En 1999 est sorti un film-événement, Matrix, premier pari marketing de grande ampleur des frères Wachowski (Bound) en tant que réalisateurs et du producteur Joel Silver.
Effets spéciaux révolutionnaires et symbolique judéo-chrétienne furent les points "forts“ de ce premier film. Succès planétaire aidant, la machine à sous s'est remise en marche, pour aboutir à une offensive multimedia jamais vue en cette année 2003 : 2 longs métrages, 9 courts d'animation, un comic-book et un jeu video, l'ensemble formant un tout narratif qu'il vaut mieux se payer pour saisir l'ensemble de l'intrigue.
Une fois n'est pas coutume, je vais prendre appui sur l'article de Bertrand Rougier, dans Mad Movies n°153 pour vous livrer le fond de ma pensée. Dans cet article pétri de n'importe quoi et surtout bâti sur du vent, on nous dit que Matrix Reloaded s'ouvre quelques heures seulement après la fin du premier opus, et que notre trinité sado-maso (Neo, Morpheus et Trinity) découvre Zion, la légendaire ville libre que recherchent tous les résistants au joug de la Matrice. Le film nous montre ce triangle pas amoureux au moins quelques mois plus tard, Morpheus a déjà en partie renouvelé l'équipage du Nebuchadnezzar, et revient à Zion où Neo semble déjà avoir ses quartiers. Face à la menace de l'ensemble des Sentinelles (l'un des plans les plus intéressants du premier Matrix), il décide d'exhorter ses camarades à une défense héroïque, tel un roi aimé de (presque) tous. Alors, pour se donner du courage, les résistants s'adonnent à une gigantesque rave-party, avec en contrepoint une scène d'amour entre Trinity et Neo.
Trinity emmène donc le Maître des Clés (elle peut donc aller et venir à sa guise dans la Matrice, contrairement à ce que dit le sieur Rougier), poursuivie par des jumeaux maléfiques. On a alors au morceau de bravoure du film : une poursuite en deux-roues ponctuée de combats au katana sur un tronçon d'autoroute construit à cette occasion (au passage, vous constaterez que la longueur dudit tronçon varie de 1 à 3 kilomètres selon les magazines et la personne interviewée…). Neo finira par entrer au cœur de la Matrice, et sera confronté à un choix cornélien. Mais il trouvera sur sa route l'agent Smith (Hugo Weaving), devenu une sorte de virus capable de se multiplier de manière exponentielle.
Je n'en dirai pas plus, ce ne serait pas rendre service à tous les artisans de la franchise… En ce qui concerne les acteurs, il n'y a pas grand-chose à dire, tant ils sont monolithiques, blasés… Rien ne semble les toucher, même si Keanu Reeves (Neo) garde une tête d'ado halluciné quand il enlève ses lunettes… Parlons maintenant des effets spéciaux ; ce sont essentiellement les mêmes que ceux du premier film, simplement étendus en dimensions, en vitesse, en… longueur de temps. Neo a sept combats dans le film, mais qu'est-ce qu'ils sont longs ! Sur ce plan, celui des trucages, la séquence de l'autoroute est vraiment réussie ; pour le reste, tout est contenu dans la bande-annonce. Pas de quoi se taper le cul par terre, alors qu'on nous annonçait des effets impossibles à reproduire pendant 20 ans ! La séquence où Neo se bat contre 96 agents Smith est décoiffante, mais je ne vois pas trop en quoi elle diffère de scènes réalisées à Hong-Kong… Au niveau de la musique, rien de particulier à signaler, même si la production a invité les groupes techno-pop du moment…
Intéressons-nous à présent à la symbolique, l'un des thèmes principaux de la franchise. Les Wachowski ont encore truffé leur long métrage de références. Neo est clairement une figure christique, appelé à une haute destinée mais tiraillé par ses sentiments humains. Comme la Matrice n'a pas de prise sur lui, il passe son temps libre à voler tel Superman, parce que vous comprenez, il est trop fort Neo, avec ses lunettes noires et sa robe de prêtre. Bon ben un jour il va se planter dans un building, et ça fera pas du bien aux gens dessous. On peut d'ailleurs se poser la question du niveau d'identification du public (et notamment les personnes malléables) à ce type de personnage que rien ne peut atteindre, quand on sait que les collégiens responsables du massacre de Columbine (merci Michael Moore) étaient habillés comme Neo dans le premier film "parce qu'il était cool"… digression terminée.
Sur le plan du scénario, on ne peut qu'être déçu par la demi-intrigue, étalée également sur Matrix Revolutions, qui sortira en novembre prochain. Celui-ci ressemble étrangement à celui d'un jeu video : le héros est en quête d'un Graal, il doit abattre des méchants à chaque niveau, casser la tête à des "boss"… Malgré ce côté bâclé, les Wachowski sont assez malins pour disséminer ça et là des personnages, des éléments, des personnages et des sous-intrigues (comme l'histoire entre Niobe et Morpheus) qui trouveront place, résonance ou explication dans le second film, les courts métrages ou le jeu… Et contrairement à ce qu'affirme le sieur Rougier (qui, j'en suis persuadé, n'a pas vu le film au moment de rédiger son article), le fait de placer la bande-annonce du 3ème opus à la fin du générique de fin du second n'est pas un geste d'amitié envers les fans, mais bien une nouvelle déclinaison de sa stratégie de marketing globale… Malin.
En relisant ma critique, je m'aperçois de deux choses : c'est l'une des plus longues que j'aie jamais écrites, ce qui prouve que j'avais des choses à dire sur l'un des films les plus attendus de cette année fantastique, pas comme le sieur Rougier (okay, j'arrête). Cette longueur sert également d'aune pour mesurer l'ampleur de ma déception à sa vison. L'autre fait saillant, c'est que cet avis est fait de bric et de broc, un rien brouillon… Plusieurs explications sont possibles :
- soit je n'ai rien compris au film (hypothèse fort probable), qui est alors un chef-d'œuvre absolu…
- soit Bertrand Rougier est un génie de la critique ciné et je ne sais plus lire
- soit le film est réellement du foutage de gueule à 150 millions de billets verts
- soit il y a un bug dans la matrice et je suis un virus qu'il faut éradiquer au plus vite.