore Laura Harring, qui nous avait tant émus dans Mulholland Drive avec ses gros nich… euh, je veux dire, avec son immense talent d’actrice. Malheureusement, le nom du réalisateur faisait moins rêver. Il faut croire que les réalisateurs un peu branchés qu’on embauche habituellement pour tourner les adaptations de BD étaient tous occupés ailleurs. Donc, en lieu et place de Bryangleellermosam Del Toraimynger, c’est Jonathan Hensleigh qui s’y colle pour son premier passage derrière la caméra, après avoir signé bon nombre de scénarii “mémorables” pour les couillonnades dont Jerry Bruckheimer nous régale chaque été, des Ailes de l’Enfer à 60 secondes chrono en passant par Armageddon. Ah, oui, là, d’un coup, Laura Harring ou pas, ça donne moins envie de voir le film.
Mais résumons un peu. Frank Castle est un agent du F.B.I. sous couverture. Lors d’une de ses missions à Tampa, en Floride, le fils d’un riche homme d’affaires légèrement gangster sur les bords, Howard Saint, est abattu. Pour se venger, Saint décide alors de faire massacrer Castle et toute sa famille au grand complet. Mais en bons méchants de cinéma, les hommes de main de Saint, après avoir consciencieusement mitraillé femmes, enfants et vieillards, abandonnent le corps de Frank sans s’assurer qu’il est bel et bien mort. Évidemment, Frank n’est que blessé. Alors qu’il n’a vu aucun médecin pour soigner les 3 balles qu’il a pris dans le corps, et qu’il a passé des semaines à vivre comme Tom Hanks dans Seul au Monde, il revient en pleine forme et tout en muscles à Tampa, et décide de se venger à son tour, en éliminant Saint et tout son gang.
Ceux qui connaissent le comic book ont déjà dû constater, à la lecture du résumé, qu’on avait affaire là à une adaptation pour le moins “libre”. Il faut dire que si l’on vise le plus large public possible, le Punisher n’est pas le héros le mieux choisi, et il convient donc de l’aseptiser au maximum… mais du même coup, ça lui enlève évidemment toute personnalité, tout ce qui peut le différencier des héros classiques. Loin du psychopathe impitoyable, sadique et sanguinaire de la BD, qui semble de plus en plus tuer par plaisir plutôt que par un réel désir de combattre le crime, ce Frank Castle-là est un homme blessé, qui a vu mourir TOUTE sa famille, ne va faire justice lui-même qu’après avoir constaté que les autorités ont refusé de punir ce crime, ne tue ses adversaires qu’en état de légitime défense. Il fait moins de victimes en 2 heures de film que son homologue d’encre et de papier n’en fait en 2 planches de BD. Un vrai gentil de cinéma, quoi, garanti 100% générique ; rien à voir avec l’authentique Punisher. Tenez, pour tout vous dire, ça peut vous paraître un détail, mais le nom-même de “Punisher” n’est prononcé qu’une seule fois dans le film, à la toute fin, et le personnage ne porte son fameux t-shirt à tête de mort, emblème du Punisher, que 5 minutes en tout et pour tout. Le film renonce même à tout aspect fantastique ou S.-F., histoire de s’éloigner encore plus de la bande dessinée et de s’affadir un peu plus.
The Punisher devient donc une énième histoire de vengeance banale, un film d’action dépourvu de toute originalité. Le scénario faiblard ne nous épargne aucun des poncifs du genre, les dialogues sont crétins, les scènes d’action sont platement filmées, la bande-son sans intérêt nous inflige quelques mauvais titres de musique de jeunes qui fait du bruit (uniquement là pour justifier la sortie d’une compilation estampillée Music From and Inspired by the Motion Picture, dont 90% des morceaux ne figurent évidemment pas dans le film)… Thomas Jane, l’inconnu qui incarne Frank Castle, nous ferait presque regretter son prédécesseur Dolph Lundgren, dont l’air menaçant avait le mérite de donner un semblant de crédibilité au personnage malgré son jeu d’acteur limité. Thomas Jane n’est guère plus expressif que le colosse suédois, et affiche en permanence un air contrit de petit teckel qui s’est coincé les testicules dans une porte, qui ne le rend guère convaincant dans un rôle de vengeur ténébreux. Cela dit, signalons à celles d’entre vous qui craqueraient pour ses pectoraux, sa tablette de chocolat ou sa mine de chien battu qu’elles peuvent le retrouver dans Peur Bleue au vidéoclub le plus proche. Bref, un film ennuyeux et sans intérêt, qui n’intéressera pas plus les fans du Punisher que les amateurs de films d’action.