Depuis quelques années Stephen King semble avoir retrouvé l'allant qui en avait fait un écrivain majeur dans les années 70 à 90. Chaque mois de mars ou d'avril amenant sa traduction kingienne, j'ai un rendez-vous avec le géant du Maine ; je n'utiliserai plus l'expression "horrorus Rex", depuis qu'un camarade m'a fait remarquer, requête google à l'appui, que j'étais pratiquement le seul au monde à l'utiliser, sans toutefois en être l'inventeur... Mais passons, et concentrons-nous sur la livraison de cette année, en attendant un 22/11/63 qui est, selon les dires de ceux qui l'ont lu en VO, absolument excellent.
Nuit noire, étoiles mortes regroupe quatre récits, que l'on peut -je crois, j'ai la flemme de vérifier- qualifier de romans courts pour trois d'entre eux, et de novella pour le dernier. Ils comptent, par ordre d'apparition, environ 170, 150, 45 et 100 pages. C'est massif, mais c'est du King, hein. Nous allons donc parler de chacun de ces récits, qui sont inédits.
1922 est l'histoire d'un gars de la campagne qui un jour, excédé par son épouse acariâtre, décide de la faire disparaître, avec l'aide de son fils. Aucun remords ne le poursuit, seulement des petites créatures tout ce qu'il y a de commun. Il rédige sa confession -qui constitue donc l'histoire-, épuisé par huit années de hantise. J'ai trouvé ce récit trop long, clairement délayé, et finalement peu original.
Grand Chauffeur est celui d'une écrivaine qui prend un raccourci en revenant d'une intervention en bibliothèque et rencontre le grand méchant loup. S'en sortant un peu par miracle, elle décide de se faire justice par elle-même. Au-delà de la qualité d'écriture, bien présente dans ce petit roman sec et nerveux, c'est son thème qui a surtout retenu mon attention. En effet, si on ne savait pas lire entre les lignes, et si on ne connaissait pas l'orientation politique de King, qui est démocrate sans être un militant acharné, on pourrait croire qu'il s'agit d'un plaidoyer pour la peine de mort et pour la vengeance personnelle, sans passer par la case justice.
Extension claire est une variation du mythe de Faust. Un homme de 50 ans, en phase terminale de cancer, rencontre un bonhomme étrange, qui vend... des extensions en tous genres. Notre héros accepter un supplément de vie de 15 ans (ou plus) contre 15% de ses revenus, reversés sur un compte aux Iles Caïman. Mais en contrepartie quelqu'un d'autre perdra ces 15 années... Streeter donne le nom d'une personne qu'il déteste, et ne s'étonnera donc pas lorsque son médecin lui annoncera une rémission -ou plutôt une disparition- miraculeuse de ses métastases... Il ne s'étonnera pas non plus lorsque la personne dont il a donné le nom va avoir des ennuis...
J'ai beaucoup aimé ce récit, le plus court du recueil. Les évènements s'enchaînent très vite, presque à un débit de mitraillette dès lors que Streeter constate l'amélioration de son état. Et surtout ce personnage n'a aucun remords... C'est malsainement jouissif.
Bon ménage. Jusqu'à quel point pouvez-vous être sûr(e) de connaître quelqu'un ? C'est la réflexion que se fait Darcy lorsqu'elle découvre par hasard un "trésor" de son mari qu'elle croit connaître depuis 25 ou 30 ans... Ce récit est peut-être mon préféré, dans la montée de l'histoire, sa descente, sa remontée, et sa descente que l'on croyait finale, alors qu'une nouvelle remontée narrative vient la conclure en beauté.
King, dans sa postface de -seulement- 5 pages, explique que ce qui l'intéresse dans le processus d'écriture, c'est de créer des personnages aux comportements plausibles. Et pas de doute, il y réussit superbement, ce qui constitue peut-être l'essence de son succès.
En 2011, Nuit noire, étoiles mortes a remporté le prix Bram Stoker et le prix British Fantasy du meilleur recueil. En ce qui me concerne, ce n'est pas son meilleur bouquin, ni même son meilleur recueil de nouvelles, mais il constitue une lecture vraiment fort plaisante, pour peu que vous aimiez le genre.
Spooky