From Hell raconte l’histoire de Jack l’éventreur. Ou plutôt une histoire, une version possible. Celle d’Alan Moore, qui n’a pas ménagé sa peine pour rassembler une documentation impressionnante et construire un scénario à la fois crédible et à la frontière du fantastique.
From Hell c’est un énorme pavé de 576 pages, lourd comme tout et vraiment pas engageant. Lorsqu’on le feuillette comme ça, le dessin apparaît vraiment repoussant, tout à l’encre de Chine qu’il est (que du noir et blanc, même pas de gris, tsss !), tout hachuré, et certainement pas “beau” au sens classique du terme. En plus ça commence par un gros plan sur une mouette crevée, ça ne donne pas forcément envie d’aller plus loin.
Et pourtant...
Et pourtant quand on commence à le lire, au bout de la première page on est intrigué. Par le dialogue, un peu étrange et décalé ; par la mise en scène, qui malgré le dessin semble très bien faite... Et puis au bout de l’introduction (8 pages), sans s’en rendre compte on a été absorbé dans cet univers. Comme ça, sans même s’en être aperçu. Les trois premiers chapitres m’ont posé problème... J’ai en effet bêtement loupé les indications de dates dans la première case, et c’est seulement en cours de route que j’ai réalisé que les scènes ne se suivaient pas chronologiquement. On ne comprend pas trop le lien des deux premiers chapitres avec l’affaire de Jack l’éventreur, mais le lien se fera plus tard... En attendant on est intrigué, complètement attentif et... littéralement immergé dans l’histoire. Le chapitre quatre en particulier m’a paru absolument renversant. Invraisemblable qu’un auteur ait osé faire ça : quarante pages d’un quasi monologue sur l’architecture, l’origine et le mystère des Francs-Maçons ! Des considérations complètement ésotériques et absconses, de quoi faire décrocher n’importe qui en deux pages ! Et pourtant... pourtant on reste scotché là, devant ce récit témoignant d’un esprit complètement étranger, tordu, aux limites même de la folie. Qu’Alan Moore ait pu faire cela m’inspire un respect presque sans bornes. O_o
Bon, sinon il faut bien reconnaître que le travail qu’il y a derrière From Hell est impressionnant. On peut en avoir un aperçu à la fin du livre, dans l’appendice II, qui raconte en image l’histoire des différents travaux existant sur le sujet, où Moore analyse les querelles. C’est réellement intéressant, et de plus mis en images de façon véritablement intelligente. L’appendice I quant à lui, est composé de 42 pages d’explications sur les différentes pages/scènes/cases du livre... J’avoue les avoir juste survolé, mais là aussi c’est réellement intéressant. Moore explique ce qui est “vrai”, ce qu’il a inventé, adapté ou arrangé. Vraiment bien. Si From Hell était un dvd, je dirais que ce bonus est d’une qualité rarement atteinte. L’album raconte une histoire, une version possible.
Un chef d’œuvre, tout simplement. Un véritable monument. Et c’est peu de le dire. Seuls points noirs : l’album est peu maniable, et comme les dessins et les textes sont très petits, on est obligé de lire de près, ce qui est parfois problématique. Et je n’ai pas encore compris ce que venait faire là John Merrick (Elephant Man). Pour ceux qui aiment les V.O., le livre est disponible sur amazon, presque à moitié prix par rapport à l’édition française.