Neil Marshall avait plus ou moins pris le leadership du cinéma britannique fantastique (après Danny Boyle et son impérissable 28 jours plus tard) avec Dog Soldiers, sympathique film d'action mêlant histoire de loups-garous et soldatesque, mais aussi et surtout The Descent, qui a fait remonter le taux de claustrophobie chez pas mal d'amateurs de gore et de spéléologie (oui, ça existe).
Son dernier film en date, Doomsday, s'attaque au genre du post-apocalyptique, genre bien balisé par Mad Max et New York 1997. Le pitch est simple : en 2010, un virus décime très rapidement la population de l'Ecosse. Les autorités de l'époque décident d'isoler complètement les foyers d'infection et les éventuels malades sur cette partie nord de la plus grande île britannique, rétablissant et renforçant le Mur d'Hadrien, fortication romaine qui marquait la limite entre l'Ecosse et l'Angleterre. La région retourne rapidement au chaos, jusqu'au cannibalisme. Le gouvernement britannique croit avoir éradiqué le virus, faute de proies, au bout d'une vingtaine d'années, mais les observations d'un satellite espion révèlent la vérité : il y a des survivants ! Peu de temps après le virus apparaît en plein coeur de Londres, faisant craindre le pire. On envoie alors un petit groupe d'intervention vers Glasgow, afin de retrouver le Professeur Kane, qui menait des recherches sur le virus avant de se retrouver coincé du mauvais côté. Le groupe est dirigé par Eden Sinclair (Rhona Mitra, qui à part des seconds rôles dans Hollow Man et Le Nombre 23, compte comme haut fait d'arme d'avoir été la première incarnation en chair et en os de Lara Croft), qui a elle-même été sauvée de justesse de la contagion 25 ans plus tôt. Une fois arrivé sur place, le commando se rend compte que la réalité est bien plus complexe...
Le début du film est intéressant, posé, Neil Marshall joue son John Carpenter avec application, allant jusqu'à copier des plans entiers, des costumes et même des scores musicaux de Big John. Il y a même une petite critique du pouvoir, et de son hypocrisie. On voit que c'est une super-production, les moyens (costumes, décors, engins) sont là. Et peu après le passage du commando de l'autre côté, ça vire au grand n'importe quoi. Le chef des hippies cannibales qui disputent la suprématie régionale à Kane est une espèce de rock-star, qui célèbre la dégustation de la chair humaine lors de grands shows pyrotechniques, avec Fine Young Cannibals (le choix du groupe n'est évidemment pas innocent) en fond musical, les méchants se déplacent à moto ou en voitures dont on se demande comment elles peuvent être ravitaillées en carburant au bout de 25 ans de blocus absolu... Pire, la faction de Kane est carrément retournée à l'état féodal, l'exécuteur de ses basses oeuvres étant un chevalier tout caparaçonné de noir. C'est limite pitoyable tellement c'en est grotesque. Les routes sont dégagées, les voies de chemin de fer aussi, bref les sauvages qui ont été jusqu'à s'entre-dévorer ont réusi à conserver l'électricité et l'essence et à entretenir les infrastructures. Et bien sûr, une voiture qui est restée au garage depuis la fermeture des frontières est en parfait état de marche, avec le plein d'essence !
C'est vraiment dommage que Neil Marshall mange à tous les râteliers pour écrire son film : New York 1997, Mad Max, les emprunts sont nombreux sur ces deux films-références. Le morceau musical qui conclut le film est, lui, directement pompé sur celui de 28 jours plus tard... C'est un beau gâchis. Marshall aurait pu faire un film certes dans un genre largement balisé, mais avec sa propre voix, sa propre identité. Les acteurs ne sont pas mauvais (on notera la présence des vétérans Bob Hoskins et Malcolm Mc Dowell), ce n'est pas mal filmé, mais décidément c'est trop pompé, et malheureusement ça part dans tous les sens dès la deuxième bobine... Où est passé le scénariste-réalisateur inspiré comme c'est pas possible qui nous fout les jetons sur The Descent ? Où sont passés tous les moutons ? Les gens les ont mangé en méchouis géants, me répondrez-vous. Dans ce cas-là, pourquoi y'a-t-il des milliers de vaches en liberté ?
Spooky.