Tout commence fin décembre 2003, je suis assis dans la salle de cinéma, attendant de voir enfin le Retour du Roi quand les bandes annonces se mettent à défiler. Rien de bien folichon… Master and Commander mouais bof sans moi… Paycheck euh non sans façon… et là… Peter Parker et Mary-Jane Watson apparaissent, attablés dans un café, elle lui demande de l'embrasser, il s'approche, il va le faire et tout à coup le temps semble s'arrêter, le sens d'araignée de Peter lui permet tout juste d'anticiper le danger qui arrive par derrière. Il plonge sur MJ et la sauve in extremis de la voiture qui vient de traverser la vitrine du restaurant, projetée par les tentacules surpuissantes d'un Docteur Octopus plus qu'impressionnant !
C'était le premier teaser du second volet de Spider-Man. Le début d'une longue attente aussi. Et me voici le 14 juillet, jour de sortie de Spider-Man 2, assis dans la même salle qu'en décembre, prêt à voir les nouvelles aventures cinématographiques de mon arachnée favorite.
J'avais adoré le premier film, voir évoluer sur un grand écran le héros qui avait bercé ma jeunesse et mes lectures strangesques m'avait procuré des sensations très fortes. J'étais redevenu un gamin pendant deux heures, et ça m'avait fait un bien fou. Le problème c'est que les suites des films à succès sont souvent l'objet de beaucoup d'attentes et de pas mal de déception à l'arrivée. Et bien cette inquiétude a été balayée très vite, dès les premières images du film. Spider-Man 2 est un film riche, jouant sur plusieurs niveaux, et chose rare dans les adaptations super-héroïques, conserve parfaitement l'esprit du comic d'origine.
Le FOND
Peter Parker a grandi, il a appris à mieux gérer sa condition de héros, ce n'est plus le jeune homme du premier film qui découvrait ses pouvoirs en même temps que le spectateur. Il a quitté le lycée pour devenir étudiant en sciences, et tente tant bien que mal de concilier ses études, ses petits boulots pour gagner de quoi vivre, et sa double identité de super-héros… Comme d'habitude pour Peter rien n'est simple, et sa vie privée ne fait pas bon ménage avec son costume d'homme-araignée. C'est tout l'enjeu du film : la position que va adopter Peter, les choix difficiles qui l'attendent, et son pire ennemi, celui que son sixième sens n'avait pas détecté, le doute.
En ce sens, Spider-Man 2 est surtout et avant tout l'histoire de Peter Parker. Certains apprécieront cette façon d'aborder le film, pour la profondeur que cela apporte au personnage-titre et tout l'aspect émotionnel qui renforce l'attachement et l'identification à Spidey. D'autres se sentiront peut-être trompés sur la marchandise, car ce ne sont pas les scènes d'actions qui prennent le pouvoir dans ce film, mais bel et bien les motivations des personnages, les liens et les relations qui les unissent. Ça ne veut pas dire que le film manque de scènes d'action, ou que celles-ci soient mauvaises, bien au contraire. Simplement elles ne sont pas l'intérêt principal de Spider-Man 2.
