Mélanie Fazi est, à un peu plus de 40 ans, une figure de la littérature de l'imaginaire française. Traductrice, essayiste et à ses moments perdus photographe, elle a aussi une belle carrière d'autrice (auteure ?) émargeant dans le domaine du fantastique, avec trois romans et deux recueils de nouvelles. Je n'ai pas tout lu, mais je dois dire que j'apprécie sa prose. Elle fait même partie du club très fermé des créateurs m'ayant fait rater ma station de métro.
Au-delà des ses qualités d'écriture, Mélanie est une personne réelle, que j'ai eu le plaisir de croiser à plusieurs reprises, et d'apprécier. J'ai fini par suivre son activité sur les réseaux sociaux, et par voir évoluer sa personne et suivre son actualité littéraire. Et en juin 2017, sans prévenir ou presque, Mélanie poste sur son blog, relayé sur son compte facebook, un billet introspectif où elle se livre comme jamais sur son intimité : elle n'a pas contrairement à l'immense majorité de ses semblables, eu envie de vivre en couple, n'a jamais ressenti ce besoin d'être avec quelqu'un. Un coming-out un peu particulier, qui lui coûta beaucoup à l'époque, mais qui est le fruit d'un long cheminement personnel émaillé par des séances de psychanalyse qui ont duré des années.
Et comme souvent dans le cas d'un coming-out, celui-ci a été le début d"'une nouvelle phase de sa vie, caractérisée par une libération mentale et langagière ; ce qui était souvent tu, ou bien avoué à demi-mots accompagnés d'excuses bredouillées, est à présent affirmé sans honte, assumé sans être claironné. Mélanie est à présent mieux dans ses baskets, et la période qu'elle avait qualifiée pudiquement -et surtout pour éviter d'aborder franchement le sujet- de burn-out, mais qui était une sorte de dépression semble bel et bien derrière elle. La jeune femme retrace dans ce petit ouvrage l'historique de ce cheminement, l'analyse très lucide qu'elle est en mesure d'en faire à présent. Il contient ce billet dont je parlais, qui marque un point de passage essentiel dans son parcours personnel.
Grâce à son écriture fluide, sensible, Mélanie Fazi nous fait entrer dans son intimité, sans fard, à l'image, en quelque sorte, de ses récits de fiction, où se trouve d'ailleurs en filigrane son rapport tout particulier au romantisme. Encore une fois je me suis laissé emporter par sa plume, non sans être touché par le sujet. Quel calvaire a-t-elle pu vivre pendant ces décennies, où elle essayait de combattre ce sentiment tout particulier, où elle n'arrivait pas à mettre des mots sur celui-ci. Elle n'a d'ailleurs pas, à l'heure où elle a écrit son livre, trouvé de nom pour résumer, qualifier ou décrire cette situation. Qui n'est d'ailleurs pas si rare, Mélanie ayant reçu, suite à son blog, de nombreux témoignages d'affection, d'amitié, d'admiration, mais aussi de reconnaissance, pour avoir osé sortir de son silence et parler d'un sujet tabou. Elle n'est pas seule dans son cas. Et sa parole va peut-être permettre à d'autres de sortir de leur silence, de leur malaise et affirmer haut et fort leur condition. En leur nom, merci, Mélanie.
Spooky