"Aller voir Super 8 ? mais je n'ai pas vu les 7 premiers, je ne vais rien comprendre", ai-je pu lire sur un forum consacré au cinéma il y a quelques jours... Si je puis me permettre, la personne faisait fausse route, car pour tout comprendre, il suffisait d'avoir vu (entre autres) Les Goonies, E.T., Stand By Me, Rencontres du 3ème type, La Guerre des Mondes... Tous ces films, à l'exception de Stand By Me, ont comme point commun d'avoir eté produits ou réalisés par Steven Spielberg. JJ Abrams, créateur de Lost, Cloverfield et appelé à la rescousse des franchises Star Trek et Mission Impossible, a bien lu son Petit Stevie Illustré, d'autant plus que le père d'Indiana Jones, en tant que producteur exécutif, a dû être très attentif quant à l'écriture du script. L'idée de départ était de faire un film-hommage au Super 8, le format préféré des cinéastes en herbe, un format avec lequel ils ont tous les deux débuté et qui existe toujours à ma connaissance (je crois même qu'il existe un festival consacré à ce format). Il faut savoir d'ailleurs qu'Abrams et son complice Matt Reeves (le réalisateur de Cloverfield) ont rénové et remonté -à sa demande- les premiers films de Spielberg. Ils avaient 15 ans.
Un groupe d'adolescents est en train de réaliser un petit film amateur lorsqu'ils assistent, en pleine nuit, au déraillement d'un train, provoqué par une camionnette sur les rails. Pas de blessés parmi eux, mais une chose s'échappe de l'un des wagons renversés, qui appartient à l'Armée de l'Air... Bientôt d'étranges disparitions et phénomènes surviennent dans la petite ville de Lillian, dans l'Ohio. Voilà le point de départ du film, très simple, mais sur lequel Abrams va tenir près de deux heures.
J'ai beaucoup aimé le casting ; le film repose en grande partie sur les épaules d'un groupe d'adolescents, au premier rang desquels Joel Courtney et Elle Fanning, respectivement le maquilleur et l'atrice principale de The Case, le film réalisé par leur copain Charles Kaznyk. Joel Courtney est un pur débutant, tandis qu'Elle Fanning, aperçue notamment dans Benjamin Button, est la petite soeur de Dakota du-même-nom, qui joue la fille de Tom Cruise dans la Guerre des Mondes ; des deux, c'est la benjamine qui est la plus douée, elle démontre un énorme potentiel dans Super 8. Lors d'une scène de tournage, les gamins sont scotchés... et les spectateurs, dont votre serviteur aussi... Riley Griffiths, le réalisateur en herbe, a suivi JJ Abrams tout le long du tournage pour s'imprégner des gestes et des attitudes d'un "vrai" metteur en scène. Kyle Chandler, qui joue le père du jeune héros, est un habitué des séries (même s'il était présent dans King Kong et le Jour où la Terre s'arrêta) ; je l'ai découvert dans la série Demain à la Une, qui proposait un petit côté fantastique. Son physique quelconque est contrebalancé par un talent assez évident, quoique pas forcément très visible.
L'ambiance qui règne sur Super 8 est bien typique des années 70, jusque dans les objets utilisés (comme les films Kodak) qui en viennent directement. Dans la façon de filmer également, puisque seules des saynètes figurant les disparitions viennent mettre du rythme au milieu de sènes un peu longues. Le dernier tiers est évidemment plus mouvementé, avec la confrontation directe avec la créature venue des étoiles et aspirant à y retourner. L'action débute véritablement par une scène d'accident ferroviaire : les wagons giclent dans tous les sens, ça dépote un max, pas forcément de façon cohérente, mais peu importe, la scène est très réussie (à l'instar de celle du crash aérien qui ouvre la série Lost, tiens...). Une scène de dévastation d'une station-service est aussi remarquable. L'équipe des effets spéciaux, sous l'égide de Dennis Muren, collaborateur habituel de Spielberg, a fait du bon boulot.
Il y a plusieurs strates dans le film. Au premier plan, les ravages causés par l'alien, les (ex)actions des militaires pour le retrouver, mais aussi la passion des adolescents pour le cinéma, leur amitié et l'idylle naissante entre deux d'entre eux (qui fait l'objet de deux jolies petites scènes) ; mais aussi les soucis des enfants, enfin de ces deux-là, avec leurs pères, liés et opposés par une tragédie survenue quatre mois plus tôt. Cela rajoute un plus au simple film de SF d'action, et permet à l'ensemble du casting de réellement travailler (on n'est pas dans Transformers, pour faire court). L'ensemble est assez cohérent, bien ficelé et permet de ne pas perdre le fil. Il y a quand même deux-trois trucs "hénaurmes" qui m'ont un peu fait tiquer. Le conducteur de la camionnette qui provoque l'accident de train en sort vivant (mais probablement pas loin de la paraplégie) après un choc frontal. Pourtant à l'époque l'utilisation des ceintures de sécurité n'était pas vraiment la généralité, sans parler des airbags... Certaines scènes sont d'un grand angélisme, à la limite du cucul la praline. Je ne sais pas si c'est révélateur d'un Spielberg qui devient plus consensuel, plus mou du genou dans ses histoires, mais franhcement cela n'avait pas forcément lieu d'être, surtout dans un film faisant de nombreuses références à ses devanciers des années 70-80, époque où l'on se souciait moins du politiquement correct et du palpitant des familles. Heureusement que l'un des ados vomit dans une voiture pour rattraper tout ça, enfin, pour faire passer la pilule, enfin vous me suivez...
Alors, Spielberg est-il ramolli ? Espérons que sa production de l’adaptation de l’excellent Dôme de King (l’un de ses 36 projets en cours), en mini série télévisée, prouvera qu’il en a encore sous le capot…
Le film doit aussi beaucoup à Stand by Me, notamment dans l'ambiance et l'interaction entre les enfants. Abrams se reconnaît de l’influence de Stephen King (dont une nouvelle, Le Corps, a inspiré le film), un « spécialiste » de l’enfance, qui a la faculté de raconter une situation banale et la faire brusquement virer de bord pour aller vers tout autre chose. Rob Reiner, le réalisateur de Stand by Me, a d’ailleurs conseillé à JJ Abrams de prendre son temps dans le script de Super 8.
Le film que tournent les enfants dans Super 8 est entièrement le fait des jeunes acteurs : scénario, prises de vue, montage. On le voit d'ailleurs en entier pendant le générique de fin. Ce n'est pas du Speilberg mais c'est rigolo, surtout pour le côté amateur. Je trouve cette mise en abyme vraiment bien vue, car cela a dû renforcer la cohésion entre les acteurs, et cela peut donner envie aux jeunes générations de spectateurs de passer, à leur tour, à l'exercice de la réalisation amateur.
Au final j'ai trouvé que Super 8 était un bon film, mais pas une oeuvre inoubliable ; eu égard à ce qu'on pouvait en attendre. Un scénario trop sage, quelques incohérences... Je pensais "repeindre" mon blog aux couleurs du film, mais il faudra un autre coup de coeur...
Pour le plaisir je vous mets une affiche américaine qui m'a fait penser à celles des différents Star Wars...
Spooky.
EDIT : Pour une lecture plus large et une analyse plus fouillée, je vous recommande le billet de l'ami Dobbs.