Comme pour souligner que l'on assiste à une histoire humaine avant d'être sur-humaine, Spider-Man ôte souvent son masque au cours du métrage. Au premier abord d'ailleurs, cela m'a assez étonné, habitué que je suis à lire ses aventures où l'un des principaux risques qu'il court est justement de se faire démasquer. Mais quand il tombe le masque dans le film de Sam Raimi, c'est toujours pour une bonne raison. Raison pratique : son masque est endommagé ou à moitié brûlé, il le gêne plus qu'autre chose. Raison plus émotionnelle : lorsqu'il se démasque devant Harry, faisant d'un coup avancer la relation amitié/haine entre les deux jeunes hommes, et créant comme un électro-choc chez Harry, ce qui loin de le remettre d'aplomb, semble le plonger un peu plus loin dans la folie vengeresse. Mais de façon plus générale, toutes les scènes où Peter apparaît costumé mais sans masque révèlent un point important : Peter Parker et Spider-Man sont une seule et même personne. Cela paraît bête à dire comme ça, et pourtant … ce n'est pas si anodin que cela. On est loin d'un Superman qui "joue le rôle" de Clark Kent dans le civil, ou d'un Bruce Wayne qui se “déguise" en Batman pour laisser place à sa violence limite schizophrénique. Non, Peter Parker n'est pas schizo, jamais. Il ne triche pas, d'ailleurs le mensonge le ronge intérieurement : il le coupe de MJ, il le culpabilise face à Tante May. Logique donc qu'il adopte la solution la plus "héroïque", du moins celle qui demande le plus de courage : dévoiler sa double identité. Une sorte de coming-out arachnéen finalement…
Autre séquence plutôt étonnante du film, celle du métro aérien. Du point de vue action tout d'abord, elle est tout bonnement époustouflante. D'aucuns diraient exagérée, car effectivement Spider-Man arrête tout de même un train lancé à pleine vitesse !! Du point de vue de ses relations avec les new-yorkais ensuite… la scène où il est porté et protégé par la foule passe beaucoup mieux selon moi que dans le premier film quand la foule défend Spider-Man face au Bouffon Vert. D'abord parce que ce gamin vient de les sauver d'une façon plutôt impressionnante, normal que les gens prennent fait et cause pour lui. Ensuite parce qu'ils s'étonnent en découvrant son visage de sa jeunesse… on peut imaginer un certain sentiment de honte des adultes face au gamin qui fait preuve de tant de courage. Et cerise sur le gâteau : là où le Bouffon était fragilisé par cette rebellion de la foule, Octopus n'en a cure et envoie tout le monde valdinguer comme si de rien n'était avec une belle ironie.
J'ai lu et entendu dans les réactions face au film sur internet ou à la sortie de la salle un reproche que j'ai trouvé injuste. Le film, et plus particulièrement Peter Parker ont souvent été qualifiés de "naïf". Je crois qu'il ne faut pas confondre être gentil et être naïf. Le cynisme empêche parfois de faire la part de choses. Les "bons sentiments"… ça devient presque une expression insultante ! Spidey ne tue pas, Spidey est bon et il a une certaine morale. Le mot est lâché : la morale donne des boutons à beaucoup de gens parce qu'elle est très souvent associée au contexte judéo-chrétien, à la religion. Il fait ce qu'il croit juste sans en faire un dogme, et surtout se pose des questions perpétuellement sur ce qu'il fait. Ce type de morale réfléchie et non refermée sur elle-même ne me choque pas. En cela, Spider-Man est très humain, et c'est même une de ses qualités premières : il sait se remettre en question. Alors ceux qui trouvent le film trop guimauve, trop bon enfant, trop naïf, je les renvoie à la lecture de Spider-Man. Que ce soit dans les tous premiers épisodes de 1963 ou ceux d'aujourd'hui, Peter Parker a toujours été un "gentil". Le personnage est comme ça, si on aime Spider-Man je crois que c'est aussi pour son côté idéaliste quoi qu'il arrive. C'est donc un faux procès qu'on peut faire au film, selon moi le caractère des personnages principaux est vraiment bien respecté par Sam Raimi.
Les PERSONNAGES
Comme pour le premier film, Tobey Maguire incarne un Peter Parker extrêmement convaincant, proche de l'homme de tous les jours (donc auquel on peut s'identifier facilement, et pour lequel on a naturellement de la sympathie), jouant sur le registre de la comédie, des sentiments et de l'action avec une crédibilité égale. Kirsten Dunst, dans le rôle de Mary-Jane a évolué depuis le premier épisode. Plus posée, plus adulte, elle reste cependant le point faible selon moi du film. Pas par la prestation de l'actrice, mais tout simplement par ce qui a été fait de son personnage. La MJ du comic et celle du film sont très différentes. Cela provient à mon sens surtout du fait que dans le film on a "mixé" deux personnages du comic en un seul à l'écran : Mary-Jane Watson et Gwen Stacy. Mary-Jane y a perdu en force de caractère et en joie de vivre par rapport à ce qu'elle représente dans la BD.
