Les adaptations de comics au cinéma donnent presque toujours des films catastrophiques (je ne cite pas de titres, je ne voudrais pas me fâcher avec les nombreux fans de Spider-Man) mais malheureusement, on n’a pas fini d’en bouffer : Iron Man, Les 4 Fantastiques, Cage, Ghost Rider, Sub-Mariner, Black Widow, Shang-Chi, Shazam!, Watchmen, la liste des navets en puissance qui envahiront nos écrans au cours des 2 ou 3 années à venir s’allonge jour après jour, à la plus grande joie des fabricants d’effets spéciaux numériques, des éditeurs de jeux vidéos et des marchands de jouets. Combien faudra-t-il de bides au box-office pour que les producteurs lèvent le pied ? Allez savoir. En attendant, vu le score lamentable d’Elektra aux Etats-Unis, on peut déjà être tranquille sur un point : il n’y aura certainement pas de 2ème épisode, et c’est pas dommage.
Apparue au cinéma dans le médiocre DareDevil avec Ben Affleck, Elektra a été ressuscitée pour devenir l’héroïne de son propre film, en solo, toujours sous les traits de la fade Jennifer Garner (qui ne voulait même pas faire le film, mais y était obligée par contrat). Tueuse à gages redoutable, notre demoiselle traîne sa mélancolie aux 4 coins du monde, vendant ses services meurtriers au plus offrant. Sa dernière mission en date consiste à exécuter le Dr. Kovacz et son insupportable fille, mais comme aucune femme ne peut résister au charme du beau ténébreux de la série Urgences et d’une petite peste pleurnicharde, Elektra renonce à ce contrat et se met en tête de sauver Mister Chien-Battu et Miss Tête-à-Claques des griffes de la Main, un club de ninjas magiciens. Notre barbie-karatéka parviendra-t-elle à vaincre les méchants avant que le spectateur ne s’endorme ? Suspense…
Comme toujours, les auteurs et éditeurs de chez Marvel n’ont eu qu’un droit de regard minimum sur le contenu du film, écrit et réalisé par des gens qui ne connaissaient pas du tout la BD (derrière la caméra, Rob Bowman, réalisateur du Règne du feu, et au scénario, l’auteur de l’adaptation cinématographique de L’Inspecteur Gadget) avant d’être recrutés par ce cher Avi Arad, producteur à qui nous devons déjà tous les impérissables chefs-d’œuvre estampillés Marvel sortis ces dernières années. Ceux qui espèrent une adaptation fidèle au personnage en seront donc pour leur frais : Garner n’est absolument pas faite pour le rôle (c’est pas parce qu’on sait faire du karaté et qu’on a une tête à faire des pubs de cosmétiques qu’on est crédible en assassine aussi séduisante que cruelle et aussi infaillible qu’instable), alors il a bien fallu le réécrire pour que le personnage lui corresponde plus. Ne restent donc que ses longs poignards “sai” et la couleur du costume (rouge). Toute l’ambiguïté du personnage disparaît, et Elektra devient donc une gentille petite fée du logis (quand elle n’est pas en train de faire le parquet, elle astique ses dagues ou se bat contre des draps) qui cache un cœur d’or sous ses dehors froids, et se montre prête à mettre son existence en péril pour sauver deux parfaits inconnus. Seuls détails destinés à la faire passer pour une femme tourmentée : elle a des TOC (la dernière mode à Hollywood, voyez Aviator) et revoit sans cesse sa mort et celle de ses parents en flash-back.
A la limite, la “trahison” du personnage inventé par Frank Miller ne serait même pas grave si ça donnait un film d’action divertissant mais, hélas, ce n’est même pas le cas. L’intrigue indigente et prévisible est aussi insipide que l’héroïne, le mystère que le scénario prétend entretenir sera percé par le spectateur bien avant d’être dévoilé à l’écran, les scènes d’action sont rares et molles, les effets spéciaux sont insignifiants (ennemis qui explosent dans un nuage de fumée, façon Buffy contre les Vampires…). Même le costume est raté : visiblement conçu pour satisfaire un public ado mâle ne jurant que par les gros bonnets, il donne l’impression que l’actrice (qui à vue de nez, remplit à peine du B) porte les habits de sa grande sœur pour s’amuser. Si au moins le film était aussi involontairement comique que son prédécesseur dans le genre “film de super héroïne sexy”, le grotesque Catwoman ! Mais non. Elektra ne sniffe pas d’herbe à chat, ne grimpe pas sur les meubles, ne mange pas 12 boîtes de thon avec les doigts, ne prononce pas des répliques débiles à base de “RRRRR” et de “Miaou”, ne roule pas de grands yeux dans tous les sens en tortillant exagérément un cul en images de synthèse. Elektra ne parvient jamais à transcender son statut de navet pour accéder à celui, autrement plus rigolo, pour ne pas dire plus noble, de nanar. Du coup, il ne reste qu’un film morne, sans rythme, sans saveur, auquel même la présence du charismatique Terrence Stamp (dans le rôle de Stick, le mentor) ne parvient pas à insuffler une once d’intérêt. Si vous aimez les films de bagarre, faites donc l’impasse sur les soporifiques exploits des péronnelles ninjates d’Elektra et allez plutôt vous louer un bon vieux Tai-Chi Master.