On fête cette année les 75 ans de la publication du premier roman de JRR Tolkien. Sa réception fut telle, à l'époque, que son éditeur, chez Allen & Unwin, lui demanda au bout de quelques mois de mettre en chantier, une suite, "une sorte de Hobbit". Très vite, des traductions dans différentes langues seront mises en route. En France il faudra attendra 1969, chez Stock, pour voir une traduction dans la langue de Molière. Elle est le fait de Francis Ledoux, avant qu'une nouvelle édition sorte en 1976 dans... la Bibliothèque verte. Car oui, Le Hobbit (Hobbit en VO, et Bilbo le Hobbit pour la première traduction) est un livre destiné à la jeunesse.
L'éditeur Christian Bourgois, qui publie peu à peu l'immense fonds tolkienien, a confié au Québécois Daniel Lauzon de retraduire ce monument, en attendant l'achèvement de son travail sur Le Seigneur des Anneaux. Pourquoi une nouvelle traduction, me direz-vous ? Eh bien au fil du temps, de nombreuses incohérences sont apparues aux yeux des lecteurs éclairés. Cependant un toilettage devenait nécessaire ; c'est pourquoi, après avoir demandé à un pool de volontaires de lui signaler les plus grosses bourdes, l'éditeur a ensuite confié à Lauzon, sous la direction de Vincent Ferré, ce travail de remise à niveau. Ainsi en cette fin d'année 2012, en préambule à la sortie du premier volet de l'adaptation cinématographique de ce même roman, ce sont trois versions qui sortent. La version "standard", le roman retraduit, mais aussi une version illustrée par Alan Lee, considéré comme le meilleur enlumineur de la Terre du Milieu, et enfin, ce Hobbit Annoté.
Comme pour Le Seigneur des Anneaux, ma lecture remonte à plus de 20 ans, déjà. Je m'étais promis, cette fois, de relire le texte AVANT d'aller voir l'adaptation par Peter Jackson au cinéma. Je suis donc dans les temps, et cette nouvelle traduction tombe donc à pic, puisque je lis beaucoup de textes SUR Tolkien. Ici je fais donc d'une pierre deux coups. Cette traduction se penche donc sur l'édition de Douglas A. Anderson, écrivain et éditeur spécialiste de la fantasy et de la littérature médiévale, qui s'est distingué en 1988 par son Hobbit Annoté. C'est la deuxième édition, sortie en 2002, qui est traduite ici.
L'ouvrage, qui comporte 460 pages dans un "presque" grand format, s'ouvre sur une impressionnante préface, qui retrace la composition (jamais terminée, toujours remise sur l'ouvrage), l'acueil critique, les aléas éditoriaux et la carrière de ce roman considéré comme un classique. Cela en impose. A titre de comparaison, mon édition en Livre de Poche de 1989 comporte 400 pages. Si j'avais voulu être intégriste, j'aurais lu l'ancienne traduction avant de m'attaquer à la nouvelle. Mais par manque de temps (et aussi parce que je vous embête suffisamment avec mes Hobbits), je ne l'ai pas fait. Mon souvenir est lointain, mais certains choix de traduction de Daniel Lauzon m'ont tout de même fait tiquer. En premier lieu le nom de famille du héros, qui de Sacquet devient Bessac. Lézeau, village hobbit, qui devient Belleau. La forêt de Mirkwood qui devient Grand'Peur (là pour le coup, on dirait un oubli de Ledoux réparé par Lauzon). Ou encore Fondcombe, qui devient Fendeval. Rien de bien méchant me direz-vous, mais que voulez-vous, quand un récit vous marque durablement comme ça, il est difficile de voir d'autres noms substituant ceux que vous avez toujours connus...
Mais me direz-vous, Le Hobbit, anciennement Bilbo le Hobbit, ça parle de quoi ?
Bilbo Bessac est un Hobbit tout ce qu'il y a de tranquille, dont la vie est partagée entre le thé de quatre heures et la combustion de sa pipe. Un aventurier du quotidien, en somme. Quand un jour, on frappe à sa porte. Surprise, c'est un Nain, qui s'invite de façon très cavalière. Puis on refrappe, et deux autres apparaissent. Puis encore deux. Au final, le salon du paisible semi-homme est envahi par treize personnes de petite taille avec une longue barbe. Toutes de sexe masculin. Enfin, on le suppose, vous imaginez bien qu'il n'est pas allé vérifier. Puis survient Gandalf, un ami magicien un peu loufoque, qui explique qu'ils sont venus sur sa recommandation, parce qu'il est un cambrioleur de première classe. Car les Nains ont besoin d'un homme, ou plutôt d'un Hobbit, de l'art. Pour récupérer un trésor enfoui sous une montagne, et jalousement gardé par un dragon quelque peu récalcitrant, Smaug. Et voilà notre brave Hobbit parti avec cette drôle de compagnie. Il est loin de se douter de toutes les aventures qu'il va vivre...
Il s'agit donc d'un roman d'aventure, proche du conte, mais qui se déroule dans un unviers que l'on appellera par la suite fantasy, un univers que Tolkien est alors, en 1937, en train de construire. Pour ma part je le place un cran en-dssous du Seigneur des Anneaux, car bien que l'imagination soit déjà présente, il n'y a pas tout à fait, dans ce Hobbit, le souffle épique de la célèbre trilogie.
Qu'y a-t-il de plus dans cette édition ? Comme je l'ai dit, la nouvelle traduction est précédée d'une impressionnante introduction. Par la suite, le texte, qui s'appuie sur la révision de Tolkien en 1966, est accompagné de nombreuses notes sur les sources de l'auteur... Il y a également des reproductions des illustrations d'origine par Tolkien lui-même, qui avaient plus ou moins disparu des différentes rééditions au fil du temps. Il y a également des illustrations de plusieurs pays européens, avec parfois des notices biographiques ou bibliographiques (comme dans le cas de Tove Jansson, illustratrice finlandaise très connue).
Une lecture très érudite, mais dont la densité gâche un peu le plaisir relatif au récit lui-même. Je recommande de faire d'abord une lecture du Hobbit, puis de reparcourir le récit en se référant aux notes, si l'on est intéressé(e) par l'intertexte.
Spooky.