Ce roman a été écrit dans les années 1980, mais je n'en avais pas entendu parler avant une double actualité récente. D'abord lorsque l'actrice Emma Watson, révélée par la saga Harry Potter et militante féministe, a annoncé sur son compte Twitter en avoir disséminé des dizaines d'exemplaires dans les rues de Paris, afin de le faire découvrir ; ensuite lorsqu'une série télévisée américaine l'adaptant a été diffusée et saluée par la critique et le public.
Il s'agit pourtant, ni plus ni moins, d'un des meilleurs romans d'anticipation, ou de dystopie, au même titre que 1984, Le Meilleur des Mondes... Dystopie, car il présente un futur proche dans lequel une dictature a remplacé la démocratie (américaine, en l'occurrence, mais cela n'a pas d'importance). Cette dictature a été mise en place après des conflits armés au déroulement confus, et une évolution sociétale qui a fait brutalement chuter la natalité. Les autorités ont donc mis en place un nouveau système, au sein duquel les femmes ayant déjà eu un enfant deviennent en quelque sorte des pondeuses, au service d'hommes issus de l'élite. Les autres femmes sont réparties selon des classes bien précises : Epouses (mariées aux Commandants mais trop âgées pour enfanter ou stériles), Marthas (domestiques) ou Tantes (sortes de superviseurs ou tutrices des Ecarlates). Un statut de femme-objet que doit donc assumer Defred, notre héroïne. Ce n'est pas son vrai nom, mais un surnom qui souligne son appartenance au Commandant Fred. Les écarlates n'ont quasiment plus de libertés, plus de possessions, plus d'identité non plus.
La façon dont Margaret Atwood, Canadienne née en 1939, parle de la vie de Defred, fait froid dans le dos. Le récit est presque un huis-clos, les conversations de Defred étant -dans un premier temps- réduites au simple fonctionnel. L'aliénation, l'obscurantisme (liés à la religion chrétienne, ici érigée en règle absolue) sont des rouleaux compresseurs qui peuvent détruire complètement un individu. Celles qui sortent du schéma risquent gros : la déportation, ou même la pendaison en public. Certains passages, pourtant très cliniques par moments, sont glaçants.
Defred parviendra toutefois à changer ses conditions de vie, et à nouer une relation particulière avec le Commandant.
La fin du roman laisse à penser que Defred finira par s'en sortir, et que ce système n'a pas tenu au-delà de quelques dizaines d'années. Mais Atwood laisse tout de même pas mal de questions en suspens. Trente ans après, elle présente dans une postface très intéressante les conditions d'écriture, ainsi que la réception et le succès international du roman. Elle dissipe également quelques contre-vérités véhiculées par la critique, comme le positionnement féministe du récit. Un positionnement battu en brèche par la présence des Tantes, qui sont aussi responsables de ce système.
Une lecture indispensable, et toujours d'actualité lorsqu'on regarde la condition féminine d'aujourd'hui.
Spooky.