Dans La Route, il nous met dans les pas d'un homme et de son fils, qui errent, seuls, sur une route, et qui se dirigent vers le sud après l'Apocalypse. Ils survivent comme ils peuvent, pillant les maisons, se prémunissant des pillards, etc. Rien de bien neuf là-dedans me direz-vous, le courant littéraire du "surviving" existe depuis que la bombe nucléaire existe, ou même depuis les débuts de la science-fiction, avec des auteurs comme HG Wells ou John Wyndham. Là où Mc Carthy se détache des autres auteurs, c'est dans ses choix d'écriture. On ne sait pas quelle est la nature de l'Apocalypse en question. Tout juste sait-on qu'il s'est passé quelque chose, que le monde s'est embrasé, que plus rien ne fonctionne, qu'il y a peu de survivants. Ceux-ci errent dans les teritoires désolés, qui n'ont plus de noms ou presque, et se nourrissent avec ce qu'ils trouvent ou volent, y compris leurs congénères. Cela peut aller jusqu'à constituer des garde-mangers un peu spéciaux... L'homme et son fils que nous suivons n'ont pas de nom. A quoi cela leur servirait-il, dans un monde où c'est chacun pour soi, malgré la formation de groupes réduits de pillards ? On ne connaît pas leurs âges, normal, on perd vite la notion du temps sans engins pour le mesurer... Tout juste peut-on supposer fortement que l'enfant n'a pas plus de 12 ans, vues ses réactions et ses questionnements envers son père. Ils se rendent vers le sud parce qu'il y fait plus chaud, parce que le père y connaît un coin très beau où ils pourraient peut-être se réfugier... et c'est tout. Voilà tout ce qu'on apprendra dans le roman.
Le reste ne sont que des dialogues et des descriptions vues du côté du père ; c'est vrai ça, quand vous savez que vous êtes condamné à plus ou moins brève échéance, quel besoin avez-vous de vous dire "je m'appelle Steve Hawkins, j'ai 38 ans, je suis ingénieur en mécanique" ? Tout ce que vous pouvez faire, c'est chercher à manger pour vous et votre enfant, le seul bien qu'il vous reste, et le préserver coûte que coûte.
Aucun espoir dans La Route. Tout est noir, même le ciel, peut-être voilé par des cendres... Mc Carthy use d'une écriture serrée, vivant dans l'instant, comme ses héros, à coups de petits paragraphes secs, où les actions se succèdent très rapidement. Un exemple ? "il rentra dans la maison, inspecta la cuisine, souleva tous les couvercles et regarda dans les placards puis il aperçut la porte d'un réduit et l'ouvrit et chercha à tâtons l'interrupteur et l'alluma et regarda vers le bas des marches et les descendit." Les dilaogues sont également mêlés aux descriptions, sans indication particulière comme des "" ou des "dit le garçon". Tout ceci pour montrer que le quotidien, dans ce qu'il a de plus trivial ou presque, en tous les cas de plus banal, est le véritable sujet du roman. L'homme ne se permet des petites digressions lorsque son enfant dort. Dans ces moments-là, il repense à la vie merveilleuse lorsque son épouse était encore vivante (d'ailleurs la disparition de celle-ci n'est pas vraiment évoquée, exactement comme si l'homme se refusait d'y penser), mais aussi à ce qu'il se passerait s'il venait à disparaître, se demandant s'il ne ferait pas mieux de les tuer, lui et son fils... Un ton fortement pessimiste, voulu par la situation.
Ce roman est très dur. Certaines personnes ont pleuré en le lisant. Pas votre serviteur, mais il a eu du mal à lire certains passages, très explicites. Mais c'est un chef d'oeuvre tétanisant, inoubliable, couronné en 2007 par le prix Pulitzer, censé récompenser l'excellence dans les arts.
Hollywood ne s'est pas trompée, puisqu'une adaptation cinématographique a été très vite mise en route ; hasard du calendrier en ce qui me concerne, ce film, réalisé par John Hillcoat, avec Viggo Mortensen en tête d'affiche, sort ce 2 décembre. Pour les curieux, une bande-annonce est disponible. Je me dois cependant de vous prévenir que celle-ci en dit un peu plus que le bouquin, notamment au sujet de l'Apocalypse dont je parlais plus haut.