Avec ce tome, je clos une grosse session de lecture consacrée à Tolkien. Pour mémoire, j’ai lu également Les Monstres et les critiques et autres essais, Le Seigneur des Anneaux ou la tentation du Mal, et plus récemment Tolkien, 30 ans après. Je n’épiloguerai pas sur ces lectures, il vous suffit de suivre les liens pour en savoir plus.
Aujourd’hui je vous entretiendrai donc de ce conte des Enfants de Húrin, personnages très importants du cycle d’Arda. Les évènements contés dans ce tome prennent pied des milliers d’années avant Le Seigneur des Anneaux. La Terre du Milieu est en proie aux luttes entre Morgoth, le premier Seigneur ténébreux (et maître de Sauron, qui fera des misères à cette même terre du Milieu plus tard), et les Elfes, alliés aux Hommes. Húrin était le seigneur de Dor-Lomin, une petite terre ceinte par les montagnes dans le nord du Beleriand. Le Beleriand se trouve au nord des régions où se déroule l’action du Seigneur des Anneaux. Au cours d’une bataille Húrin fut capturé par les Orques à la solde de Morgoth, lequel le somma de lui indiquer l’entrée du royaume de Gondolin, une cité cachée dans les montagnes mais recelant de nombreuses richesses. Fier, Húrin refusa de céder, et Morgoth l’enchaîna au sommet d’une montagne dominant le Beleriand, d’où il put voir, 28 ans durant, tout ce qui s’y passa, par le prisme déformant de Morgoth. Ce dernier lança une terrible malédiction sur les enfants du seigneur de Dor-lomin, Túrin et Niënor.
Le roman raconte, sous forme de conte, la vie aventureuse et errante du frère et de la sœur, surtout Túrin. Il fut d’abord envoyé au royaume de Doriath, tenu en sécurité par les Elfes sindarin dirigés par Thingol. Túrin devint un robuste guerrier, quelque peu impulsif et fruste. Au cours d’une dispute, il tua accidentellement un notable Elfe, et décide lui-même de s’enfuir, vouant son existence à l’errance, sous divers noms d’emprunt. Devenu le chef d’une bande de hors-la-loi, il combattit farouchement les Orques qui commençaient alors à envahir le Beleriand. Il fut ensuite amené à Nargothrond, un autre royaume elfe, où il devient un capitaine au succès fulgurant, se substituant rapidement au maître légitime des lieux, Orodreth. Mais bientôt les armées maléfiques s’abattent sur la cité, menées par le Ver Glaurung, qui annonça avant de s’échapper à Túrin son destin funeste. Túrin décida alors de repartir chercher sa sœur et sa mère, hélas parties depuis longtemps de Dor-lomin. C’est là que Glaurung réapparut, ensorcelant la jeune fille et lui faisant perdre totalement la mémoire tandis que sa mère disparaissait. C’est Túrin qui la recueillit dans la forêt de Brethil, et s’occupa d’elle. Et bien sûr, ils tombèrent amoureux, et Niënor –rebaptisée Niniel (« la jeune fille en pleurs »)- épousa Túrin et conçut un enfant avec lui. C’est le moment que choisit Glaurung pour réapparaître et menacer leur bonheur. Túrin le tua, non sans apprendre par la bouche du ver (qui se fit ainsi la voix de Morgoth) l’identité de la jeune fille qu’il trouva un jour errant dans les bois. Recouvrant la mémoire avec le dernier soupir de Glaurung, Niënor ne put supporter la vérité et se jeta du haut d’une falaise. Túrin, arrivé trop tard pour la retenir, supplia son épée elfique de boire son sang. Ainsi s’achève l’histoire dramatique des enfants de Húrin…
Quelle histoire, n’est-ce pas ? Túrin Turambar est sans doute l’un des personnages les plus tragiques (au sens du théâtre grec du terme) jamais créés par Tolkien. Exilé, meurtrier d’un notable, de l’un de ses meilleurs amis et soutiens, il causa la perte de Nargothrond, jusque-là inviolable, par ses ambitions guerrières. En outre il perdit ses parents (qui se recueillirent plus tard sur sa tombe, Húrin libéré et Morwen revenue des ses errances), épousa sans le savoir sa sœur… Cette épopée fut écrite par l’auteur au cours de la première guerre mondiale, à une époque où les Hobbits n’existaient pas encore dans son imaginaire, mais n’avait pas encore été livrée de façon exhaustive aux lecteurs. En effet elle existait sous une forme embryonnaire dans le Livre des Contes perdus. C’est encore une fois son fils Christopher qui, rassemblant des notes, comblant les trous, corrigeant les incohérences, qui nous permet d’avoir ce récit dans son intégralité. Il nous permet par exemple d’avoir une relation conséquente de Nirnaeth Arnoediad, la bataille des Larmes Innombrables (un nom que je trouve sublime), une bataille où Nains, Elfes et Hommes furent unis pour combattre l’Angband, tenu par Morgoth. Cette bataille causa la perte de Húrin, comme je le disais plus haut, et constitua un basculement dans l’histoire de la terre du Milieu, puisqu’après Morgoth put contrôler la quasi-totalité du Beleriand.
EDIT du 4 août : Je tenais à souligner le travail d'édition remarquable de Christopher Tolkien, à l'attention des nombreux lecteurs qui ne baigneraient pas dans l'ambiance et l'univers de la Terre du Milieu. En effet en fin de tome se trouve un index des noms propres présents dans le conte. C'est vrai qu'il est parfois difficile de tout retenir, a fortiori quand les personnages et parfois les lieux changent de noms. Même moi j'avais un peu de mal par moments. J'ai essayé justement de ne pas trop en rajouter à ce niveau dans ma chronique. En complément de cet index se trouve une carte des lieux des évènements relatés, qui sans être complète, permet tout de même de se situer un peu dans l'espace. Seul reproche à faire aux éditeurs, la connexion géographique avec l'action du Seigneur des Anneaux n'est pas aisée.
Les Enfants de Húrin constitue l’un des récits les plus épiques de Tolkien, à rapprocher bien sûr de son Seigneur des Anneaux. Une lecture très dynamique.