Dan Simmons est peut-être l’un des auteurs les plus importants de la littérature fantastique de ces vingt dernières années. Avant de secouer la SF avec son Hypérion, qui est très vite devenu un incontournable du genre, il ne s’était fait connaître que par des romans de terreur de qualité assez honnête. Avec Les Fils des ténèbres, il s’attaque au roman vampirique, et quand il s’essaye à un nouveau genre, ce n’est pas pour rien, et pas n’importe comment.
Car il aborde ce sous-genre via l’angle scientifique. Oui, c’est possible.
Jeune et brillante hématologue américaine, Kate Neuman débarque à Bucarest afin de se consacrer aux orphelins atteints du SIDA. Là, elle découvre l’étrange cas de Joshua, un bébé qui, à chaque transfusion, développe pendant un court laps de temps une formidable résistance à la maladie… Kate ne se doute pas encore que Joshua l’amènera à s’aventurer dans les mystères d’un pays encore marqué par les légendes de vampires et le souvenir du terrible Vlad Tepes, dont la férocité sanguinaire n’eut d’égale que celle du dictateur Ceaucescu, fusillé peu de temps plus tôt.
Nous sommes donc en Roumanie, au tout début des années 1990, une Roumanie encore sous la peur de la Securitate, qui n’a pas disparu avec le régime précédent, un pays où les conditions d’hygiène sont hallucinantes et où les infrastructures feraient pâle figure à côté des pays les plus pauvres du monde. Kate, touchée par la situation dramatique de Joshua, atteint de plusieurs formes de maladies immuno-déficientes, décide de l’adopter et de le ramener à Boulder, au Colorado, avec l’aide d’un jeune étudiant en médecine et d’un prêtre américian pour le moins étrange. Rentrée chez elle, elle met son équipe de spécialistes au chevet de son fils, afin de découvrir quel est cet étrange processus qui permet à son fils de recouvrer temporairement totalement la santé. Ce qu’elle découvre bientôt est effrayant : c’est bel et bien la transfusion sanguine qui permet cette métamorphose. Les implications d’une telle décvouverte sont incalculables : en effet le sida et certaines formes de cancer pourraient être traités. Mais ce dont Kate était à cent lieues de se douter, c’est que Joshua compte aussi énormément pour certaines personnes restées en Roumanie…
D’emblée Simmons fait valoir ses belles qualités d’écriture. Son style efficace permet de suivre sans heurts l’avancée du récit, même quand celui-ci se ralentit au moment des explications scientifiques. Si on y est allergique, on peut sauter ces passages sans dommages pour la compréhension du récit. A plusieurs reprises l’action devient échevelée, surtout lors de l’enlèvement de Joshua, mais aussi lors de l’équipée –en side-car !- de Kate et ses amis en Roumanie… Là encore ça fonctionne bien, et seule une séquence, que je qualifierais de jamesbondienne, gâche un peu le final.
Le roman contient plusieurs originalités ; d'abord cette attache scientifique qui permet de donner une touche moderne au genre vampirique, bien avant que certains accolent des lycéennes aux suceurs de sang. L'autre originalité est la double narration, qui nous met dans l'esprit de Kate, mais aussi d'un personnage... disons hitoriquement très important pour la Roumanie et pour le genre vampirique... La psychologie des personnages est ainsi très bien rendue, ce qui rend ce récit réellement très agréable à lire. De plus, la vision de la Roumanie de l'immédiat après-Ceaucescu, si elle n'est pas toujours tendre, évite tout de même le cliché du misérabilisme. Une lecture à recommander, même et surtout si les saigneurs de la nuit ne sont pas votre tasse de thé.
Spooky.