Robin Hobb est connue, mondialement, pour des sagas d'heroic fantasy dont la plus célèbre est l'Assassin royal. Mais il lui arrive de faire des infidélités à son genre fétiche, en utilisant le pseudo de Megan Lindholm. Mais comme les éditeurs mettent les deux noms sur la couverture, ça ne sert pas à grand-chose.
Alien Earth raconte l'épopée de deux humains, John et Connie, qui voyagent à bord d'une créature-vaisseau, Evangeline. Alors qu'ils arrivent au bout de leur contrat de transport de matériaux miniers, la compagnie Terra Affirma leur propose une mission à haut risque, en même temps qu’une opportunité incroyable : retourner sur la Terre, que les Humains ont évacuée des millénaires auparavant, pour tenter d’y retrouver une capsule-temps, et déterminer si les conditions atmosphériques permettraient d’y implanter la vie. C’est lorsque la planète était au bord de la mort biologique, étouffée par sa propre pollution, que des extraterrestres, les Arthroplanes, avaient orchestré ladite évacuation. Depuis les hommes étaient devenus des créatures plus modestes, vivant dans des atmosphères artificielles, prenant garde à ne pas briser l’harmonie biologique et écologique sur les lointains systèmes de Castor et Pollux, ou vivant dans les replis de la chair des Aniles, ces immenses animaux cosmiques contrôlés comme un troupeau de bovins par les Arthroplanes.
Bien sûr, le voyage vers la Terre des origines va bouleverser à jamais la vie des deux humains, mais aussi remettre en question la condition des anilvaisseaux.
Robin Hobb est plus à l’aise dans le fantasy, cela se sent assez vite. Car Evangéline n’est pas décrite une seule fois, même lorsque les Humains la voient de l’extérieur. L’auteure reste délibérément dans le flou, se contentant de suggérer certaines parties de son corps, souvent parce qu’elles ont une utilité réelle. Même chose pour Tug, l’Arthroplane qui vit comme un parasite dans l’Anile. Mais cela importe peu, au final, car Megan Lindholm a suffisamment de talent pour éviter cet écueil et nous conter son histoire, enfin pour la mener là où elle le souhaite. Faire un roman initiatique, une sorte d’éveil à la conscience de trois, non quatre personnages –mais pas forcément ceux que je vous ai cités- au contact ou à l’approche d’un monde redevenu virginal. L’auteure essaie de nous montrer la beauté, la poésie de la nature, telle qu’elle serait si nous ne tuions pas notre monde à petit feu. Elle y parvient –partiellement. La partie se déroulant sur Terre –car oui, ils y parviennent, bien sûr, après des dizaines d’années de voyage rendues possibles car les deux humains en ont passé la plus grande partie en transommeil- manque donc d’épaisseur, d’ampleur dans les évocations, dans la contemplation. C’est là que réside le principal défaut de ce roman.
Car dans l’ensemble, Lindholm s’en sort bien, c’est bien écrit, et cette qualité d’écriture fait passer la pilule du huis clos (sur 80% du roman on a juste les dialogues entre les deux humains entre eux ou avec Tug, ou les interactions de celui-ci avec l’Anile) sans trop de dommages. D’ailleurs cet aspect huis clos emmène les personnages sur les chemins de l’introspection, et ça marche plutôt bien, mis à part un ou deux passages un peu étranges. De même, pour l’avant-dernière séquence, on évite de peu le ridicule, le dérapage incontrôlé, pour finir sur une note poétique, finalement bien vue.
Au final Alien Earth est un roman de space fantasy plutôt agréable à lire, un huis clos spatial tout en délicatesse et quasiment juste. Amateurs de hard SF et de batailles cosmiques, passez votre chemin !
Spooky.