Alfred Molina en Doc Ock est tout bonnement excellent ! Il est remarquable aussi bien en scientifique sympathique qu'en ennemi impitoyable du tisseur. Et Octopus en action enterre définitivement le Bouffon (bien nommé) qui était selon moi la fausse note du premier film. Le savant fou est vraiment impressionnant. Au point qu'on en vient à regretter son faible temps de présence à l'écran, j'aurais aimé le voir un peu plus. Encore une fois le méchant incarne d'une certaine façon " l'image du père " comme c'était déjà le cas de Norman Osborn. Ce thème a toujours été l'un des plus importants dans les histoires de Spider-Man, Peter l'orphelin a toujours eu des relations contrariées avec les hommes à l'image paternelle (Oncle Ben dont il se rend responsable de la mort et qui lui a légué sa maxime "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités", leitmotiv du héros, Norman Osborn qui le prend sous son aile ainsi que Otto Octavius modèle du scientifique humaniste dont Peter se sent très proche).
Quant à tante May, elle est au centre de deux scènes totalement à l'opposé l'une de l'autre.
1. Son discours dans le jardin sur le héros qu'on a tous en nous, sa fierté de Peter, les sous-entendus surlignés au marqueur fluo pour lui faire comprendre qu'elle a changé d'avis sur Spider-Man (et qu'elle n'est pas dupe… tout laisse à penser qu'elle a fait le rapprochement avec Peter) : long, trop appuyé, moralisateur à outrance (dans le mauvais sens du terme cette fois-ci).
2. La scène pleine d'émotion où elle donne à Peter 20 dollars pour son anniversaire alors qu'elle a de graves problèmes d'argent : touchant, simple, profondément humain, vraiment émouvant. Des deux scènes la première m'a plutôt gêné, alors que j'ai trouvé la seconde complètement réussie… on oscille entre l'envie de l'adorer et de la fuir cette vieille tante !!
Les CLINS D'ŒIL
Sam Raimi a truffé son film de clins d'œil amusants à découvrir, en voici quelques uns comme ça au passage… À tout seigneur tout honneur… Stan Lee a évidemment droit à un caméo d'une demie-seconde, comme cela avait déjà été le cas dans le premier Spider-Man (pour info c'est le vieil homme qui sauve une petite fille lors de la scène de l'enlèvement de May par Doc Ock, quand des débris du bâtiment tombent sur les passants). Un autre acteur déjà "de passage" dans le premier opus : Bruce Campbell, vieil ami de Raimi, incarne avec un certain humour le vigile à l'entrée du théâtre de MJ, celui qui refuse de laisser entrer Peter arrivé en retard pour le début de la pièce. Rappelez-vous, c'était déjà lui qui tenait le rôle du présentateur du match de catch il y a 2 ans … Outre le fait que Campbell était le personnage principal de la trilogie Evil Dead de Sam Raimi, le réalisateur propose un autre clin d'œil de choix à ses films d'horreur pour ses fans : la scène du réveil de Octopus à l'hôpital a l'air toute droiet sortei de Evil Dead ! Les bras mécaniques qui font un vrai massacre avec les médecins et les infirmières, la tronçonneuse (drôle d'instrument chirurgical !!), les ongles de l'infirmière rayant horriblement le sol, le Doc Ock qui parle à ses tentacules vivantes … Raimi se fait visiblement plaisir ! Moins accessible au public français, dans la scène de l'ascenseur le réalisateur fait référence à la série télé gay "Queer as folk us". En effet Spidey partage l'ascenseur avec l'un des personnages principaux de la série, qui dans cette sitcom est un fan… de comics justement, et qui associe son amour pour les hommes à sa passion pour les super-héros. Spidey icône gay ?
