Accompagnée par une tournée "européenne" de son auteur (je vous en parle là et là), la sortie de ce 37ème (si mes comptes sont bons) roman de Stephen King était très attendue. A plusieurs titres, le moindre n'étant pas qu'il s'agit là d'une suite à Shining.
Car oui [SPOILER], si l'hôtel Overlook explose à la fin du roman (adapté par Kubrick), tuant Jack Torrance, il n'en est pas de même pour sa femme et son fils, Wendy et Danny. [/SPOILER] Et King avoue, dans sa postface, que le personnage de ce dernier n'avait peut-être pas livré tous ses secrets, et que régulièrement, parfois à des moments impromptus, il en venait à se demander quel âge pouvait avoir Danny, ce qu'il devenait, etc.
Et puis un jour il s'y est mis. Danny Torrance, après pas mal d'années d'errance au cours desquelles il a touché le fond à cause de l'alcool, comme son père, a fini par poser son sac à Frazier, dans le New Hampshire. Parce que son intuition lui disait que c'était là. Assez vite, désireux de s'insérer, il s'inscrivit au cercle local des Alcooliques Anonymes, trouva un boulot stable : aide-soignant dans une maison de repos pour personnes âgées, où son étrange pouvoir mental lui valut une place toute particulière et un surnom. Car lorsqu'un résident de la Maison Rivington était sur le point de passer, le chat qui rôde (qui s'appelle Azrael, comme dans les Schtroumpfs) dans l'établissement vient lui rendre visite, puis c'est au tour de Danny, qui vient tenir la main et accompagner le mourant dans son dernier sommeil. "Docteur Sleep", son nouveau surnom, était né.
Parallèlement une petite fille, prénommée Abra, domiciliée à quelques kilomètres, fait preuve dès sa plus tendre enfance de pouvoirs étranges : capable de pénétrer l'esprit de quelqu'un à distance, elle peut aussi faire danser tout un arsenal de petites cuillères au plafond ou projeter une forme astrale d'elle-même. Et accessoirement elle prend contact avec Danny, car à l'asdolescence elle découvre par hasard le tragique destin d'un petit garçon porté disparu...
Ce nouveau King est étrange, comme souvent. Pourtant il nous fait revenir sur des terres qu'il a arpentées plusieurs fois par le passé, celui du psychisme (on pourrait même dire le super-psychisme) des enfants ou des adolescents. Je dis bien des. Car malgré ses 40 ans, Danny, qui se fait désormais appeler Dan, est quelque part, encore, ce petit garçon de 5 ans que son père rendu fou par l'ivresse et l'angoisse de la page blanche pourchasse dans les couloirs d'un hôtel peuplé de fantômes... Ces fantômes qui le hantent toujours, et vont jouer un rôle crucial dans sa destinée, et celle d'Abra.
Docteur Sleep est aussi un roman vampirique. Il parle de vampires psychiques, des créatures très particulières qui inhalent l'âme de leurs victimes au moment où elles expirent. Dan, lui, voit cette âme s'échapper puis s'étioler, délivrées par sa présence auprès des défunts.
Disons-le tout net, ce Docteur Sleep n'est pas le meilleur bouquin de King. La densité et les sujets de 22/11/63 et Dôme (pour ne citer que des titres récents) les mettent dans le peloton de tête. Ce roman est, disons, dans le peloton grouillant et foisonnant que forme une bonne vingtaine de titres. Procédé surprenant, l'arc narratif qui donne son nom au bouquin sert presque de prétexte ; à la limite, sans lui, l'histoire se tiendrait. Et c'est dommage, car cela aurait aussi pu faire le sujet d'un bouquin à part. Peut-être une piste pour une autre suite, d'autant plus qu'Abra et Dan n'en ont peut-être pas fini avec leurs histoires respectives...
Spooky