Le Dôme : personne n'y entre, personne n'en sort.
Si vous avez lu mon billet sur le tome 1, vous savez que le Dôme enserre toujours Chester's Mill, petite ville du Maine, la coupant irrémédiablement du reste du monde. Permettant à un dictateur d'opérette de faire régner la terreur dans la ville. Obligeant les habitants à jouer la seconde partie d'une tragédie en deux actes. Les morts s'accumulent, les émeutes couvent, et ceux qui pourraient mettre fin à cette mascarade -ou du moins ramener un semblant de calme- se retrouvent soit à l'ombre, soit six pieds sous terre, quand ils ont la chance d'être enterrés.
Le Dôme du titre, dont King ne parle presque plus directement pendant une bonne partie du roman, préférant se concentrer sur les conséquences de sa présence sur les résidents de Chester's Mill. Son action lente mais insidieuse, sur chacun d'entre eux. L'air, privé de vent et de pluie, devient de plus en plus malsain, en plus d'une chaleur croissante (alors que l'on est en plein automne). Certains, désespérés, décident de mettre fin à leurs jours ; d'autres sont pris d'une folie meurtrière ; d'autres encore abusent de leur position de pouvoir -instituée par le tyran à deux euros- pour commettre les pires exactions. De nombreux évènements émaillent la nouvelle vie de Chester's Mill. Des discours pompeux, des retrouvailles organisées par les autorités -les vraies- de part et d'autre du Dôme, sous l'oeil compatissant du monde entier via la télévision.
Je l'ai dit, c'est une véritable étude entomologiste que nous propose King. Chester's Mill dépasse le millier d'habitants, et même si une demie-douzaine d'entre eux représentent un véritable enjeu dans le récit, ils sont tout de même plus de 60 à interagir de façon plus ou moins importante. Pour qu'on puisse tous les suivre, l'auteur découpe son récit en chapitres courts -parfois moins d'une page, le plus souvent moins de 10- en essayant de faire avancer leurs arcs narratifs respectifs de façon presque parallèle, le plus souvent. Il y a pourtant un manque, voulu. Celui, celle ou ceux qui a/ont installé le Dôme est/sont le(s) seul(s) personnage(s) dont on ne sache rien pendant toute la durée du récit. Ou pas. Le lecteur lambda n'est cependant pas trop perdu parmi cette foule de personnages, l'auteur rappelant régulièrement, pour les personnages secondaires du moins, quelle est leur fonction ou leur statut.
Une note négative cependant, un petit carton jaune pour l'éditeur français, Albin Michel. D'abord le sous-titre présent sur les deux couvertures... Ces "Roman 1" et "Roman 2" qui ne signifient pas grand-chose, puisqu'il s'agit des deux tomes d'un seul et même roman, et que le second n'est pas compréhensible sans le premier et vice-versa. Dans le même genre, la tomaison n'apparaît pas sur la tranche des deux gros bouquins, ce qui est un peu gênant quand on les range de façon classique. Le second point un peu négatif concerne la traduction. Sans retirer à William Olivier Desmond la qualité de son travail, et ce, depuis de longues années, il me semble qu'il y a eu un peu de précipitation. Quelques fautes de frappe, d'orthographe -ce qui n'arrive JAMAIS dans une traduction de King- mais aussi des petits passages dont la compréhension est obscure. Cela n'impacte absolument pas la lecture ni la bonne compréhension de l'ensemble, mais m'a fait tiquer, ainsi que d'autres lecteurs. Des errements mineurs inhabituels, qui auraient pu être évités avec une relecture supplémentaire je pense ; si la parution des deux bouquins (1 200 pages, je vous le rappelle) avait été décalée d'un mois, je pense que cela n'aurait pas posé de problème envers le lectorat potentiel.
Dôme est donc une lecture intense, avec beaucoup de morceaux de bravoure, qu'ils concernent une foule immense, un jeune garçon au bord de la mort ou deux junkies croyant se faire les messagers de Jésus. King manie à merveille l'exercice dramatique, et les pages que j'ai tournées sont riches en émotion. La fin est bien sûr importante, et elle laissera sans doute beaucoup de lecteurs frustrés, mais je ne dirai pas pourquoi, sinon je vous dévoilerais tout, alors que le but de mon double billet est justement de vous inciter à lire ce pavé. Deux fois 22 euros, c'est une grosse dépense, mais le plaisir de lecture est bel et bien là. Le King est bel et bien de retour.
Spooky.