D'autres clins d'œil émaillent le film, en rapport direct avec le comic book : on voit plusieurs fois le Docteur Connors (le professeur de biologie manchot de Peter) qui n'est autre que le Lézard (ennemi récurrent de Spider-Man), on aperçoit Betty Brant la secrétaire du Daily Bugle avec qui Peter a eu une relation amoureuse au tout début de la série, John Jameson, fils du rédacteur en chef et patron de Peter fait son apparition (il devient lui aussi un des ennemis du tisseur sous les traits d'un loup-garou… … et bien sûr le meilleur pour la fin : Jonah J. Jameson (incarné par JK Simmons), absolument parfait de ressemblance avec le personnage du comic. Dans l'excessif permanent, exactement comme on l'aime. Une très belle image également, tout droit sortie de l'épisode 50 de Amazing Spider-Man (1967) : quand Peter abandonne son costume de Spidey dans une poubelle, résolu à ne plus jamais être un super-héros… (cf. image)
SPIDER-MAN 3
Ce n'est pas une surprise, le troisième film est actuellement en route pour arriver au plus tôt sur nos écrans (2006-2007). Aujourd'hui, si le producteur Avi Arad a déclaré qu'il ne verrait aucun inconvénient à en faire une dizaine, on se dirige de plus en plus non vers une trilogie mais vers une franchise de 5 films. Il en est fortement question, bien que tout ceci reste tributaire de nombreux facteurs. Le premier étant l'engagement des acteurs. Ils avaient tous donné leur accord dès le départ pour 3 films dans l'éventualité d'un succès du premier. Tobey Maguire avec ses problèmes de dos (et oui, il n'y a pas que Jean Rochefort !) avait déjà fait planer des doutes sur sa participation au second film. Kirsten Dunst a pour sa part d'ores et déjà annoncé qu'elle ne désirait pas apparaître dans plus de 3 films. Quant à Sam Raimi, il a finalement rempilé pour la seconde suite mais à aucun moment il ne parle d'aller plus loin. Alors que peut-on envisager comme suite possible pour le prochain film ? La fin de Spider-Man 2 laisse imaginer Harry Osborn prendre le relais de son père, maintenant qu'il a découvert tout l'arsenal du Bouffon Vert. Les fans quant à eux espèrent l'arrivée d'un des ennemis les plus farouches de Spidey, et emblématique des années 90 : le symbiote Venom. Difficile cependant d'introduire ce personnage en gardant ses origines identiques à celles du comic. Venom est un costume-symbiote extra-terrestre (une espèce de parasite surpuissant en quelque sorte) que Spidey avait ramené d'une virée dans l'espace il y a bien longtemps. Le symbiote s'était associé au journaliste raté Eddie Brock (mentionné dans le premier film …) quand Peter l'a rejeté, et cela a donné le monstre Venom. Il faudrait donc modifier ses origines, et pourquoi pas l'associer à l'astronaute John Jameson qui a également une bonne raison d'en vouloir à Parker depuis la fin du second film… Mais Sam Raimi a depuis longtemps déclaré ne pas aimer le personnage de Venom, donc il y peu d'espoir de ce côté là. Par contre, le Lézard, alter-ego maléfique du Docteur Connors introduit dans le second épisode, semble être une bonne piste à suivre dans l'avenir… une association avec un nouveau Bouffon vert ne m'étonnerait pas plus que cela… et visuellement le Lézard serait un très bon choix si les effets spéciaux sont à la hauteur de ceux qui ont permis à Octopus de prendre vie. Quant aux héros, les scénaristes auront peut-être dans l'idée de se débarrasser du personnage de MJ (puisque Kirsten Dunst veut arrêter)… et dans cette éventualité pourquoi ne pas imaginer un triangle amoureux autour de Peter. Avec peut-être Betty Brant entraperçue dans le film, ou même un nouveau personnage issu de la BD : Gwen Stacy en personne… (le premier amour de Peter, tuée lors d'un combat contre le Bouffon Vert). Je penche même pour une fin de trilogie plus sombre, avec la mort de MJ, ce qui renverrait au mythique épisode de Amazing Spider-Man (#121) narrant la mort de Gwen.
Bref, Raimi et ses scénaristes n'ont que l'embarras du choix pour nous concocter le troisième épisode du tisseur au cinéma… Il n'y a qu'à puiser dans les 40 années d'histoires de Spider-Man ! Une chose est sûre : je ferai partie des spectateurs !!