Après l'utilisation désastreuse d'un procédé censé réguler et surtout uniformiser les climats sur Terre, la planète bleue se retrouve soudain prise dans les glaces, car la tentative a provoqué une glaciation extrême. Les survivants s'entassent dans un train qui parcourt la Terre dans un circuit sans fin, entamant une révolution qui dure un an. Peu à peu un semblant de société s'est instauré : Wilford, co-concepteur de la Machine qui meut le train, est bien au chaud dans la motrice de tête, tandis qu'une garde armée et quelques cadres tiennent dans un état de dénuement quasi-complet plusieurs centaines de personnes dans les voitures de queue. 17 ans après le départ du train, la Terre est toujours sous la neige et la glace, et une nouvelle révolte des "Queutards" se prépare, sous la direction de Curtis, un trentenaire qui a déjà passé la moitié de sa vie dans le Train.
Ce film est peut-être la sensation de l'année. Adaptant une bande dessinée française (intitulée le Transperceneige - une intégrale vient de sortir, pour les amateurs) initiée en 1984 et réalisée par Jacques Lob (au scénario, auquel a succédé Benjamin Legrand) et Jean-Marc Rochette, il est l'oeuvre d'une sorte de dream team intenationale. Aux manettes, Bong Joon-Ho, cinéaste coréen qui a fait sensation avec le film de monstres The Host, qui a lui-même adapté en scénario l'histoire originale ; Marco Beltrami, qui a réalisé les scores de Dans la brume électrique, 3h10 pour Yuma, Hellboy... ; au casting, c'est encore plus vaste, puisqu'on a des acteurs britanniques, américains, coréens et même français. Et pour compléter, le tournage s'est fait en République tchèque. Sans doute histoire de réduire les coûts, même si la quasi-totalité de l'histoire se déroule dans un train, donc un décor "étroit". Les studios Barrandov, longs de plus de 100 mètres, étaient les seuls à proposer de telles possibilités en termes de place.
Parlons-en du casting, plutôt étonnant, puisque dans le rôle principal on trouve Chris Evans en meneur de la révolte. Oui, Chris Evans, le bogosse tout lisse qui joue la Torche humaine dans les 4 Fantastiques et Captain America dans le film éponyme et dans Avengers. J'avais un peu peur qu'il se contente de serrer sa mâchoire carrée et de rouler des muscles, mais surprise, il se révèle d'une grande profondeur dans au moins deux scènes-clés du film, et tient plutôt bien celui-ci, même s'il ne rechigne pas à la castagne. A ses côtés on retrouve Jamie Bell, révélé par l'excellent Billy Elliott, Tilda Swinton, actrice caméléon une nouvelle fois méconnaissable, Ed Harris qu'on ne présente plus, John Hurt, adoubé par son interprétation d'Elephant Man. Sans compter Song Kang-Ho, qui jouait justement dans The Host et se montre encore une fois impeccable en junkie précieux.
Le film est nerveux, peut-être un peu longuet sur certaines séquences, mais sur le plan technique, c'est une vraie réussite. Les plans sont minutieusement travaillés, Bong a filmé son long-métrage en 1.85 plutôt qu'en Cinemascope pour renforcer l'impression d'enfermement. Il varie les axes de vision et les échelles de plan pour une immersion plus grande. La lumière crue n'est pas tendre avec nos protagonistes, et le contraste entre les wagons de queue et les voitures de tête est saisissant. L'auteur a ainsi voulu renforcer la différence d'état d'esprit entre les deux populations : l'une, vivant dans la crasse, garde tous ses esprits et n'aspire qu'à renverser la tête ; l'autre, vivant dans l'opulence et la décadence, est complètement insouciante, aliénée par la bonne parole d'un ermite mégalomane.
Tiens, en parlant de contraste, un aspect un peu déroutant dans le film est l'apparition ponctuelle de notes d'humour, à la limite du burlesque, alors que le propos du long-métrage est carrément pessimiste. Mais ceux qui ont vu The Host et d'autres films coréens reconnaîtront là une patte des cinéastes du Pays du matin calme. Personnellement cela ne m'a pas trop gêné, car le propos de l'histoire est respecté, et reste tout de même globalement noir. Car quel est l'avenir du Train ? Continuer à tourner indéfiniment autour de la Terre, avec une population régulièrement régulée par des massacres sans aucune justification ?
Vous l'aurez compris, il s'agit d'un excellent film, pas de doute.
Spooky